Décryptage revient sur trois affaires qui ont fait la une cette semaine. Marine Le Pen s’insurge contre l’usine Renault en Algérie ; l’échec du référendum catalan ; les dessous de l’affaire Sivens.
Marine Le Pen s’insurge contre une usine Renault en Algérie : à tort !
Renault en Algérie : bon pour la “remigration”.
Le gouvernement français envoie un ministre en Algérie inaugurer une usine française et, aussitôt, Marine Le Pen s’insurge. Je ne suis pas sûr d’avoir tous les éléments pour juger mais, d’un premier élan, j’ai tendance à penser que c’est exactement ce qu’il faut faire. D’abord parce que l’unité de production créée en Algérie n’aurait pas pu l’être en France. D’autre part, pour des considérations de politique d’immigration.
Statistiquement, il y a en France un émigré au travail pour onze inactifs. Or, lorsqu’une entreprise comme Renault ouvre une usine en France, elle fait venir une grande partie de la main-d’œuvre correspondante, le plus souvent d’Afrique du Nord, en particulier du Maroc[1]. Et ces travailleurs ne viennent pas seuls. Femmes, enfants, mais aussi, à terme, parents, accompagnent les travailleurs. Avec, contrairement à ce que Mélenchon fait semblant de croire, un coût pour la collectivité nationale démesurément disproportionné à leur apport.
Plutôt que de vitupérer contre le gouvernement français quand il fait quelque chose d’utile au maintien des Algériens chez eux, Marine Le Pen devrait s’en féliciter et demander la multiplication d’une telle initiative. Surtout au Maroc qui est le principal pourvoyeur de populations inassimilables en France.
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Fin des Nations : la Catalogne, en attendant l’Europe des régions transnationales.
Artur Mas, Président vindicatif de la Generaltat de Catalunya.
A l’occasion du référendum sur l’indépendance de la Catalogne, on a pu voir les médias français pleins d’entrain en faveur des séparatistes. L’enthousiasme est tombé à la publication des résultats du vote mais la tendance reste : la doxa bienpensante (ou pas pensante) est unanime ; elle souhaite l’indépendance de la Catalogne et son maintien dans l’Europe. Ce ne sera pas encore pour cette fois.
L’Europe des Régions, de préférence transnationales, évidemment, tel est le projet sous-jacent de nos élites cosmopolitistes. Le Premier ministre espagnol Rajoy s’est réjoui de l’échec de l’initiative en prétendant qu’1/3 seulement des Catalans ait voté. Ce qui est faux. 2,3 millions d’électeurs, soit 43% des Catalans en âge de voter, se sont rendus aux urnes. Parmi eux, 80% ont dit oui à l’indépendance, soit 34,4% des inscrits. C’est beaucoup mais pas suffisant pour penser qu’un référendum officiel aurait donné les mêmes résultats. Car, si les indépendantistes furent sans doute très nombreux à se déplacer dimanche, il est probable que ce ne fut pas le cas des électeurs opposés au projet.
Mais la question de fond n’a été posée nulle part. Cette question, c’est celle-ci : qu’est-ce qui permet aux Catalans de se prétendre seuls propriétaires de la Catalogne ? Les 38 millions d’autres Espagnols n’ont-ils aucun droit sur elle ? Les indépendantistes appuient leur revendication sur l’Histoire. Et, là, ils se risquent en terrain miné. Quand la Catalogne a-t-elle été indépendante ? Indépendante de qui, d’ailleurs ? A première vue, ils se réfèrent à la Generalitat concédée en 1359 par le roi Pierre IV d’Aragon à ses provinces de Catalogne, de Valence et du Roussillon, faisant mine de penser qu’il s’agissait d’une indépendance alors qu’il en était exactement comme des États généraux créés par Philippe le Bel 57 ans plus tôt pour se faire voter un maximum d’impôts. Pierre IV étant montpelliérain, il est à craindre que, après Barcelone, Jordi Pujol, le vindicatif ex-président de la Generalitat de Catalunya, et son successeur avec lui, ne réclament l’annexion de Perpignan puis de Béziers, de Montpellier et de Nîmes.
