Les 29 et 30 juin prochain, c’est à Masseube, paisible cité du Gers, que les Pieds-Noirs débattront de leur destin. C’est là, dans le cadre bucolique et au milieu des arbres centenaires du Campus Saint-Christophe que Georges Belmonte et Marie-Paule Garcia, les deux piliers du Cercle algérianiste du Gers, organisent, avec une implication aussi discrète qu’efficace de Marie-Pierre Belmonte-Carjuzaa (lire ici son appel aux enfants de PN), le colloque « Albert Camus, le Pied-Noir, face aux violences politiques ».
Les Pieds-Noirs ne pouvaient pas rester en retrait de cette année « camusienne ». Le centenaire de la naissance de l’unique Prix Nobel de littérature de l’Algérie française sera fêté le 7 novembre prochain et les PN, sans même y prendre garde, sont en train de perdre la guerre de la mémoire que leur font avec acharnement leurs ennemis. En effet, sans le moindre scrupule, ni honte ni sens du ridicule, le lobby des porteurs de valises flnistes tente, avec la complicité des médias du service public, d’annexer Camus. C’est ainsi que, avec à sa tête Benjamin Stora (qui n’a jamais rien écrit sur lui !), il avait, dès 2012 et avec l’argent public généreusement dispensé par le Ministère de la Culture, multiplié les colloques sur le thème « Camus, l’Algérien ». France Culture, le 27 décembre 2012 et le 26 février 2013, et France Inter trois semaines plus tard (le 15 mars 2013), n’ont pas craint de participer à cette escroquerie en programmant des émissions sur le même thème avec le même Stora comme unique invité, ce qui est bien pratique quand celui-ci n’en sait pas plus que ses hôtes. Il va sans dire que, à l’approche du centenaire, le mouvement s’accélérera et que, d’ici le 7 novembre, nous assisterons à une véritable confiscation de celui-ci. Il était temps que les PN se ressaisissent et défendent leur patrimoine.
Georges Belmonte et Marie-Paule Garcia ont choisi de parler du philosophe de l’absurde face aux violences politiques, avec peut-être en tête l’idée que cette problématique n’est rien moins qu’actuelle ; ce colloque aurait parfaitement pu être intitulé « Cinquante ans après, les Pieds-Noirs face aux violences politiques ». Nous saurons le jour dit si elle est partagée par la brochette d’écrivains et témoins pieds-noirs invités, tous acteurs de cette tragédie de l’Histoire qui a fait de nous des exilés intérieurs, à part le plus jeune d’entre eux, mais on verra qu’il a dans son ADN et dans ses écrits quelques titres à s’exprimer sur la question. C’est ainsi qu’on pourra entendre (et débattre avec) :
. Guillaume Zeller, petit-fils du général André Zeller, l’un des quatre putschistes du 21 avril 1961 avec les généraux Challe, Jouhaud et Salan (le fameux « quarteron »), auteur de « Oran, 5 juillet 1962 ;
. Jean-François Mattéi, né à Oran en 1941, philosophe de la « pensée de midi », à rapprocher de la tempérance (aujourd’hui, on dirait modération) socratique, ou juste milieu d’Aristote, qu’il situe entre ce qu’il appelle dans ses deux livres éponymes, la barbarie intérieure et le sens de la démesure. La Barbarie intérieure, « c’est […]l’impossibilité de recevoir la vérité, ou, simplement, de se mettre en mesure de la recevoir, parce que l’enfermement du sujet en lui-même ne laisse place à aucune ouverture » ; autrement dit, le fait de vivre dans l’affirmation de sa propre subjectivité et de renier des références éthiques universellement admises. Avec Le Sens de la démesure, il propose, à la suite d’Albert Camus notamment, de prendre exemple sur la Grèce antique qui pourfendait la tentation de l’infini et de l’immense, et de mener une lutte permanente contre ce que j’appelle l’idéologisme, qui a, au xxème siècle, entraîné l’humanité dans toutes sortes de désastres, et, au XXIème, la France à sa perte ;
. Jean Monneret, né le 28 novembre 1939 à Alger, a écrit sur tous les drames qui ont émaillé la décolonisation de l’Algérie : la fusillade de la rue d’Isly, à Alger, le 26 mars 1962 ; l’enlèvement par le FLN de 3 018 Européens, du 19 mars à octobre 1962 ; le massacre de dizaines de milliers de harkis, dès le cessez-le-feu ; le massacre du 5 juillet 1962 à Oran ;
. Robert Ménard, né le 6 juillet 1953 à Oran, journaliste, fondateur et secrétaire général jusqu’à septembre 2008 de l’association française RSF – Reporters sans frontières. Le 1er octobre 2012, il a lancé avec Dominique Jamet le site d’information Boulevard Voltaire. Il est candidat soutenu par le FN aux municipales de 2014 à Béziers ;
. Hubert Ripoll, né en 1947 à Philippeville, spécialiste de la psychologie du sport, enseigne à l’université de Marseille. Auteur de Mémoire de là-bas, sur la mémoire de trois générations de pieds-noirs pour comprendre comment s’est transmise – ou pas – l’histoire des PN. Ou le dialogue avorté entre eux et leur descendance.
Avec la participation de Robert Davezac, né à Alger en 1941, ex-OAS, devenu historien après des études supérieures entamées à 40 ans ; de Gérard Lehmann, écrivain, auteur de La cendre et la braise sur l’OAS ; de Wolf Albes, éditeur ; de Maria Alonso, journaliste ; de Nicole Guiraud, victime à sept ans de l’attentat du 30 septembre 1956 au Milk Bar d’Alger, et de moi-même
Mais ces journées de Masseube ne peuvent pas n’être qu’un week-end studieux. Les Pieds-Noirs, c’est dans leur nature et c’est tant mieux, quelquefois même sans le savoir, s’efforcent toujours de mettre du sourire dans les choses sérieuses et du sérieux dans le plaisir.
Qu’ils viennent pour le colloque ou tout simplement pour être ensemble, qu’ils soient des philosophes amateurs ou des spécialistes de Camus, des politiques ou des curieux, qu’ils carburent aux nourritures spirituelles ou qu’ils préfèrent les nourritures terrestres (toutes compatibles !) il va sans dire que les participants à ces journées auront tous matière à tirer profit de leur visite. Plus sérieusement, à titre personnel, je souhaite que les PN résidant en Midi-Pyrénées, en Aquitaine ou dans les Départements limitrophes, viennent nombreux à Masseube les 29 et 30 juin prochains et je rêve même d’y voir trois générations de PN ensemble. C’est pourquoi j’en appelle aux lecteurs qui le pourront, en particulier aux signataires de la pétition « Taisez-vous, Elkabbach ! », pour qu’ils viennent me retrouver dès le samedi 29 juin au Campus Saint-Christophe de Masseube.
_______________________