Sioniste or not sioniste ?

Symbole antisioniste

    J’ai reçu quelques mails de compatriotes juifs qui, lisant mes diatribes contre les promoteurs de l’union sacrée (les Stora, Daum et autres Morin), s’inquiètent de mes positions sur le sionisme. En réalité, j’entends la question sous-jacente de l’antisémitisme. L’un d’eux m’a interrogé franchement en précisant que, de ma réponse dépendrait sa décision de me « garder ou non dans [son] entourage ». Trouvant cela très légitime, je lui ai adressé une réponse que j’ai fait lire à des proches, ce qui me vaut un quasi-drame domestique. Cette question du sionisme, à mon grand dam, est de celles qui font exploser les amitiés les plus solides, les relations les plus riches et les promesses les plus riantes. Pour les lecteurs que ça intéresse, voici ma réponse.

 

Cher Monsieur S.,

    Je ne sais pas si vous êtes sioniste ou antisioniste ou ni l’un ni l’autre. Quoi qu’il en soit, comme toujours, je ne vais pas calculer. Et même si je le savais, je ne calculerais pas.

    Si le sionisme est l’idée généreuse née au XIXème siècle de permettre aux Juifs persécutés d’avoir à eux un foyer où ils vivraient en paix, j’aime cette idée.

    Si le sionisme consiste pour Israël à ne respecter aucune décision internationale et à entretenir à Gaza un véritable camp de concentration à ciel ouvert ; si le sionisme revient à refuser des droits aux Arabes qui vivent sur son territoire et à grignoter au vu et au sus de tout le monde celui des autres ; si le sionisme c’est, pour les Israéliens, arracher les arbres fruitiers des Palestiniens pour les empêcher de cultiver afin qu’ils ne leur fassent pas concurrence et pour les obliger à acheter chez eux avec l’argent que NOUS, les Européens, leur donnons ; si le sionisme, c’est détourner l’eau en sa faveur et à leur distribuer au compte-gouttes leur part 300 fois inférieure (vous avez bien lu) ; si le sionisme, c’est tout cela, et c’est cela, alors je suis antisioniste.

    Enfin, si le sionisme, c’est l’idée qu’il y a un peuple juif disséminé sur toute la terre qui, sans prendre part aux souffrances des Israéliens et des Palestiniens, tranquillement assis sur le douillet séant de la double nationalité, dans le confort de la démocratie et à l’abri des balles, fait tout pour empêcher la paix en Palestine, alors, je suis doublement antisioniste.

    Je m’intéresse assez à ces questions et depuis assez longtemps (j’en ai fait un exposé en cours de philo avec mon condisciple et ami Eric Zimmermann) pour en connaître beaucoup de choses. Depuis 1974, date de cet exposé, rien n’a changé. Et même, on n’a jamais été aussi près de la guerre. Une situation qu’une majorité d’Israéliens favorables à la paix contre des territoires a hâte de voir régler sans que les pseudo-Juifs français et américains s’en mêlent.

    Pour finir, si vous me demandez s’il y a des Juifs que j’aime et d’autres que je n’aime pas, je vous réponds ceci : je n’aime pas Néthaniaou et tous ceux qui pensent comme lui et qui sont prêts à mettre le Levant à feu et à sang pour servir leurs projets[1] ; je n’aime pas ses fanatiques soutiens américains et français qui se réveillent chaque matin plus juifs que français ou américains et qui, par haine des Arabes, soutiennent les racistes israéliens quoi qu’ils fassent. Mais j’aime les Juifs d’Israël qui luttent sur place pour la paix contre une véritable patrie aux Palestiniens[2].

    Enfin, j’aime des Juifs, qui ont nom Jésus et Spinoza, chassés de leur communauté parce qu’ils avaient eu le courage de contester ses diktats philosophiques et religieux ; j’aime le Capitaine Dreyfus qui a refusé de mettre son nom au service du sionisme parce que, disait-il, il avait fait l’objet d’une erreur judiciaire comme Français et non comme Juif, et qui s’est trouvé de ce fait relégué dans l’anonymat ; j’aime Rony Brauman et Charles Enderlin, qui, à raison, aiment et estiment assez leur peuple pour lui tenir un langage de vérité ; j’aime Raymond Aron, un des plus grands penseurs du XXème siècle, bien plus grand que son frère ennemi Sartre que, pourtant, les intellectuels sionistes français vénèrent encore malgré ses erreurs et ses fautes ; j’aime Bob Dylan, le plus grand poète des deux derniers siècles, que je situe bien au-dessus de Rimbaud ; et j’aime Eric Zemmour, mon triple alter-égal : berbère, Pied-Noir et Français d’une nationalité, d’une appartenance, uniques et exclusives, et qui proclame que sa judaïté ne regarde que lui.

    Cher Monsieur S., ai-je répondu à votre attente ?

    Si c’est le cas, j’en suis ravi ; sinon, je le regrette, avec, tout de même, la certitude que nous aurons l’occasion d’en parler de vive voix.

    Très cordialement,


[1] Voyez l’Irak.
[2] Cliquez pour écouter sur France Culture Shlomo Sand dans l’émission d’Alain Finkielkraut Répliques titrée « Faut-il déconstruire Israël ? ».
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