Ces derniers jours ont été émaillés d’incidents qui m’ont empêché de tenir mon blog au jour le jour. Une panne technique et des obligations personnelles m’ont obligé à faire un saut à Béziers. Par ailleurs, et c’est très étonnant, une fois sur deux, je tombe sur des hôtels sans wifi. Enfin, l’accumulation de la fatigue ne me permet pas d’être opérationnel tous les soirs. J’essaierai, dans les 48 heures qui viennent, de me mettre à jour.
Aux petits anges de Bourg-Lastic !
La stèle de Bourg-Lastic, érigée en septembre 2012 à l’initiative de Taïfour Mohamed.
Parti de Villeneuve-sur-Lot le matin du dimanche 4, je parcourus deux étapes sans anicroche si ce n’est un incident mécanique qui rendit mon cheminement difficile, notamment dans les côtes. La route était belle, le paysage grandiose, comme partout dans ce Périgord noir où l’odeur de truffe (mais peut-être est-ce de l’autosuggestion ?) régnait en maîtresse, les villes et villages superbes avec leurs édifices majestueux plantés dans la roche : tout invitait au plaisir et à l’euphorie. Mais mon esprit était préoccupé par la litanie des désistements de nos « amis » PNH censés organiser les réceptions aux étapes et, aussi, par des affaires à régler côté Béziers. Au soir du lundi 5, alors que la bruine tombait sur Ussel, je fus rejoint par mon fils Nicolas que j’avais fait venir de Béziers.
C’est en voiture que nous fûmes le lendemain matin à Bourg-Lastic à la rencontre de Taïfour Mohamed, d’AJIR-Auvergne, l’initiateur et le réalisateur, avec l’aide des autorités civiles et militaires locales, de la stèle à la mémoire des Harkis du camp et du petit cimetière d’enfants. La visite commençait par ce petit cimetière aménagé dans une clairière à quelques centaines de mètres du camp lui-même. On y accède par un chemin goudronné depuis quelques années seulement. J’avais entendu parler de ce cimetière où, au fond de la clairière, sont alignées onze plaques toutes simples sur un parterre recouvert de gravier brun. Devant, l’aire est méticuleusement entretenue, par l’Armée, nous dit M Mohamed. En avant de l’alignement, une plaque porte les noms de seize enfants, dont cinq morts-nés et onze décédés entre un jour et vingt-et-un mois. Manquent quatre noms dont on nous dit que ce sont ceux d’enfants, morts à l’hôpital, dont on n’a pas les corps.
Savoir de quoi ces enfants sont morts n’est pas facile et il n’est d’aucun intérêt de se perdre en conjectures. Ce qui est certain, c’est que, faute d’accord des communes avoisinantes pour qu’elles le soient dans leurs cimetières, leurs dépouilles ont été enterrées dans cette clairière proche du camp. Je ne puis m’empêcher de penser que ceux-là ont eu de la chance, d’une certaine façon. A Saint-Maurice-l’Ardoise, le cimetière improvisé a disparu dans une exploitation maraîchère et les familles sont bien en peine de savoir où sont les restes de leurs enfants.
A Bias, j’avais été pris d’un sentiment de désolation et de quasi abattement. Ici, c’est la pitié qui m’étreint et qui, peu à peu, alors que je n’arrive pas à me dégager de ce petit bout de terre noyé dans l’immense futaie d’un camp militaire, se transforme en rage.
Mais voici qu’il faut partir, continuer la visite. C’est à quelques centaines de mètres que se trouve le camp proprement dit. Une simple clairière, là aussi, où des dizaines de tentes avaient été plantées et où vécurent 4 945 personnes entre le 24 juin et le 22 septembre 1962 avant d’être dispatchées dans d’autres camps. (Lire) C’est là que Taïfour Mohamed a creusé de ses propres mains une petite fosse pour y planter un socle de béton tout simple destiné à recevoir une stèle en pierre de deux mètres sur soixante-dix centimètres. « Pour se souvenir et ne pas oublier », dit maladroitement l’incrustation.
Pour que les Français sachent, surtout, car, comment nous, les PNH, pourrions-nous oublier ?
__________________________
Pour info : je serai aujourd’hui, vers 12h, au camp forestier de Roybon, dans l’Isère.