Le monde politico-médiatique pose enfin les vraies questions sur le scandale de l’écotaxe. De là à dire que ce n’est qu’un exemple d’un système généralisé… Sur le plan politique, le ralliement de Bayrou à l’UDI me parait d’une importance qu’on ne perçoit pas encore très bien.
Ecotaxe : les bonnes questions enfin posées !
Si j’étais prétentieux, je dirais que tout le monde, depuis lundi, répète ce que j’ai écrit dans mes articles des 29 et 30 octobre sur les péripéties qui ont émaillé l’élaboration de l’écotaxe et sur ses implications. Les vraies questions relatives au scandale de l’écotaxe sont enfin posées. Et chacun de s’interroger gravement et doctement en faisant mine de s’étonner des incohérences et curiosités du contrat qui lie l’État et Écomouv. Y compris ceux qui ont participé à son élaboration. Certains en profitent pour régler des comptes avec leurs « amis » et rivaux politiques susceptibles de contrecarrer leurs propres ambitions. Ainsi, Jean-François Copé, qui s’en prend à Nathalie Kosciusko-Morizet. Les Socialistes n’hésitent pas à mettre en cause le Gouvernement Fillon, en oubliant qu’ils ont voté la taxe et qu’ils n’ont pas moufté quand Ecomouv a été choisie dans les conditions qu’on sait. Quand aux agriculteurs bretons, ils foutent la pagaille et s’en prennent au bien public alors qu’ils ne sont pas, eux non plus, blancs-bleus, loin s’en faut [1]. Il n’est guère que les écolos d’EELV qui ne s’expriment pas : normal, cette taxe est la leur, ils l’ont voulue. Et, d’ailleurs, ça regarde l’écologie, et, donc, les concerne moins que la défense des Roms. Quant aux médias, ils sont biens plus prolixes sur l’écotaxe que sur le scandale des 100 millions d’€uros gaspillés par France Télévisions en frais d’études pour, soi-disant, faire des économies de gestion en fusionnant dans une entité unique les quarante sociétés du groupe.
Cette affaire, qui a fait l’objet d’un article édifiant du Canard enchaîné du mercredi 16 octobre, n’a pas tenu plus de 24 heures dans nos chers médias. Et pourtant ! En matière de gabegie de fonds publics, il est assez exemplaire d’un système qui met le patrimoine public des Français en coupe réglée. Parmi les heureux bénéficiaires, les deux cabinets privés de consultants internationaux, l’américain Bain & Company et le français Ineum Consulting, rémunérés respectivement 11,3 et 3,06 millions d’€uros en 2009-2010. Qui dit consultant dit consulté. Parmi ceux-ci, on ne s’étonnera pas de retrouver nombre d’amis de la coalition de lobbies qui s’entendent pour piller la France. Par exemple : le cabinet Secafi-Alpha, présenté comme « très proche de la CGT » par le Canard, qui a touché 660 000 € au titre d’une mission de « suivi de la réforme » ; pour «l’accompagnement de la négociation avec les syndicats », Dialogues, « un club d’experts proches de la direction de France Télés » a touché 77 000 €uros ; Altedia, la société que Raymond Soubie avait fondée, alors qu’il était encore fonctionnaire, grâce à des financements de sociétés publiques avec lesquelles il a été en relation pendant ses quarante années comme conseiller social et qu’il a vendue 95 millions d’€uros à ADECCO, laquelle il avait imposée pour conduire la privatisation de la Poste[2], a empoché 275 000 €. Le Canard parle d’un « invraisemblable listing » de bénéficiaires des larges de France Télévisions et cite, par exemple : 165 000 € pour une « assistance à la mise en œuvre d’une classification des emplois », 607 000 € pour « la mise en place du nouveau système de paie », 1,1 m€ pour une « ouverture du capital de la régie » qui n’a jamais eu lieu, 200 000 € pour « l’accompagnement au changement culturel dans les directions fusionnées », 96 000 € pour « l’analyse de la perception du changement », et 536 000 € pour rémunérer deux spécialistes en « risques psychosociaux », etc.
Parmi les heureux bénéficiaires des larges de France Télévisions, on retrouve, pour 1,5 m€, la société Bygmalion, fondée par Bastien Millot, ancien directeur délégué du groupe audiovisuel public, mais, surtout, ami et complice de Jean-François Copé, pour servir de « pompe à phynances » politique. A noter que cette opération a été lancée en 2009 par Patrick de Carolis, alors PDG de France Télévisions et qui, aussitôt débarqué, a créé une société de production qui vit grassement de commandes dudit (voir La France Confisquée) [3].
___________________________________
Just married !
