Suite à l’attentat du Lycée Itsiqlal de Kaboul (1/2).

On n’impose pas la démocratie par la force mais par l’exemple.

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    Je suis sidéré par les commentaires suscités par l’attentat du centre culturel du lycée Istiqlal de Kaboul ; « En prenant pour cible ce lieu de dialogue, c’est la culture et la création que les terroristes ont visées », dit le Président de la République François Hollande ; un « acte lâche [qui] renforce la France dans sa détermination à lutter contre la barbarie », dit Manuel Valls avant de préciser que « la France poursuivra[it] sans faillir son action en faveur de la culture et de l’éducation en Afghanistan ». Et les médias de se demander si la France était visée, sans aller jusqu’à expliquer le sens de la présence française en Afghanistan. Et de parler de civilisation, de culture, d’éducation, dont les occidentaux détiendraient le monopole et qu’ils auraient pour mission d’inculquer à un peuple réputé arriéré et dont les élites sont taxées de barbarie et de corruption. A supposer que cela soit recevable, qui se demande si on s’y prend bien ? Personne.

    Quand les occidentaux comprendront-ils qu’ils ne peuvent pas exporter leur modèle par la force ? Quand admettront-ils que, si eux croient à l’équivalence des civilisations, les autres, les Musulmans, les Chinois, les Indiens, n’y croient pas et que chacun de ces peuples croit sa civilisation supérieure aux autres ? Et quand en tireront-ils la leçon qu’aucune vérité sortie de la bouche d’un mécréant ne sera tout à fait une vérité pour un Musulman, surtout en matière d’islam ? Pourquoi voulez-vous que des peuples adorant un prophète qui avait onze femmes et laissa neuf veuves épousent, c’est le cas de le dire, les idées de gens qui se contentent d’une, du moins, officiellement ? Toujours en matière de femmes – c’est le cœur de la problématique islamiste, en réalité – comment voulez-vous convertir des peuples pudiques à la libération de la femme quand vous donnez en toute circonstance et partout l’exemple d’une société aux mœurs dissolues ? Croyez-vous que Nabila ou Zahia, les deux Musulmanes (ou réputées telles) les plus photographiées par les médias français, soient des modèles pour les Musulmans d’Afghanistan ou d’Irak ?

    Cet état d’esprit résulte directement de l’invasion de l’Irak, de l’assassinat de Saddam Hussein et de Guantanamo. Je tiens en effet que le chaos qui caractérise cette décennie 2000 résulte directement de la destruction de l’Irak qui, comparée au traitement réservé à Israël, a donné aux Musulmans du monde entier un sentiment d’humiliation. Car les Musulmans constituent une entité, une nation unique, l’Oumma, et tout ce qui touche un Musulman atteint tous les Musulmans. Tous les Musulmans éprouvent du ressentiment à l’égard de l’Occident. Et le fait de les dorloter ici alors qu’on humilie leurs frères en Irak ou en Afghanistan ne change rien à l’affaire : les Musulmans d’Europe ne se sentent pas français, allemands, italiens, belges, encore moins anglais : ils sont musulmans. Et tous ont la certitude qu’on leur fait la guerre. Et, loin d’assister à un phénomène passager et réversible à court ou moyen terme, nous sommes en présence d’une tendance de fond, un conflit de civilisations.

    Il fut un temps, qui dura cinquante ans environ, où les « humanistes » pouvaient espérer voir les peuples musulmans adopter leur modèle de société, sa démocratie, sa liberté, son individualisme, ses mœurs, même. Il fut un temps où la réforme de l’Islam dans le sens désiré par les droits-de-l’hommistes de tous poils était possible. Car, contrairement à ce que certains disent, l’Islam est réformable. Il l’est car, contrairement au Christianisme, ce n’est pas une religion spéculative, qui manipule des concepts, des abstractions et des gloses sur le sexe des anges ; l’Islam est, comme la religion romaine, une religion pratique, une loi plus qu’une foi. A Rome, vous étiez pieux (de piétas) quand vous respectiez les rites et les lois ; ce que vous pensiez dans votre for intérieur n’intéressait personne, cela relevait de la superstition. L’Islam y ressemble beaucoup. Si une interprétation en peut favoriser la vie sociale de l’Oumma, elle sera retenue. Mais, en période de crise, les Musulmans se recroquevillent sur la tradition, le retour aux sources : cela s’appelle le salafisme.

