Jean-Marc Ayrault veut « mettre à plat la fiscalité ». Part. 2

    Lu dans le Monde du 23 novembre : « Un proche du président se montre dubitatif : « Ayrault a sécurisé tactiquement sur le très court terme. Mais il ne fera croire à personne que c’est le big bang fiscal. C’est de la gonflette. » »  CQFD !

Des idées pour Ayrault.

Grand cirque                                                                                                                              Gonflette et grand cirque.

Des principes

    Une réforme radicale du système fiscal dans la triple perspective de l’amélioration de la compétitivité des entreprises, de la préservation du pouvoir d’achat des ménages et du désendettement de l’État implique d’abord une redéfinition des droits et des obligations, des missions et des prérogatives de chacun : citoyen, entreprise, État et collectivité publique. Dans l’idéal, elle est basée sur quelques principes simples et de bon sens et guidée par la volonté de libérer les énergies et l’esprit d’entreprise. Elle se traduit par une rationalisation et une simplification du dispositif. Elle a comme principes la justice, l’efficacité et l’équilibre en vue de contribuer à servir les intérêts de la Nation ; pour buts l’amélioration de la compétitivité des entreprises, du pouvoir d’achat des ménages et du désendettement de l’État ; comme pratique, la rationalisation, la simplification et la transparence : tels sont les caractéristiques de la fiscalité nouvelle. Associée à une réforme des prélèvements sociaux qui transfère les cotisations des entreprises sur la consommation et le revenu net, la réforme de la fiscalité française libère l’activité économique en la délestant et fait confiance au libre arbitre des Français.

    L’État assume et finance les missions d’intérêt général. A chaque type de mission correspond un type de prélèvement défini en fonction des buts qu’elle s’assigne. Les missions régaliennes de l’État intéressent la Nation dans son ensemble et sont financées sur le budget général ; il en est de même de certaines missions d’intérêt vital : c’est le cas de l’enseignement public et de l’aménagement du territoire ; c’est le cas de la politique sociale et de solidarité nationale c’est­­­-à­-dire les prestations tels que RSA, allocations familiales et allocations aux plus défavorisés, à ne pas confondre avec la protection sociale, qui relève de l’épargne et de la prévoyance : assurance maladie, chômage, retraite. Ces missions relèvent de la Sécurité sociale qui est le produit d’une négociation suivie d’un accord entre les composantes de la société civile : entreprises, travailleurs, pour instituer une assurance mutuelle contre les risques de la vie personnelle et professionnelle, maladie, accident, chômage, ou pour financer la prévoyance en vue de la vieillesse. Elles sont financées par des prélèvements, qui ne sont pas des impôts ou des taxes mais des cotisations, sur le revenu du travail (entreprises, indépendants, salariés) et, pour certaines d’entre elles, de l’épargne et des placements. La contribution de certains secteurs de l’économie jugés particulièrement générateurs de risques, peut légitimement être rehaussée. C’est le cas des producteurs et consommateurs de tabac et d’alcool, ou de l’assurance automobile.

    Viennent ensuite les prélèvements liés à l’occupation du territoire par des personnes. Si cet usage avait la même valeur partout, les prélèvements correspondants seraient uniformes et homogènes et pourraient faire l’objet d’un traitement au niveau national. Ce n’est pas le cas : ce sont donc les collectivités territoriales qui ont la tutelle de cette fiscalité via la taxe d’habitation. L’occupation de l’espace et l’usage des équipements publics par les entreprises n’ont pas la même portée ; ils comportent une dimension d’intérêt national dans la mesure où il faut éviter la concurrence des territoires entre eux. C’est pourquoi la cotisation foncière des entreprises doit être universalisée, simplifiée et intégrée dans l’impôt sur les sociétés, son pro duit étant ensuite réparti entre les collectivités territoriales ou les opérateurs du service public d’équipement et d’aménagement du territoire. Enfin, les services publics à portée non universelle ou générale, qui s’adressent à des usagers, sont financés par eux et gérés au niveau national ou local, selon le type de prestation et le prestataire.