Mais alors, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Il y a en effet quelque chose d’inachevé dans cette démarche. Pierre IV étant détenteur des couronnes d’Aragon, de Valence, et de Majorque, il n’y a aucune raison pour que ces provinces échappent à la logique indépendantiste des barcelonais. D’ailleurs, pendant longtemps, ces territoires furent peu ou prou unifiés sous la domination des Almohades et des Ommeyyades. Les Catalans, dont une étude américano-barcelonaise sur 30 000 personnes a mis en évidence que 65% d’entre eux avaient du sang arabo-berbère, peuvent donc revendiquer toute l’Espagne, l’Afrique du Nord et tout le bassin méditerranéen sud jusqu’à la Mecque. Et, tant qu’à faire, je ne vois pas pourquoi ils s’arrêteraient là : en tant que descendants des Wisigoths (qui l’occupèrent pendant 300 ans), ils peuvent faire remonter leur généalogie, donc leurs revendications politiques, jusqu’aux pays de la Mer Noire.
D’ailleurs, synthèse de tout ce qui vient d’être dit, il serait tout aussi simple d’exciper de leur appartenance à l’empire romain pour étendre leurs prétentions à toute l’Europe et à tout le bassin méditerranéen jusqu’à l’Arabie. Mais peut-être que cet héritage est-il récusé par les Catalans précisément parce qu’il est espagnol ? Il est vrai que deux des plus grands empereurs romains, Trajan et Hadrien, n’étaient pas catalans mais « espagnols ». Au contraire de Manuels Valls et de…David Pujadas. Et ça, pour ces adeptes de la riquisisation (mot emprunté à Mélenchon) des nations, c’est rhédibitoire.
De fait, les revendications catalanes, encouragées par l’UE, sont en parfaite adéquation avec le projet de liquidation des nations dans une Europe des régions transnationales. En France, ça se traduit, dans un premier temps, par un redécoupage du territoire, sans consultation des Français, en une quinzaine de régions sans âme livrées avec tous les pouvoirs d’autant d’états à des féodaux complètement acquis parce que seuls bénéficiaires à tous points de vue du projet.
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Barrage de Sivens : une « affaire » d’élus.
Le barrage de Sivens a fait un mort. C’est grave et scandaleux. Et ça l’est d’autant plus que ce mort sert à focaliser l’attention des Français et à les détourner des conditions sulfureuses qui président à ce projet.
Le barrage de Sivens est censé irriguer 83 agriculteurs du Tarn, dixit Xavier Belin, président du syndicat FNSEA voué à l’agriculture intensive et massivement polluante. Faux, disent les opposants : moins de trois dizaines d’agriculteurs du Tarn tireront effectivement avantage du barrage. Le projet, dit une expertise de deux ingénieurs des Eaux et Forêts commandée par Ségolène Royal après la mort du jeune Fraisse, est disproportionné. Les besoins étant surestimés d’au moins 35%. La question dès lors posée est « Qui sont les vrais bénéficiaires du barrage ? ». La réponse est dans le dossier.
L’entreprise chargée sans appel d’offre de mener ce projet à 9 millions d’€ est une société d’économie mixte (SEM), la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG)[2] qui s’est déjà distinguée en menant à son terme le barrage de Fourogne, près d’Albi, alors que le Tribunal administratif de Toulouse en 1997 puis la Cour d’appel de Bordeaux en 2000 avaient ordonné l’arrêt du chantier. Son financement est intégralement public et son conseil d’administration est entièrement composé d’élus ; président : Francis Daguzan, Vice-pdt du Conseil général du Gers ; Vice-présidents : Marie-Pierre Cabanne, Conseillère régionale d’Aquitaine et Jean-Louis Guilhaumon, Pdt du Conseil régional de Midi-Pyrénées ; administrateurs : tous élus des Conseils généraux de la Haute-Garonne, des Landes, du Lot, de l’Ariège, du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne. Moralité : ceux qui décident sont les mêmes ceux qui font et que ceux qui en tirent profit. On remarque en effet qu’il n’y a aucun élu du Tarn dans ce conseil d’administration. Et pour cause : en vérité, si le barrage est dans le Tarn, c’est surtout les exploitations en aval du Tarn qui en bénéficient réellement. Les agriculteurs de Sivens, qui pratiquent une agriculture plus présentable ne sont que des faire-valoir et des cautions.
C’est en réalité, le double problème de la légitimité des société d’économie mixtes – qui sont en réalité des moyens pour le secteur public de s’immiscer dans l’activité concurrentielle sans en subir les inconvénients – et le statut des exécutifs locaux érigés en véritables baronnies qui est posé par cette affaire. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui s’apparente à une gigantesque opération immobilière et dont il apparaît qu’il sera plus petit que celui de Nantes (!), en est une spectaculaire illustration. Lui, au moins, n’a pour l’instant fait aucun mort. Pour l’instant !