Ménard et ses fichiers qui n’en sont pas

Quand les saltimbanques plombent le combat patriotique

Menard_Autain

    Prenez un débat télévisé qui ronronne depuis dix-sept ans, Mots croisés. Pour cause de désistement des pontes du Front national défaillants car déstabilisés par l’aïeul fondateur du parti, invitez-y un ancien journaliste gauchiste devenu, grâce à une formidable manoeuvre d’embobinage desdits chefs du FN et de leurs électeurs piénoirs, maire d’une ville de l’Hérault jusqu’alors connue uniquement pour les exploits déjà anciens de son équipe de rugby. Le débat fut moyennement intéressant. Seul Jean-Claude Martinez dit des choses originales, dont la moindre – vite évacuée – parlait de “vision planétaire” à propos de la question de l’immigration[1].  Mais, suite à une question de Laurence Ferrari, l’anecdote reprit très vite ses droits. Et l’émission retomba dans la médiocrité à laquelle le simple énoncé des invités la condamnait. Jugez plutôt : avec Robert Ménard, Clémentine Autain, Rama Yade et Renaud Dely de l’Obs, ce dernier mettant un soin quasi maniaque à reprendre Martinez quand il disait Dély (avec un accent aigu) ou Nouvel Obs. Quant aux deux autres, je ne vous en dis rien car vous les connaissez tout comme moi et je suis sûr qu’elles vous insupportent autant qu’elles m’horripilent.

    Robert Ménard, comme chacun sait, s’y est fait remarquer, très à retardement, avec sa fameuse déclaration sur les 64,7% d’enfants musulmans des écoles de Béziers. Lesquels devinrent, quand la doxa médiatique comprit qu’elle tenait là un bon moyen d’alimenter son combat antinational, “un fichage des élèves musulmans” de Béziers. Comme ces gens savent parfaitement que Ménard a raison, comme Zemmour avait raison sur le taux de musulmans dans les prisons, ils ont, comme de juste, porté leur attaque non pas sur le chiffre mais sur la manière dont il l’a obtenu. “Ce sont les chiffres de la Mairie”, dit Ménard. Cris d’orfraie ! Il n’avait pas le droit !!! Si, justement, il en a parfaitement le droit. En tant que Maire de Béziers, il est responsable, y compris pénalement, de tout ce qui se passe dans les écoles de la commune. Qu’il sache qui fréquente les écoles de sa commune, c’est la moindre des choses. Les fichiers d’élèves ne disent pas s’ils sont musulmans ? Dans ce cas, comment fait-on pour savoir combien de repas hallal il faut prévoir chaque jour pour les cantines ? La question est ahram ; elle ne sera pas posée ! “Je me suis fié aux prénoms”, dit Ménard. Et le choeur des bien-pensants de se récrier : “Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Pierre ou Esther qu’on est chrétien ou juif !” A quoi Ménard pouvait répondre : “Seul un Musulman aurait l’idée d’appeler son fils Mohamed !” Et il aurait pu ajouter que les enfants sont réputés de la même religion que leurs parents ; cujus regioejus religio et, dans une famille, regio, c’est le père (et, pour les féministes maladives, la mère). Il aurait pu dire cela ; il ne l’a pas fait.

    D’ailleurs, aurait-il pu ajouter, des études réalisées dans d’autres pays européens moins coincés ou, plus exactement, moins portés à la confusion qui permet de cacher le caca du chat, ont démontré que les familles musulmanes donnent presque systématiquement le nom du Prophète à leur premier fils (pour ceux que ça intéresse, je l’écris avec une majuscule par respect de la langue, non par adoration du personnage. Et, d’ailleurs, ça ne regarde que moi !). Plus précisément, et Ménard a l’âge de le savoir, il y a bien longtemps que les Musulmans qui, par désir d’assimilation, donnaient des noms de tradition judéo-chrétienne ou celtique à leurs enfants ne le font plus. Le virage a été pris dans les années quatre-vingt, quand les salafistes ont engagé leur formidable entreprise de réislamisation des immigrés africains dans les cités. On a alors vu des enfants d’Algériens d’immigration ancienne changer leur nom français et donner des noms musulmans (j’écris bien “musulmans”, les noms arabes et les noms d’Afrique noire musulmane sont les noms de l’Islam) à leurs propres enfants. Dès cette époque, l’immigration musulmane était islamisée, si j’ose dire. Islamisée, c’est-à-dire à la fois salafisée au sens premier du terme, c’est-à-dire revenue à une interprétation littéraliste et conforme, selon eux, à l’islam des origines, et adepte d’un islam politique, radical, revendicatif et conquérant. Et, n’en déplaise à nos chères élites qui se complaisent dans l’illusion d’un islam “modéré”, le soufisme a quasiment disparu du paysage religieux musulman. Certes, il y en a encore des Soufistes à France Culture mais on les chercherait en vain dans les banlieues.

