
Depuis que Cahuzac a avoué son forfait, la médiasphère bruisse des « réformes de moralisation de la vie politique ». Nous avons déjà parlé ici des propositions plus ou moins farfelues, qui sont autant de rideaux de fumée qui empêchent de voir la réalité : la confiscation de tout l’espace public par une coalition de lobbies prédateurs d’autant plus dévastateurs qu’ils sont de plus en plus nombreux. C’est le thème de ce livre, « La France confisquée », que j’ai publié à compte d’auteur le 6 février dernier. L’affaire Cahuzac s’y trouve exposée à titre d’exemple de ce qui ruine la France. En ce jour où le Président a présenté son projet de « moralisation de la vie politique » où aucune proposition n’est nouvelle ni promesse d’efficience, voici ce que j’écrivais dans mon livre.
…une réforme radicale des institutions et des pratiques
Après avoir dressé un tableau des dérives de l’organisation politico-administrative de la France et ayant fait le diagnostic de la confiscation de la France par une coalition de lobbies de plus en plus nombreux et prédateurs au prix du dévoiement des institutions, il serait vain, pour y mettre fin, de s’en tenir à des solutions du type appel à l’esprit public et au sens des responsabilités de nos élites, ou du type information et éducation du public. Le seul remède est une réforme radicale des institutions sur la base des principes énoncés au Chapitre II. La réforme des institutions permet non seulement de guérir les maux de la société française mais aussi et surtout de les prévenir. Et elle est seule capable de permettre aux citoyens et aux forces vives de la Nation d’investir le champ politique pour le renouveler, le changer, le recréer, même, sur des bases assainies. Concrètement, il s’agit de simplifier, de réorganiser, de rationaliser, d’optimiser nos outils institutionnels pour aller vers plus de démocratie sur le principe des pouvoirs partagés dans la cogestion. C’est ainsi que la réforme se traduit par la suppression d’organes inutiles ou redondants, par la réorganisation des organes conservés et par la création d’organes nouveaux selon cette logique. Ces organes doivent fonctionner sur la base de principes et selon des normes fixées à l’avance et valables pour tous sur l’ensemble du territoire, portant sur les procédures et sur les statuts, ceux des élus et ceux des agents de l’État et de ses émanations.
Les principes
Les institutions sont faites pour servir la Nation. De ce principe fondamental et de bon sens découle tout naturellement l’incompatibilité absolue entre le service public et le service d’intérêts privés, particuliers ou partisans, d’où l’interdiction sans exclusive du pantouflage et du mélange des genres. Il ne peut pas y avoir de passerelle entre le service de l’État et le service privé. Les agents de l’État, qu’ils soient élus ou fonctionnaires d’autorité, ne peuvent servir à la fois la Nation et telle ou telle de ses composantes, et, encore moins, mettre au service d’intérêts privés particuliers ou partisans l’influence à eux conférée par l’exercice d’une fonction publique. Une haute autorité a mission de sanctionner les dérives et d’en prévenir les risques en se saisissant automatiquement et préventivement, à chaque élection ou nomination, des cas litigieux. Les institutions ont pour mission d’assurer la meilleure administration possible dans le respect des libertés fondamentales individuelles et collectives, et non pour se maintenir elles-mêmes coûte que coûte ou pour donner du travail aux fonctionnaires[1]. Leurs moyens sont strictement adaptés à leurs besoins. Proportionnés à ceux de la Nation, ils ne doivent pas grever ses capacités de développement et d’enrichissement.
Les institutions politiques sont au service de la Nation, non à celui des élus ou des partis politiques. La politique est un ministère, non un métier. Croire qu’on va s’enrichir en servant la Nation est un mauvais calcul ; sauf pour les fonctions exécutives et les mandats nationaux, qui requièrent un engagement constant, la participation à l’action politique ne dispense pas de gagner sa vie et de faire vivre sa famille en occupant un emploi. Les fonctions électives sont des délégations de pouvoirs librement consenties par le Peuple, leur titulaire légitime, non un dessaisissement de sa souveraineté. Les mandats électifs sont des fonctions précaires non héréditaires. Les services publics appartiennent à l’ensemble des citoyens, pas à leurs salariés ou aux usagers. Les emplois administratifs sont des missions de service public, non des charges vénales et transmissibles.
