Jamais Marine Le Pen n’a été aussi près de devenir Présidente de la République française.
C’est curieux comment l’analyse de l’évolution de la conjoncture politique pour le moins fluctuante d’un jour sur l’autre n’en conduit pas pour autant les médias à en tirer des conclusions qui s’imposent pour l’élection, à savoir que c’est plus que jamais la bouteille à l’encre et que rien n’est écrit pour le second tour de la Présidentielle.
Depuis plusieurs jours, on assiste à une érosion sérieuse du score d’Emmanuel Macron dans les sondages, lesquels intègrent tous – est-ce un signe ? – une candidature de François Bayrou (à 5,5%). Pour la première fois depuis des mois, il est donné sous les 20% par l’IFOP (certains instituts le voient depuis un moment déjà sous les 18%) à moins de deux points au-dessus de François Fillon (18%) et très largement derrière Marine Le Pen (26%). Et tout indique (encore faut-il entendre les Français pour le comprendre !) que ce n’est que le début du dégonflement de la bulle Macron. Mais cela ne les empêche pas de le donner vainqueur au second tour, comme si celui-ci lui était promis[1].
Pour arriver à cette conclusion, il est une hypothèse que les sondages (sans doute sur injonction de leurs commanditaires) refusent d’envisager : le retrait de Jean-Luc Mélenchon en faveur de Benoît Hamon. Celui-ci est crédité d’un score de 14,5% (on admire la précision) et son rival à 11,5%. Ajoutés aux 1,5% crédités à Yannick Jadot, l’élections se présente sous le meilleur jour pour celui qui serait, pour le coup, le candidat de la gauche avec un potentiel de 27,5% ; ajoutez-y les bribes de voix dues à l’absence probable de candidats d’extrême-gauche et, surtout, celles, très volatiles, promises à Macron mais qu’une perspective favorable vaudrait à Hamon et toutes les espérances lui seraient permises. Ayant traité de cette hypothèse dans mon article Et si Mélenchon renonçait ?, je n’y reviens pas mais je la pousse plus loin que précédemment car je pense qu’elle a toutes chances de se vérifier.
Un perspective favorable à Hamon et toutes les espérances lui seraient permises
Disons d’emblée qu’un accord avec Jean-Luc Mélenchon ne garantit en rien les reports de voix de tous ses partisans sur Benoît Hamon. Surtout, leur ampleur dépend de l’état d’esprit de leur champion. Si l’accord est accepté par Mélenchon et que celui-ci s’engage résolument en faveur d’Hamon, l’affaire sera pliée : celui-ci sera au second tour face à Marine Le Pen avec de très bonnes chances de l’emporter. Cette hypothèse téléologique contient en elle-même un formidable crédit qui lui permettra de se vérifier. Mettons-nous dans la peau d’un électeur mélenchonniste confronté à la possible victoire du candidat de gauche (qui se trouve être, par la magie d’une primaire socialiste surréaliste, l’un des moins éloignés de son favori) ! Pourrions-nous voter autrement que pour Hamon ou, même, nous abstenir ? Evidemment, non !
Hypothèse moins favorable, Mélenchon campe sur ses certitudes et refuse l’accord avec Hamon. Dans ce cas, il se heurterait à une double accusation. La plus positiviste : être celui qui fait obstacle à une possible victoire d’une candidat de gauche à la Présidentielle ; la plus hypocrite : être celui qui prend le risque d’un, selon l’exécrable formule consacrée, « 21 avril à l’envers ». On voit le dilemme. En réalité, Jean-Luc Mélenchon est dans un entonnoir : il ne peut pas repousser l’accord avec Benoît Hamon.
Dès lors, quand nos chers experts se seront ralliés à cette thèse – ce qu’ils feront immanquablement quand la baudruche Macron se sera bien dégonflée comme ça en prend le chemin – nos oreilles seront remplies de leurs commentaires tout faits auxquels ils sont, tels le chien de Pavlov, accoutumés ; et, in fine, on nous ressortira le « front républicain ». Autrement dit, si on fait un raccourci, Benoît Hamon est – horresco referens – le prochain Président de la République française ! Sauf que rien n’est moins sûr !
Jean-Luc Mélenchon est dans un entonnoir : il ne peut pas repousser l’accord avec Benoît Hamon.
« Mais, me direz-vous, n’est-ce pas ce que vous avez écrit, dans l’article du 5 février cité plus haut !?! » A quoi je réponds : « Justement, c’était le 5 février ! » Depuis, l’avalanche de nouvelles révélations, le comportement absolument délirant de François Fillon et de ses « amis » Reps, les turpitudes (on en attend d’autres) de son porte-parole Thierry Solère, la mise en évidence des insuffisances de Macron, tout concourt à dégoûter de la politique de plus en plus de Français. Et la Présidentielle d’avril-mai prochain va commencer à ressembler aux élections locales. D’ores-et-déjà, beaucoup d’analystes ont annoncé une abstention record pour une présidentielle. Il faut savoir en effet que le taux de participation habituel tourne autour de 80% des inscrits. Cette année, et suite à l’affaire Fillon, de nombreux électeurs qui ne votaient plus aux élections locales mais se déplaçaient pour les Présidentielles resteront chez eux. On parle déjà d’une participation de 60%.