    Je ne sais pas s’il y a exactement 64,7% de musulmans dans les écoles publiques de Béziers mais une chose est sûre : Ménard dit vrai en affirmant que les enfants portant des noms arabes sont, sauf cas rares qui servent de contre-exemple à ses contradicteurs, des Musulmans. La question est de savoir ce que ça venait faire dans la discussion. En effet, il a balancé ça pour illustrer un propos sur… la préférence nationale. Du coup, je me perds en conjectures. Dans préférence nationale, il y a “nationale”. Autrement dit, elle consiste à réserver certaines prestations sociales à des citoyens de nationalité française. On ne voit pas ce que la religion vient faire là. Il me semble que Robert Ménard a commis là une sorte de lapsus, très révélateur, en l’occurrence, de sa véritable pensée. Se pose alors une question secondaire qui ne l’est pas tant que ça, en vérité : serait-ce que l’ancien gauchiste Robert Ménard, anti-raciste et tout et tout, aurait cherché à saboter l’idée même de préférence nationale ? Ce n’est pas si invraisemblable que ça paraît si on a en tête que le FN, auquel Robert Ménard est de plus en plus ouvertement apparenté, est noyauté par d’anciens gauchistes, chevènementistes et communautaristes qui ont tellement détricoté son programme que même son fondateur ne reconnaît plus son enfant. Du coup, on peut à bon droit se demander s’il ne faut pas voir dans la prise de pouvoir par d’anciens gauchistes et l’inflexion à gauche de son programme, plutôt qu’une stratégie de “dédiabolisation” du FN, une OPA des anciens gauchistes sur le FN en vue d’instaurer une sorte de “national socialisme” qui ne dirait pas son nom parce que celui-ci a été breveté par Hitler et ses amis dans les années trente.

    Mais je vous rassure : le dernier paragraphe est un gag. Quoique ! En disant une vérité hors de propos, Ménard a juste fait une de ces conneries dont il a le chic. Vous l’avez sans doute vu sur le plateau de Mots croisés discutant avec sa vieille copine Rama Yade ; on aurait dit un enfant dans un magasin de jouets. Ménard n’a pas encore compris qu’il était devenu le Maire de Béziers ; il se croit toujours journaliste agitateur d’idées ou animateur de télévision, c’est-à-dire un intellectuel bas de gamme irresponsable, dont les propos ne prêtent pas à conséquence. Si sa sortie avait eu quelque chose à voir en profondeur avec le débat politique, il aurait argumenté pour sa défense, dans l’esprit de ce que j’ai écrit plus haut. Au lieu de quoi, il s’est défendu sur le terrain choisi par ses accusateurs, en niant l’existence d’un fichier. Et il en a profité pour conforter sa clientèle de gogos décérébrés via une curieuse pétition sur Boulevard Voltaire. En fait, cette polémique est dans la veine des précédentes élucubrations du maire de Béziers. Le drame est que, par sa faute et celle de quelques autres hurluberlus du même acabit, c’est tout le combat patriotique qui se trouve sali et dénaturé.

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    En marge, un petit mot qui ne change rien à ce que je viens d’écrire. Ou plutôt, un message à M. Gérald-Moussa Darmanin, ex-poulain de Christian Vanneste, ami de Ménard, qu’il a lâché sans vergogne pour un ralliement sans doute très lucratif à Nicolas Sarkozy. Le 6 mai, au micro de Léa Salamé sur France Inter, il s’est permis de parler au nom des Harkis de Béziers, nombreux selon lui à condamner la déclaration de Robert Ménard, ce qui est faux (il y en a même plusieurs, des gamellards, sur sa liste). Car M. Darmanin est petit-fils de Harki ; du coup, il se permet de parler au nom de tous les Harkis alors qu’on ne l’a jamais vu à aucune des actions qu’ils ont menées pour faire reconnaître et réparer le crime commis contre eux par la France de son grand héros De Gaulle. Surtout, son parrain Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 qu’il serait “le Président qui réglerait définitivement la question harkie”. Sans doute parlait-il de 2017 puisqu’il n’en a rien fait entre 2007 et 2012 ! Pas de chance, Gérald-Moussa, tu as encore choisi le mauvais cheval : Sarkozy ne sera pas élu en 2017 !