Dispositions générales
En vertu des principes ci-dessus énoncés : aucun cumul de fonctions politiques n’est autorisé ; il est recommandé aux élus locaux de base, dont, par définition, l’indemnité ne suffit pas à subvenir aux besoins de sa famille, de continuer d’exercer une activité professionnelle, ne serait-ce que pour rester en phase avec le monde social. Les élus nationaux et les titulaires de certaines fonctions exécutives locales ne peuvent pas cumuler avec un emploi rémunéré de quelque nature que ce soit ; les fonctionnaires d’autorité sont à vie liés à l’État. Ils ne peuvent pas être simultanément fonctionnaires et élus nationaux ou membres d’exécutifs locaux, ni membres des conseils d’administration d’une Agence d’État ou d’un Haut Conseil ; un fonctionnaire d’autorité ne peut être candidat à l’une de ces fonctions moins de quatre ans après sa démission ou sa prise de retraite. Un ancien fonctionnaire, une fois élu, ne peut plus redevenir fonctionnaire ; un ex-fonctionnaire d’autorité à la retraite peut, une fois élu, cumuler son indemnité et sa pension à concurrence du montant le plus élevé des deux.
Des dispositions sont prises pour favoriser l’irrigation du système politico-administratif. Elles accordent une prééminence à l’expérience par des limites d’âge inférieures aux élections et au recrutement de fonctionnaires d’autorité ; des limites d’âge supérieures pour l’exercice d’une mission publique d’autorité (68 ans en fin de mission) et, pour un mandat électif, 68 ans au moment de l’élection, réajustées tous les quatre ans en fonction de l’évolution statistique de l’espérance de vie ; la limitation des mandats électifs à deux législatures dans une même assemblée ; la limitation des mandats exécutifs à un dans une même assemblée ; la rationalisation du recrutement des fonctionnaires et de leur formation : tous les fonctionnaires sont recrutés sur concours ; les nominations « au tour extérieur » sont supprimées : c’est la fin des nominations discrétionnaires Pour le service de l’État et de la Nation, il n’y a que deux critères : la citoyenneté française et le mérite. Aucun quota ni exception ni discrimination, fût-elle « positive », n’est admis.
Mandats électifs
La réforme (ré)introduit la notion de cursus honorum. Il est déraisonnable de penser que la formation seule, fût-elle hyper pointue et effectuée dans les plus grandes écoles, suffise à donner à l’impétrant politique les compétences et l’expérience nécessaires et utiles à un exercice d’un mandat fructueux pour la Nation. En politique comme en matière professionnelle, l’apprentissage sur le terrain est valorisé. A chaque âge sa carrière. Pour être simple élu local sans fonction exécutive, il faut et il suffit d’avoir 23 ans. En revanche, les fonctions exécutives requièrent une certaine expérience et une sagesse qui ne s’acquièrent qu’avec l’âge, y compris quand il s’agit de traiter de questions qui concernent les « jeunes », si tant est que cette catégorie improbable ait des besoins, des droits ou des devoirs spécifiques et différents de ceux de l’ensemble des citoyens. C’est pourquoi, par exemple, on ne peut être maire d’une ville de plus de cent mille habitants avant 40 ans (35 ans pour leurs adjoints) ; pour être député élu, il faut être âgé de 32 ans[2] au minimum et avoir accompli au moins deux mandats locaux ; les mandats sont limités en nombre et dans le temps : ls sont tous de quatre ans, renouvelables une fois et non cumulables. etc.