    Dans les années soixante-dix, des femmes vêtues de mini-jupes circulaient tranquillement dans les rues d’Alger, de Téhéran, de Damas ou de Bagdad. Et, dans les années quatre-vingt, elles allaient au bureau au volant de leur voiture. Depuis les années vingt, l’Islam était en plein réformisme ; aujourd’hui l’Islam est entré en salafisme. On n’impose pas une culture par la force mais par l’exemple. Pourquoi les Musulmans des années soixante-dix imitaient-ils les Occidentaux ? Pas parce que ceux-ci sont allés en terre d’Islam les convaincre par les armes de la valeur de leur propres culture, non, mais parce qu’ils donnaient l’exemple d’une culture bonne pour eux. Des Musulmans ouvraient les yeux sur le monde et y voyaient du bon pour leurs peuples. Inspirés par des Voltaire, des Diderot ou des Rousseau, mais aussi par des Danton, des Robespierre, mais encore, par des Auguste Comte, des Lénine, des Tito, ils s’appelaient Bourguiba, Nasser, Hafez el-Assad, Saddam Hussein et, même, Kadhafi. Tous étaient des soldats, tous étaient admirateurs de l’Occident, tous ont appris de leur formation en occident ce qui était bon pour leur peuple et tous l’ont appliqué en prenant exemple sur leur modèles. Dans l’ordre : 1. la révolution ; 2. la force ; 3. l’éducation ; 4. la démocratie. Tout le contraire de ce que font les Occidentaux en Irak et en Afghanistan. Leur exemple à tous s’appelait Mustapha Kemal Atatürk. (Voir article suivant)

    En Afghanistan, le seul qui correspondît à ce schéma s’est vu méprisé par les Américains et les Européens qui l’avaient financé pour chasser les Soviétiques de son pays, parce que ça les arrangeait, eux. Cet homme s’appelait Massoud, le Commandant Massoud. Il fut assassiné deux jours avant le 11 septembre 2001. Cinq mois avant, il était en France où il essayait, en vain, d’attirer l’attention sur les menaces qui pesaient sur son pays. Clin d’œil de l’Histoire : il fut formé au lycée Istiqlal de Kaboul, celui où un nationaliste musulman de dix-sept ans, un « terroriste », s’est fait exploser hier en faisant quinze morts.

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5 réponses à Suite à l’attentat du Lycée Itsiqlal de Kaboul (1/2).

  1. couffin dit :

    Une Faute des leaders actuels du monde Les US et leurs alliés , plus qu’unee faute un crime contre la civilisation….

  2. ZERAOUNE (SAÏDA) dit :

    Les musulmans ne veulent pas de la Démocratie….lorsque les occidentaux auront compris ça ils auront compris les musulmans……
    Amitiés…..

  3. serge o. dit :

    ça n’est pas terminé dans ce coin du monde …hélas ….

  4. Strullu Eric dit :

    Félicitation, vos analyse sont toujours passionnantes et l’on se demande comment vous avez le temps de traiter aussi profondément tous vos sujets. Je suis toujours avec un très vif intérêt votre publication. Merci.

  5. gerard emanuely dit :

    Chez eux, laissons les Musulmans régler leurs problèmes ; le meilleur exemple de ces derniers temps est l’Egypte, le plus mauvais l’Irak. Cherchez la différence au démarrage, voyez le résultat actuel…
    Kader Hamich a parfaitement expliqué les réactions du monde islamique
    face à l’occident ; n’oublions pas que si ce monde est apparemment composé d’une minorité active et d’une grande majorité silencieuse, cette dernière instinctivement retrouvera ses racines dans tous les cas
    où elle craindra pour son unité.
    Maintenant chez nous, ne laissons pas s’installer un Etat dans l’Etat avant qu’il ne soit trop tard.

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