    Donc, Gérald-Moussa, au micro de Léa Salamé, a joint sa parole ponctuée d’insupportables claquements de langue à celle des juges autoproclamés de la bien-pensance qui ont condamné Ménard pour sa déclaration à Mots Croisés. Pour étayer son propos, il s’est permis d’en appeler au Bachaga Saïd Boualem, se demandant “si, avec M. Ménard ou avec le Front national, le petit Eboué (Félix Eboué) et le petit Saïd auraient été dans les fichiers de M. Ménard”. Et il s’est lancé dans une énumération les mérites de ce dernier : “Ce grand soldat français, Commandeur de la Légion d’Honneur à titre militaire, quatre fois Vice-Président de l’Assemblée nationale, dont dix-sept parents on été massacrés par le FLN”. Ce faisant, le petit Darmanin – qui récitait une leçon apprise pour l’occasion – a juste oublié de dire que c’est De Gaulle qui par le fait du prince a démis le Bachaga Boualem et tous les autres élus musulmans de leurs fonctions électives après avoir abandonné leurs familles et leurs clans au couteau des fellaghas.

    Il aurait pu aussi rappeler que ces mêmes élus ont participé en 1972 à la création du Front national et que, la même année, la première association de Harkis s’appelait Front national des Français de confession islamique (c’était en un temps où ce mot ne couvrait pas un projet de colonisation de l’Europe par des fanatiques musulmans) dont le premier président s’appelait Ahmed Djebbour, député d’Alger-Ville et ami de Jean-Marie Le Pen, par ailleurs parrain de sa fille Soraya. C’était en un temps où on pouvait être musulman et obéir d’abord aux lois françaises (ce que le Bachaga Boualem a fait sans se plaindre). C’était en un temps où même les anciens fellaghas pouvaient devenir sincèrement français et donner des noms français à leurs enfants. Ce temps-là n’est plus et M. Darmanin le sait bien ; et il sait parfaitement que Robert Ménard a raison de dire que les petits Mohamed d’aujourd’hui ne peuvent (voir plus haut) n’être que musulmans.

Alors, de Gérald-Moussa, on n’attend qu’une chose : qu’il la ferme!

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[1] “A terme – c’est l’histoire de Rome – si nous ne traitons pas, avec une grandeur de vue, le problème de l’Afrique du Nord et, un jour [celui] d’une communauté de destin de avec l’Afrique du Nord, si nous ne traitons pas le problème de l’intégration politique de la Méditerranée qu’a gâchée Sarkozy avec son Union pour la Méditerranée, et si nous ne traitons pas,du même coup, le problème du Sahel, tout ça, dans la vingtaine d’années qui vient, tous les barrages que feront Robert Ménard ou Marine Le Pen échoueront. Le vrai changement stratégique, c’est de comprendre que la France n’est pas un hexagone, que la France est un archipel, qui va jusqu’à la Nouvelle-Calédonie, la Terre Adélie, etc., et d’avoir cette vision planétaire.”

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11 Responses to Ménard et ses fichiers qui n’en sont pas

  1. MASSON Richard says:

    J’ai été content de lire l’article de notre Ami Kader Hamiche !

  2. jany says:

    Bravo,bravo pour cette analyse et ce coup de gueule mais surtout merci d’être là Mr Hamiche. Je ne suis pas loin de votre pensée sur les gauchistes du FN.Je me pose beaucoup de questions sur leurs propos et leur stratégie.Mr Phillipot est contradictoire dans son idéologie ,pour moi ce n’est qu’un “petit”carriériste aux dents longues !
    Dans un débat sur I télé ,j’ai pu entendre Mr Yann Moix nous expliquer de sa science infuse que les prénoms tel que Mohamed ou Ahmed etc…ne prouvaient en rien que les enfants étaient musulmans car ils avaient pu se convertir au catholicisme ou autre religion Ah ! Bon ??? Surtout de nos jours !
    Très heureuse d’avoir pu vous relire
    Trés amicalement
    Jany

  3. ODIN says:

    Excellent article qui “sent le vrai” mots après mots. Cela fait du bien de vous lire M. Hamiche.