Certaines dispositions sont prises pour prévenir les dérives telles que le népotisme et le féodalisme : des membres d’une même famille – ascendants, descendants, conjoints et collatéraux – ne peuvent pas siéger en même temps au sein d’une même institution publique ou se succéder à une fonction exécutive ; il est interdit aux exécutifs locaux et aux Députés de recruter leurs proches comme assistants parlementaires ou conseillers techniques même s’ils satisfont aux obligations réglementaires ; les fonctions exécutives sont limitées à un mandat par collectivité.
Les liens et accointances entre les élus et l’économie sont absolument prohibés. Les dispositions qui permettent à un élu d’entrer dans une carrière sans passer par les obligations de droit commun sont rapportées. Les élus nationaux ne peuvent pas exercer une activité professionnelle dans des secteurs tributaires de l’argent public (exemple : les professions médicales[3]).
Enfin, la meilleure manière d’intéresser et de responsabiliser les citoyens est d’introduire dans notre république une part de démocratie directe, autrement dit, de leur permettre de participer directement à la prise de décisions politiques et au vote des lois. C’est l’institution du jury dans les trois assemblées délibératives conservées[4], c’est-à-dire, la désignation par tirage au sort de la moitié des membres des Conseils municipaux, des Conseils régionaux et de l’Assemblée nationale.
Rémunérations
Toutes les fonctions électives donnent lieu au versement d’indemnités imposables, cumulables avec un salaire s’il s’agit d’un mandat de base (Conseiller municipal ou régional) ou, dans certaines conditions, avec une retraite, et comportant une part variable en fonction de l’assiduité. Tous les élus relèvent du régime général ; les indemnités de mandats ouvrent droit au régime social des salariés : assurances sociales, vieillesse, chômage. Les frais de mandat – salaires et charges de collaborateurs, frais de déplacement dans le cadre du strict exercice du mandat – sont pris en charge et gérés par les assemblées. Les élus nationaux qui veulent entretenir une permanence électorale doivent la financer sur leurs fonds propres. Les frais de représentation et la réserve parlementaire[5] sont supprimés. La réduction du nombre de députés de 577 à 288 permet d’améliorer les conditions de leur accueil et hébergement[6]. Les services de confort rendus par les assemblées parlementaires (restauration) sont facturés à leur coût réel. Les avantages pratiques hors missions officielles, réductions tarifaires ou gratuité des transports, sont supprimés.
Financement de la vie politique
Le financement actuel de la vie politique est frappé d’hypocrisie, de mensonge et de dissimulation. Une situation qui dit assez la sournoiserie qui caractérise les rapports de notre classe politique avec le Peuple français. Une sournoiserie, cela va de soi, parfaitement entretenue par les médias.
Si on en croit le rapport de la Commission des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour 2009, l’État a dépensé directement cette année-là 74,88 M€ pour assurer aux partis politiques un bon fonctionnement. Une somme réservée aux formations qui participent aux élections dont 34,75 M€ (46,4%) aux formations ayant présenté un certain nombre de candidats et 40,13 M€ (53,6%) à celles qui ont eu des élus à l’Assemblée nationale. Compte tenu du mode de scrutin, cela permet d’écarter les partis qui dérangent, en particulier le FN, réduit à « se contenter » (tout est relatif) ou, en tout cas, de compter beaucoup sur les sommes perçues à l’occasion des élections présidentielles. C’est ainsi que le FN, dont le budget courant était d’environ 4 M€, a pu bénéficier de 9,63 M€ supplémentaires en 2007 en raison des résultats de son candidat à la présidentielle. En 2002, pour les mêmes raisons, les Verts (Noël Mamère) avaient reçu près de 4 M€, Lutte ouvrière (Arlette Laguiller) : 2,35 M€ et le Mouvement des citoyens (Jean-Pierre Chevènement) : 7,4 M€, comme le Modem (François Bayrou). Notons que le moindre des candidats ayant obtenu l’autorisation de se présenter a, cette année-là, reçu au moins 535 000 €. Au titre de l’élection présidentielle de 2012, l’État a dépensé 228 M€ dont 49 M€ remboursés aux candidats sur la base de dépenses souvent fantaisistes et pour le moins invérifiables.