Or, mes lecteurs attentifs connaissent mon explication du succès relatif du FN aux élections locales et de son échec récurrent aux Présidentielles : son score en voix augmente peu mais, dans une élection à faible participation, il se traduit en un pourcentage flatteur qui permet aux bien pensants de continuer à crier « au loup ! » : 27,1% au 2nd tour des Régionales de décembre 2016 où il fait le plein de ses voix. Rapportées à une Présidentielle à laquelle participent 60% des abstentionnistes des élections locales, ses 6,8 millions de voix des Régionales de décembre 2016 permettraient à sa candidate de compter, mathématiquement, sur 19% au premier tour. En temps « normal », Marine Le Pen perdrait 1,5 million d’électeurs qui seraient retournés au candidat de la « droite » dite « républicaine ». Même compensées en partie par de nouveaux électeurs, elle pouvait en définitive compter sur 16%. Le scandale Fillon fait voler tout ça en éclats.
Les Français en ont assez d’entendre une classe politique jugée corrompue et amorale leur demander de faire preuve d’une vertu – le civisme – qu’elle-même ne pratique pas.s.
L’état de déliquescence de notre vie politique révélé par l’affaire Fillon et le formidable discrédit qui touche la quasi-totalité du personnel politique des Reps et de l’UDI dissuaderont les abstentionnistes décrits plus haut de revenir aux urnes et pourraient même convaincre une partie de leur électorat de ne pas se déplacer cette fois-ci, voire, de porter leurs voix sur Marine Le Pen. Ce phénomène pourrait, dans un premier temps, se traduire par une participation de 60% (déjà observée par les sondages) voire moins, ce qui induit un score de 1er tour possible de Marine Le Pen de… 30% ! Dans un second temps, face à Benoît Hamon au second tour, la candidate FN bénéficierait d’un rejet du « front républicain » qui pourrait se traduire par une abstention d’une partie des électeurs de droite du premier tour et, surtout, le report d’une autre partie non négligeable sur Marine Le Pen. En effet, les Français en ont assez d’entendre une classe politique jugée corrompue et amorale leur demander de faire preuve d’une vertu – le civisme – qu’elle-même ne pratique pas.
Du coup, l’électorat de gauche et celui de la droite nationale, tous deux autour de 30%, feraient l’élection. Jamais Marine Le Pen n’a été aussi près de devenir Présidente de la République française. Serait-ce vraiment pire qu’avec Hamon, Macron, Fillon et tous les autres « ons » ?
______________________
[1] Apparemment, le doute commence à gagner les rédactions. Témoin cet article de ce matin de l’Obs.
Juste avant de vous lire je viens de lire l’ entretien accordé par Macron à la télé Echorouk News!!!!
Dans son édition de ce jour, le journal Suisse Le Temps estime également que Marine Le Pen peut être élue en mai prochain… Si tel est le cas les Républicains, et Fillon en particulier, en auront la responsabilité devant l’Histoire !
Camarade Kader,même si tes analyses précédentes ne manquaient pas de pertinence assez souvent,là la lucidité est au rendez -vous.Comme maintenant tout est possible mais des surprises n’étant pas exclues d’ici le 23 avril et surtout le 7 mai,cette hypothèse de la victoire de Marine devient en effet de plus en plus plausible.
Après le repas, excuse m’en, comme promis, j’ai lu…J’approuve totalement cette analyse mais je n’enterre pas encore Macron! Par contre, comme dit au téléphone, Jadot et Melanchon se voient demain. Pas pour une partie de billes. Ensuite, je pense que la suite peut être un accord Mélanchon/Hamon. C’est possible et logique dans un esprit de conquête du pouvoir. C’est vrai qu’on a là le mariage de la carpe et du lapin mais la gauche a toujours su privilégier les compromissions pour gagner et pour éliminer la droite nationale. Pour réussir l’élimination du FN ils ont su se retirer des deuxièmes tours des régionales…Je reste persuadé que comme Miterrand avait accordé quatre ministres au PC en 81, Hamon est prêt à donner le poste de premier ministre à Mélanchon. Quelle merveilleuse victoire pour celui-ci! Est-ce vraiment idiot, ce que je dis? Non, je ne le pense pas….Ne vaut-il pas mieux pour les cosaques d’avoir leur candidat (même s’ils l’ont accepté du bout des lèvres) au gouvernement que dans une opposition inutile et sans espoir? On attend un peu pour voir l’évolution…..
Votre analyse Kader est très mastiquée, comme d’habitude mais j’ai un peu de mal à vous suivre. Pour moi Fillon a encore toutes ses chances face à MLP qui est comme son père, la présidence ne l’intéresse pas, seul le nombre d’électeurs l’intéresse qui va lui permettre de bien financer son parti. Amitiés
Je vous recomande d’écouter cette interviewx de Georges Fenech, député LR. http://www.lci.fr/elections/georges-fenech-lr-sur-l-affaire-fillon-ma-famille-politique-est-en-train-de-se-suicider-2026137.html
Bonne analyse qui j’espère se réalisera. A vouloir trop diaboliser le front national sans arguments on en paie le prix. MLP malgré la formidable désinformation maintient son score au premier tour. Je ne pense pas que Mélenchon se retirera pourquoi le ferait il les sondages Breixit et Trump ont largement démontré que l’on ne pouvait leurs faire confiance.
Le cynisme de Fillon est extraordinaire dans le registre « moi ou le chaos »… alors qu’il emmène son parti à la défaite. Il faut vraiment être coupé des réalités pour penser qu’il sera le prochain président !
Bonjour Kader,on finit par se poser la même question que vous !Celle de votre conclusion.