Déchéance de nationalité : Taubira démentie mais pas punie

Taubira : hardie, téméraire ou intouchable ?

    Christiane Taubira est un de ces personnages du monde politique qui font carrière sur le culot et la transgression. Son incapacité ontologique à se plier aux règles sans les contester ou, au minimum, sans marquer ses distances a été maintes fois démontrée. En d’autres termes, Madame Taubira aime bien provoquer et, quand elle se plie, elle se débrouille toujours pour vous faire un bras d’honneur assez explicite pour ne laisser aucun doute sur son mépris mais assez discret pour garder entrouverte la porte au laisser faire et à l’indulgence.

    Mardi, Christiane Taubira déclarait, pas à un média français mais à une radio étrangère et, ce n’est pas innocent, à une radio algérienne, que le projet d’introduction de la déchéance de la nationalité dans la Constitution serait retiré. Ce mercredi, elle est démentie mais elle apparaît aux côté du Premier Ministre comme si de rien n’était. Et tout porte à croire qu’elle restera Ministre et que c’est elle qui continuera de “porter” les projets du Gouvernement en matière de Justice. Conclusion, ce n’est pas encore aujourd’hui qu’elle sera exfiltrée. Et ce ne sont sûrement pas les demandes de démission venues de LR qui en décideront autrement. Faut-il en conclure que Taubira est intouchable ?

    Dans sa relation à François Hollande et Manuel Valls, Christiane Taubira détient un atout-maître, une sorte d’arme de dissuasion assez puissante pour lui assurer l’impunité. A chaque fois que la tentation les prend de la virer du gouvernement, il leur revient à l’esprit la mésaventure arrivée à Lionel Jospin en 2002. Cette année-là, le Premier ministre de cohabitation de Jacques Chirac avait été empêché d’accéder au deuxième tour de la Présidentielle à cause de la candidature au premier tour de Christiane Taubira et de Jean-Pierre Chevènement. Mais, alors que celui-ci se voit en toute occasion rappeler sa responsabilité, celle-là en est absoute.

    On dira que son score de 2,32 %, n’était en rien comparable aux 5,33 % de Chevènement. Sauf que celui-ci était officiellement en rupture de ban vis-à-vis du Parti socialiste alors qu’elle était candidate pour le Parti Radical de Gauche, qui est en réalité un satellite du PS. Sans la candidature de Taubira, les 2,32% d’électeurs qui s’étaient portés sur son nom auraient profité à Jospin alors que ceux qui ont voté Chevènement s’inscrivaient dans sa logique de rupture. D’ailleurs, si Chevènement n’avait pas été candidat avec le soutien d’une galaxie de souverainistes de tous horizons, rien n’indique qu’ils auraient reporté leur vote sur Jospin. D’ailleurs, ils s’étaient égaillés comme une volée de moineaux dès les Législatives suivantes où Chevènement avait fait patte de velours en appelant à voter pour les candidats de la Gauche. Taubira, elle, n’avait même pas pris la peine de reconnaître sa responsabilité.

    Mais la menace d’une nouvelle candidature de Taubira en 2017 n’est pas suffisante pour empêcher Hollande et Valls de sévir, même si elle en est certainement capable. Sa candidature de 2002 avait été rendue possible par le fait que personne ne doutait à gauche de la victoire de Jospin, ce qui ouvrait les portes au défoulement général. Il n’en sera pas de même de la Présidentielle de 2017, trop serrée pour autoriser les aventures. Il est probable que personne, pas même les Verts, et surtout pas les Radicaux de Gauche, ne prendra le risque d’apparaître comme le responsable de la défaite de Hollande. Il est probable que Christiane Taubira soit assez “responsable” politiquement pour ne pas s’y risquer.

    Du coup, il faut sans doute chercher ailleurs les causes de son impunité, sans doute dans son appartenance à la franc-maçonnerie (Lire) et à son passé d’indépendantiste. Les Francs-maçons d’aujourd’hui, surtout ceux de Gauche, ne sont pas du genre à se disputer entre eux. Il est fini, le temps où les Francs-maçons pouvaient se faire la guerre, le temps où le maçon Houston guerroyait contre son “frère” Santa Anna pour l’indépendance du Texas. Le but de la maçonnerie n’était pas, alors, de porter leur confrérie au pouvoir et de l’y maintenir coûte que coûte mais de faire avancer l’Humanité. Mais Christiane Taubira n’a pas que cela comme atout : de son passé d’indépendantiste guyanaise devenue Ministre de la Justice, elle détient sans doute beaucoup d’informations sensibles sur des événements qui ne sont pas à l’honneur de la France. Par exemple, sur l’affaire de la prise d’otage d’Ouvéa où, entre les deux tours de la Présidentielle de 1988, dix-neuf indépendantistes kanaks ont été tués, dont douze dans des conditions douteuses, alors qu’ils étaient coincés dans une grotte^[1].

    A cette heure, ils n’est pas question du départ de Christiane Taubira. Tout semble indiquer que le tandem Hollande-Valls attend le départ de Jean-Louis Debré du Conseil Constitutionnel pour exfiltrer la Ministre de la Justice, candidate à la présidence dudit Conseil. L’autre candidat – jugé sérieux, lui, et pour des raisons de compétence et de probité morale – est… Lionel Jospin. Ce serait drôle qu’après l’avoir empêché de devenir Président de la République, Taubira lui barre le chemin du Conseil Constitutionnel.

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^[1] Je me souviens que, en direct, ça sentait vraiment l’embrouille. En tout cas, j’en avais été assez choqué pour voter Mitterrand au deuxième tour de la Présidentielle alors que j’avais voté Chirac au premier.