Mais la plus grosse contribution, indirecte, celle-là, des citoyens au financement de la vie politique est le crédit d’impôt accordé aux versements à un parti politique. Ce crédit s’élève à 7 500 € par formation et par an mais le plafond, lui, est du double. Le principe en est simple et tordu à souhait. Tout citoyen peut donner jusqu’à 7 500 € à plusieurs partis politiques ou associations de financement de campagnes électorales et en récupérer 66% en réduction d’impôt dans la limite de 15 000 € par an et 20% du revenu imposable, le reliquat étant déductible les années suivantes. Cela signifie qu’en réalité, 66% des sommes collectées par les partis politiques sous forme de dons sont des subventions publiques. Le montant total de cette aide est amalgamé avec les autres « dépenses fiscales » au titre des dons à des partis politiques, donc, mais aussi à des associations ou des fondations (1 547 M€ en 2011). En y regardant de près (toujours le rapport de la CNCCFP pour 2009), on découvre que 295 formations politiques émargeaient au système. Parmi elles, les quelque 80% (233) avaient satisfait aux règles légales et déposé leurs comptes, dont 227 furent certifiés et seulement 210 adoptés sans réserves, totalisaient 198,57 M€ de recettes pur 181,4 M€ de dépenses (?). Qu’ont-elles fait des 17 M€ de différences ? Nul ne le sait. Mais là n’est pas l’essentiel. Si on considère les comptes des quatorze formations dont le budget est supérieur ou égal à 1,5 M€ et totalisent 91% du total des recettes, c’est 66,77% de leurs ressources (120,76 M€) qui sortent des caisses de l’Etat, c’est-à-dire des poches des contribuables. Rapportées aux recettes des 227 formations étudiées par la Commission, ces aides totalisent quelque 132 M€.
Les mêmes partis se partagent par ailleurs, non pas directement mais par le biais de leurs parlementaires, les fameuses réserves parlementaires. L’Assemblée nationale vient de voter la sienne pour l’exercice en cours : 90 millions d’€uros dont 75 M€ sont répartis, c’est nouveau, à égalité entre les Députés (132 000 € chacun) et 15 vont à l’exécutif parlementaire, dont 6 réservés au président de l’AN[7] . Cette manne est, en réalité, un énorme coup de pouce donné aux élus en place pour se faire réélire. Pour les Sénateurs, il faut compter 55 M€. Une réserve de même nature, d’un montant de 19 M€, était jusqu’à présent attribuée au Premier Ministre et confisquée par le Président de la République.
Enfin, peuvent être considérées comme des financements de la vie politique les subventions aux groupes politiques de l’Assemblée et du Sénat (environ 10 M€ par an) et les fameuses indemnités de frais de mandat allouées aux Députés et Sénateurs (6 412 € par mois pour chacun d’eux, soit un total de 118 M€ chaque année) et que chacun d’eux peut utiliser à sa guise moyennant quelques principes dont beaucoup n’hésitent pas à s’exonérer[8].
Nonobstant les facilités que les professionnels de la politique tirent de leurs positions locales, très difficiles à estimer mais réelles car les exécutifs locaux singent la présidence de la République et celles du Parlement en octroyant à leurs élus des crédits du même genre, le financement public de « la vie politique » (en fait de la vie des politiques) se chiffre au minimum à 464 millions d’€uros. Le tout, sans que cela éradique le système de financement occulte qui fonctionne toujours parfaitement. Le plus connu est la traditionnelle exploitation des marchés publics. Qui a été élu ou entrepreneur ou a étudié de près la gestion de ces marchés sait parfaitement que le fameux scandale des lycées d’Ile-de-France n’a fait que révéler au grand jour, sans y mettre fin, une pratique constante, codifiée, généralisée et toujours actuelle. Quant à ceux qui s’étonnent de la longévité politique de l’ancien maire de Montpellier Georges Frèche, malgré ses frasques et ses dérapages, qu’il sachent que cette agglomération est la deuxième zone de France où l’on construit le plus et que la personne qui tient l’office local d’HLM depuis des lustres n’est autre que sa veuve.