  4. DALLAS JPierre says:

    J’ai assisté à l’émission. Je pense que désormais les débats sont stériles, car on est dans un complexe où les parties sont définitivement inconciliables. Tout est prétexte à conflit. Ce qui m’inquiète le plus en cas d’aggravation, c’est qu’un jour on aboutisse à un délit de faciès, ce qui sera la plus tragique des trahisons ! Amicalement.
    JPierre

  5. fribourg says:

    Merci de ne pas dire et d’écrire davantage de bêtises sur Béziers “uniquement connue selon vous que par ses exploits rugbystiques déjà anciens”. C’est une ville chargée d’Histoire (sac de Béziers par les troupes de Simon de Montfort, les révoltes viticoles, Jean Moulin brillant élève du Lycée Henri IV, sa Libération, son programme tauromachique, sa participation réussie à l’aménagement touristique du littoral languedocien, son accueil des pieds-noirs, des harkis et des autres pour s’en tenir là) méritent beaucoup mieux que vos commentaires déplacés et incompétents.
    De grâce, renoncez à faire un journal!

    • Juste un rectificatif : Béziers, ville rouge et franc-maçonne, a refusé de recevoir des Harkis. La plupart des familles qui y vivent, fort peu nombreuses, viennent des environs.

      • fribourg says:

        Vous êtes encore dans l’erreur. Béziers n’a été “rouge” qu’avec le mandat de Paul Balmigère (PC) à la fin des années soixante-dix. Grand Résistant par ailleurs. De 1945 à 1977, aucun maire communiste n’a dirigé Béziers.
        Quant aux harkis, certains d’entre eux ont été formés par l’AFPA dans un premier temps à l’ancienne Caserne Riols au Faubourg.
        Citez vos sources si vous souhaitez être crédible!
        Simple question: la franc-maçonnerie est-elle à nouveau interdite pour être stigmatisée de la sorte?

    • Arthurlittérature says:

      Salut fribourg! Pourquoi lisez-vous ce blog si vous lui trouvez autant de défauts? Quelles sont les vôtres “compétences”, qui vous autorisent à être aussi méprisant? De grâce, un peu d’éducation, et épargnez-nous vos commentaires de bas étage qui sont insultants envers tous ceux qui lisent ce blog.

      • fribourg says:

        Du calme! Rien de grave. Je déteste simplement voir ma ville d’origine se faire injurier et dans ce cas, j’use de ma liberté d’expression. C’est aussi une affaire d’éducation.
        Qui plus est, mes remarques se voulaient pédagogiques.
        Quant à mes compétences, elles sont très étendues. Mais là n’est pas le débat.

        • M. Fribourg, mes critiques ne vont pas à la ville de Béziers où je vis et où je vote mais à l’aventurier qui la gouverne. Provisoirement, ce qui me rassure, mais, en 6 ans, Ménard aura le temps de faire des dégâts.
          Quant à votre “éducation”, elle ne vous a pas retenu de parler de mes commentaires “déplacés et incompétents”.
          La Béziers “rouge” ne signifie pas qu’elle a été gouvernée par les seuls communistes ; les radicaux et les socialistes qui se sont succédé à la Mairie n’ont rien à leur envier en matière de “rougisme”. Y compris Raymond Couderc, un ancien socialiste ami du FLN algérien (qu’il a servi pendant 8 ans).
          En revanche, je maintiens que la franc-maçonnerie est tout puissante à Béziers et que certains de ses membres en usent comme d’un réseau mafieux. C’est tellement vrai qu’Elie Aboud a dû y adhérer pour pouvoir prétendre se présenter aux Municipales. Et j’ai constaté de visu qu’en 2014, elle était à la manoeuvre à la fois chez Du Plaa, chez Aboud et… chez Ménard !
          S’agissant de l’Histoire de Béziers, je maintiens que la plupart des Français n’en connaissent que les exploits de son équipe de rugby des années 60 à 80.

          • Arthurlittérature says:

            Merci M. Hamiche de rester dans le commentaire sur le fond. Vous nous montrez ce qu’est la vraie éducation, celle qui nous autorise à user de notre liberté d’expression avec un minimum de correction envers les autres (quel que soit notre niveau de compétences, élevé, ou plus modeste, ce qui est mon cas). Bon w.e

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