Imiter l’Allemagne au lieu de vitupérer contre elle[1]

    La fiscalité actuelle ne respecte en rien ces orientations. Une nouvelle redistribution des contributions, dénuée de préjugés idéologiques, et ayant pour objets la justice, l’efficacité et l’équilibre en vue de contribuer à servir les intérêts de la Nation, consiste à faire le tri des impôts existants pour n’en garder que les plus efficients et à les mettre en œuvre de sorte à mieux répartir les efforts, en veillant à préserver les capacités d’investissement actif des ménage et l’activité des entreprises. Cela implique une assiette plus large autorisant une réduction notable des taux nominaux. Les impôts sur le patrimoine et les prélèvements de circonstance, qui sont faux impôts mais vrais rackets, n’entrent pas dans cette logique.

    Les Français les plus exposés à la surimposition, c’est à dire très imposés en théorie, mais en théorie seulement car les nombreuses niches fiscales leur permettent de réduire leur contribution directe, voire d’y échapper, sont l’objet à la fois de toutes les menaces et de toutes les attentions. D’un côté, on brandit contre eux la menace de taux marginaux de 75%, de l’autre, on leur ménage le maximum de moyens pour les éviter. C’est une conséquence de l’appréhension idéologique et schizophrène de l’impôt de nos élites élevées au sein d’un socialisme très rouge, qui doivent résoudre une triple équation : nourrir l’appétit pantagruélique d’un État providence très redistributif ; veiller à ne pas faire fuir les citoyens les plus riches ; ne pas étrangler ceux qui restent et qui paient rubis sur l’ongle. C’est la quadrature du cercle, si on ose parler ainsi d’une triple équation. C’est évidemment la dernière des trois obligations qui n’est pas respectée. Total, la progressivité de l’impôt est telle qu’elle frappe dès que les revenus des ménages commencent à être un peu confortables. En effet, dix sept millions de foyers fiscaux ne sont pas imposables sur le revenu et 1% de contribuables en paient 37%. L’impôt direct élevé se cumule avec une fiscalité locale lourde, notamment sur le patrimoine, et s’accompagne d’un arrêt brutal de tous les droits sociaux ; c’est le fameux effet de seuil. C’est ainsi que les bases d’imposition se réduisent comme peau de chagrin et que les Français sont au bord de la révolution.

Des pistes

    Depuis trente ans qu’on parle de simplification de la fiscalité, il serait temps qu’elle se réalise. Bien des impôts, notamment ceux qui n’existent qu’en France, doivent être supprimés, d’autres réformés sur la base des principes intangibles indiqués plus haut, dont, au premier chef, celui de l’adéquation des moyens de l’État avec ses besoins calculés en fonction des capacités de la Nation. De ce point de vue, l’examen secteur par secteur démontre qu’il y a de formidables économies à réaliser, ne serait ce que pour se rapprocher de ce qui se fait de mieux chez nos voisins. Selon René Dosière, qui fait autorité en la matière, une gestion rigoureuse de l’État et des Collectivités territoriales ferait à elle seule économiser entre 18 et 20 Mds€. Selon Capital.fr, le potentiel total d’économies (gestion + interventions) dans le cadre du système actuel serait de 80 Mds€. Si on se contente d’une remise à niveau des dépenses publiques françaises (55,9%) par rapport au PIB 2011 sur celui de l’Allemagne (45,6%), on obtient …207 Mds€ ! La somme d’économies possible et supportable à court terme grâce à une réforme radicale du système français avoisine, selon nous, 150 Mds€/an.