L’UDI et le Modem ont convolé en justes noces. Pour qui ne connaît pas les arcanes de la politique et ne s’y intéresse qu’à titre superficiel, il est difficile de comprendre immédiatement la signification et l’importance de cet événement. La manière désinvolte et méprisante dont les médias, qui en vivent pourtant, parlent de politique a fini par priver beaucoup de Français des outils qui leur permettaient il y a encore vingt ans d’en saisir toute l’importance. Quant aux « jeunes », ils n’ont plus guère avec elle de relation qu’au travers du « Grand journal » de Canal + et de ses « Guignols de l’info », qui sont une véritable entreprise de décérébration publique.
Depuis la défaite de Sarkozy à la présidentielle de 2012, on ne parle plus à propos de l’UMP que d’éclatement, d’explosion. On avait fini par oublier que l’UMP n’était qu’une société d’intérêt électoral réunissant de manière superficielle des partis qui avaient l’habitude de s’allier pour aller ensemble aux élections : le RPR, l’UDF et le Parti radical (dit « valoisien »). Sous la pression d’un Chirac alors dominateur à Droite, ces partis s’étaient réunis au sein d’une même entité, l’UMP, uniquement pour la forme. En réalité, chacun d’eux avait conservé sa personnalité. Et, même, pour profiter à plein des largesses d’une loi de financement très favorable aux partis, ceux-ci s’étaient multipliés en autant de micro-partis qu’il y a de « leaders » vrais ou autoproclamés.
Le bipartisme était une exigence de la Vème République caractérisée par le scrutin majoritaire à deux tours pour la désignation des Députés et, surtout, celle du Président. C’est quand la Gauche l’a compris qu’elle s’est mise à exister politiquement.
Avec la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012 et l ’importance prise par le FN dans la vie politique française, l’incertitude pèse lourdement sur un retour de ce qu’on nomme communément la Droite au pouvoir en 2017. L’élection présidentielle étant devenue la boussole de la vie politique française, le scrutin de 2017 en est l’horizon. L’absence d’un leader incontestable à droite ouvre le champ des possibles. Les diverses composantes de l’UMP et leurs leaders ont trois ans et demi pour s’y préparer. Avec, pour la première fois, l’irruption d’une hypothèque FN crédible.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la probable présence de Marine Le Pen [4] au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017. Mais personne ne se risque encore à parier sur son élection. L’enjeu pour la « droite » est donc de porter son candidat au deuxième tour. Or, la recomposition du Centre y aidera beaucoup. Pour cela, il aura beau jeu de surfer sur l’échec probable des Socialistes au pouvoir. Ensuite, il n’aura plus qu’à agiter comme d’habitude la menace de « l’extrême-droite » pour rallier, comme en 2002, les votes de gauche.
La reconstitution du Centre y aidera. Satellite du RPR, le Centre ne séduisait plus les électeurs de centre gauche. Beaucoup d’entre eux ont d’abord suivi Bayrou avant de se tourner vers Hollande en 2012. Il y a fort à parier qu’ils en feraient de même en 2017, surtout compte tenu d’une « extrême-droitisation » de Copé et Fillon très exagérée par les médias. Or, bon an, mal an, l’électorat centriste (en réalité de centre droit) représente environ 1/5ème du corps électoral.
Tout ceci est parfaitement intégré par les acteurs de l’union, les Borloo, Bayrou et Morin, pour n’en citer que les trois personnalités les plus connues, mais pas seulement elles. Je suis sûr que l’UMP elle-même, où restent des centristes aussi éminents que Jean-Pierre Raffarin, ne voit pas d’un si mauvais œil cette réorganisation du paysage politique. A condition pour ses leaders de continuer d’en tirer les ficelles, évidemment. Quant aux personnalités politiques authentiquement de droite qui font carrière à l’UMP parce que, selon elles, « on ne peut pas travailler, au FN ! », il n’y a aucun risque qu’elles quittent un parti, l’UMP, de gouvernement pour un parti de contestation qui n’offre, selon eux, aucun avenir.
Je disais en préambule de cet article que l’événement d’aujourd’hui est beaucoup plus important qu’il n’y paraît. Il l’est à double titre. Cette réorganisation, si elle ne se heurte pas à la confrontation des appétits individuels, fermera à coup sûr les portes du pouvoir à Marine Le Pen et au FN. Mais, surtout, et c’est bien plus grave, elle interdira aux patriotes de se constituer en force alternative capable de disputer le terrain à l’anti-France. A moins que Marine Le Pen et son parti cessent de se croire seuls dépositaire de l’avenir de la France et acceptent de renoncer à leur hégémonie.