Enfin il existe un autre système de financement douteux moins connu du grand public : le détournement des fonds de la formation professionnelle en général et de la formation des élus en particulier. Le PS, l’UMP et les Communistes sont passés maîtres en la matière, vite et magistralement imités par les Ecologistes[9]. Le système est si bien rôdé que des filiales des partis en sont chargées spécifiquement.
Outre les effets d’aubaine qui se traduisent par la multiplication des candidatures fantaisistes ou des formations politiques bidon[10], le financement de la vie politique a des effets co-latéraux qui méritent d’y réfléchir. Le plus évident est la professionnalisation de la vie politique. La quasi-totalité des nouveaux élus de juin 2012 sont des apparatchiks nourris au sein de leurs partis. Sur ce point, les Socialistes sont passés maîtres ; ils ont mis au point une trajectoire à laquelle peu de prétendants à un rôle politique peuvent se soustraire. A peine sortis de l’Université où ils ont fait leurs classes dans les organisations étudiantes comme la MNEF, les candidats à une carrière politique, de plus en plus souvent des enfants d’élus, sont pris en charge via un emploi plus ou moins effectif dans une collectivité territoriale, un organisme public, une société contrôlée par la sphère politique (Véolia, EDF et autres France-Télécom, par exemple) ou qui n’ont rien à refuser au pouvoir en place ou en devenir, et, pour la crème des crèmes, c’est-à-dire les diplômés de Sciences-Po, de l’ENA, d’HEC, etc., dans un cabinet ministériel, passage obligé, comme on le verra, vers une carrière très fructueuse dans le secteur semi-public. Beaucoup de protégés de partis politiques envoyés à la conquête d’une circonscription ou d’une mairie le font à partir d’une base professionnelle de ce type, par exemple, un Conseil général ou régional voisin ou une administration basée dans un département limitrophe où on les voit peu. Par exemple, l’ANRU, qui brasse quelque 12 Mds€ de budget annuel, s’est fait une spécialité de l’emploi fictif de jeunes « issus de l’immigration » missionnés pour « travailler » politiquement les quartiers et les banlieues. Beaucoup n’ont même pas besoin de faire semblant de travailler : ils sont directement recrutés par les appareils de leurs partis respectifs ou intégrés dans les équipes des élus nationaux (voir le nombre d’assistants parlementaires parmi les nouveaux élus de juin 2012). La conséquence est que les formations politiques n’ont plus besoin des citoyens car ils n’ont plus besoins d’adhérents ; leurs élus (cinq cent quarante mille au total soit plus que le nombre total d’adhérents revendiqués par l’ensemble des partis !) et leurs proches, la plupart rémunérés, suffisent à faire la claque dans des meetings de plus en plus rares car la télé, où les partis ont un droit de tirage, si on ose dire[11], suffit à leur propagande.
Sans vouloir revenir à la politique des préaux[12], une réforme des pratiques politiques passe évidemment par la réforme de leur financement. Faut-il le rappeler, les partis politiques n’ont aucune légitimité institutionnelle. Ce sont des groupements à statut associatif auxquels la Constitution de 1958 a réservé un rôle de « concours à l’expression du suffrage universel » et non de « parrains ». L’État n’a pas à les financer. Le prétexte pris par les législateurs pour instituer le financement des partis politique, la « moralisation », est un alibi qui, au passage, en dit long sur leur état d’esprit. On a voulu mettre fin aux dérives, ce en quoi on a échoué, l’actualité des « affaires » en témoigne, en donnant de l’argent aux politiciens pour éviter qu’ils le volent (!!!). Autant financer des braqueurs pour qu’ils n’aient pas à dépouiller les vieilles dames.[13] Il y a en France quarante quatre millions de citoyens en âge de voter ; si les partis politiques sont incapables d’en convaincre ne serait-ce quelques centaines de milliers, c’est que ces partis ne sont pas en phase avec eux.