    Pour que l’impôt direct soit efficace, il doit intervenir en fin de circuit économique pour peser le moins possible sur l’activité des entreprises. Et il doit rester modéré afin de préserver les moyens d’action et d’investissement pour les entreprises et de consommation pour les ménages en influant aussi peu de possible sur leur libre arbitre. En réduisant les prélèvements qui interviennent en amont de la création de richesses, on obtient une élévation générale des bases d’imposition par la hausse de l’assiette fiscale et l’augmentation du nombre de foyers imposables. Et on abaisse d’autant les besoins de solidarité par réduction du nombre d’ayants droits et, conséquemment, les besoins de l’Etat et des institutions à vocation sociale, donc les prélèvements en amont de la production de richesses. C’est ce qu’on appelle un cercle vertueux. Encore faut-il choisir à bon escient le point de rupture avec le cercle vicieux dans lequel s’inscrit le système actuel. Pour baisser les charges pesant sur l’économie sans grever les capacités d’investissement des entreprises et le pouvoir d’achat des consommateurs, il faut réduire très vite et considérablement (de l’ordre d’un tiers) les prélèvements (charges sociales et impôts sur la production) pesant sur le travail. Dans l’état actuel de la France, c’est possible à condition de coupler cette baisse avec certaines dispositions concernant les autres domaines d’action publique pour réaliser des économies de nature à donner les marges de manœuvre nécessaires. C’est l’objet des réformes structurelles portant sur le périmètre d’action de l’Etat et sur l’organisation politico-administrative. Ces marges une fois acquises, la simplification de l’impôt est d’autant plus facile qu’il est actuellement très compliqué. En effet, la liste des contributions ne compte pas moins de cent quatre vingt dix lignes dont vingt sont en réalité des cotisations sociales et une trentaine des prestations facturées aux usagers ou des cotisations professionnelles à des organismes consulaires. Il y avait en 2010 quarante quatre prélèvements dont le produit dépassait 1% de la dépense publique et quelque soixante quinze contributions et taxes qui font doublons avec d’autres et qui pourraient même être supprimées. En réalité, seulement un tiers d’entre eux sont justifiables à défaut d’être justifiés.[…]

    Mais j’entends d’ici les commentaires. « L’ami Kader est décidément bien naïf ! » Je vous rassure. Ayant passé près de trois ans en recherches et consultations (10 000 pages de documents dont beaucoup étrangers) pour l’écriture de La France Confisquée, j’ai acquis la certitude, d’où le titre de mon livre, que les préoccupations de nos élites sont bien éloignées de celles de Français. Le but de la coalition de lobbies prédateurs dont les partis politiques et le gouvernement ne sont que les bras armés est d’en prendre le plus possible. En témoigne la déliquescence des services dits « publics », qui n’ont de public que le nom, où les intérêts privés sont comme chez eux. L’hôpital manque d’infirmières, de sages-femmes et d’aides-soignantes mais la médecine privée y exerce très lucrativement. A l’école, les enseignants débutants gagnent deux fois moins que leurs homologues allemands et 60% de moins que les Espagnols (!), mais l’encadrement administratif supérieur, massivement franc-maçon, s’autorise des salaires de ministres. La radiotélévision publique, qui coûte 2,5 Mds d’€uros aux Français, est gangrenée par le copinage[2], confisquée par des sociétés privées, souvent dirigées par d’anciens cadres du service dit « public »[3], et rackettée par d’inoxydables dinosaures de la radio-télévision[4]. Et ne parlons pas des plus de 15 Mds€ de subventions distribuées chaque année aux associations bidons[5].

    L’intérêt de la multitude de parasites qui vivent en suçant le sang des Français est encore et toujours de trouver de nouveaux moyens d’agrandir leur fromage. Je ne me fais évidemment aucune illusion sur les intentions de Jean-Marc Ayrault et de sa clique, pas plus que je ne compte sur les partis d’opposition pour nous sortir d’affaire.

    En réalité, cette gesticulation sur le thème de l’impôt n’a qu’un but : détourner l’attention des Français et leur faire oublier que l’anarchie fiscale contribue comme le reste des politiques menées depuis trente ans à la réalisation du projet de disparition de la France comme nation. La seule façon de l’empêcher est que les forces patriotiques qui émergent en ordre dispersé s’entendent pour combattre ensemble pour la préservation de la nation française et de sa civilisation. Mais c’est une autre question dont nous n’avons pas fini de parler !

(Cet article est inspiré d’un chapitre entièrement consacré à la réforme de la fiscalité dans La France Confisquée.)

 


[1] Les plaintes de nos élites relativement à l’Allemagne me font penser à cette blague du cocu qui rentre chez lui et trouve sa femme au lit avec un autre. Il se met à lui faire une scène. A quoi sa femme répond en lui disant : « Au lieu de gueuler, tu ferais mieux de regarder comment il fait ! ».

[2] La plus grande partie du budget « production » est capté par d’anciens cadres du service public qui ont créé leur propre société de production .

[3] Exemple : Lagardère médias, présidée par Jean-Pierre Elkabbach.

[4] Exemple : Michel Drücker ou Franz-Olivier Giesbert.

[5] Exemple : les think-tank et autres fondations dirigés par des hommes politiques, ou des associations communautaristes comme Ni putes ni soumises.

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