Ceci étant, un financement raisonnable basé sur des données d’audience dans l’électorat objectives et vérifiables, couplé avec une législation pénale implacable pour les tricheurs[14], est souhaitable. Là encore, comme en bien des domaines, l’Allemagne donne l’exemple ; en tout et pour tout, elle verse directement aux partis une dotation de 0,85 € (1,70 € en France) par voix obtenue aux élections fédérales, régionales et européennes, et une dotation égale à 38% des dons reçus plafonnés pour chaque donateur à 3 300 € par an. Pour mémoire, les dons et cotisations aux partis politiques français, y compris les cotisations des parlementaires et des élus locaux indemnisés, donnent droit à une réduction d’impôt de 66% plafonnée à 15 000 € par an,. C’est-à-dire que l’aide publique bénéficie aux seuls assujettis à l’impôt sur le revenu. C’est éliminer d’entrée les dix-sept millions de citoyens non imposables et donner une prime aux Français les plus aisés. Moyennant quoi, en 2007, le financement de la vie politique a coûté 132 M€ aux Allemands et 445 M€ aux Français, soit quatre fois plus par habitant (6,95 €/1,65 €). La politique française en est-elle pour autant quatre fois plus efficace que l’allemande ?
Une réforme rationnelle du système de financement de la vie politique française consiste à adopter en l’état celui de l’Allemagne.
[1] Bêtise insondable, certains impôts qui ne rapportent rien sont conservés uniquement pour préserver l’emploi des agents chargés de leur traitement !
[2] En un temps où l’espérance de vie était bien moindre qu’aujourd’hui, il fallait, pour être édile dans la Rome républicaine, être âgé de 37 ans au moins et avoir été questeur (l’équivalent de comptable du Trésor actuel).
[3] Et les permanents politiques puisque les partis tirent l’essentiel de leurs ressources de l’État. (Note de l’auteur)
[4] Le Sénat et les Conseils généraux sont supprimés.(Note de l’auteur)
[5] La réserve parlementaire est l’instrument privilégié du clientélisme.
[6] Les 289 députés désignés par tirage au sort sont basés au Palais du Luxembourg libéré par la suppression du Sénat. (Voir p. 59)
[7] La clientèle électorale socialiste et les clubs de football de Seine-Saint-Denis doivent se frotter les mains. Ils ont, succédant à ceux de la Haute Savoie de Bernard Accoyer, cinq ans de vaches grasses devant eux.
[8] Cette « indemnité » fait l’objet d’un usage particulièrement douteux. Par exemple, des élus, qui sont censés louer leur permanence électorale, utilisent l’indemnité pour se louer à eux-mêmes un local dont ils sont propriétaires. Autrement dit, ils utilisent une aide au fonctionnement pour se constituer un capital.
[9] Les syndicats y sont également très forts.
[10] On se souvient de Brice Lalonde réapparaissant à chaque élection et recrutant ses candidats par petites annonces.
[11] Quel que soit le sujet, on voit tous les soirs au « 20h » les hérauts de la bande des six partis « introduits » (dont le FN depuis deux ans) donner sur chaque sujet un point de vue que le téléspectateur un peu informé pourrait rédiger à leur place.
[12] Quoique ! Elle avait son charme.
[13] La vie politique est tellement « moralisée » que les dérives ont cours au sein même des partis. Voir les révélations récentes sur l’attribution discrétionnaire et sans appel d’offres du budget communication de l’UMP (de l’ordre de 10 M€), à une certaine société Pygmalion et à sa filiale Event & Cie dirigées par d’anciens collaborateurs et amis de son secrétaire général.
[14] Suppression de la prescription pour les délits commis par les élus ; suspension immédiate en cas de mise en cause ; remboursement des sommes indûment perçues ; interdiction définitive d’exercice politique.
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