La présidente du parti anti-gaulliste prend ses conseils auprès d’un Gaulliste.

    Dans mon blog-notes de ce mardi 21 janvier, je faisais part d’un courrier adressé par Marine Le Pen à Manuel Gomez en réponse à son interpellation au sujet de Florian Philippot. Pour qui sait lire entre les lignes et relier les faits entre eux, cette lettre ne manque pas de sel.

Marine préfère Philippot à ses électeurs.

le_pen_harki_1200                                                                                          Marine Le Pen lors d’une cérémonie d’hommage aux harkis en septembre 2012.

    Le FN, comme l’UMP et le PS, d’ailleurs, nous avait habitués (quand je dis « nous », je parle des Piénoirs et des Harkis) aux témoignages d’affection par courriers confidentiels ou à la faveur de réunions privées. Là, comme en confidence, car hors médias, il nous disait tout le bien qu’il pensait de nous sans d’ailleurs jamais préciser en quoi il nous serait utile une fois que nous aurions voté pour lui. Remarquez, à part Chirac, qui a initié, fait voter, signé et fait appliquer toutes les lois relatives à la réparation des préjudices subis par les Piénoirs et Harkis, aucun autre candidat n’a fait mieux. Plus culotté, oui, avec Sarkozy promettant aux Harkis, en 2007, qu’il serait « le président qui résoudrait définitivement la question harkie », promesse qu’il a réitérée sans vergogne en 2012, d’ailleurs. Plus méprisant, il y a eu les socialistes, qui ont tout promis aux Piénoirs et négligé les Harkis, qu’ils persistent à considérer comme des Immigrés.

    Ceci pour dire que je ne suis pas dupe du procédé. Dans les médias radiotélévisés, les dirigeants du FN, à commencer par Jean-Marie Le Pen en son temps, croient avoir tout fait en ne manquant jamais de dire un mot sur les Rapatriés au détour d’une question sur l’intégration des Immigrés. Mais, pour qui connaît les relations qu’ils ont toujours entretenues avec les pays arabes – y compris l’Algérie, le discours minimaliste du FN à destination des Harkis n’est pas étonnant. Que pesons-nous, en effet, comparés aux enjeux financiers, diplomatiques et géostratégiques ? Rien !

    L’affaire présente ne déroge pas à cette règle. Mais il en est tout autrement du point de vue des Français en général et au regard de la philosophie politique. Le principal conseiller de la présidente du Front national, construit par des Patriotes farouchement opposés au bradage sanglant de l’empire colonial français par un De Gaulle honni ; le premier conseiller de la fille de Jean-Marie Le Pen, l’âme du « parti anti-gaulliste » qui a juré la perte dudit De Gaulle ; l’un des principaux personnages du FN se dit gaulliste, reprend le symbole du gaullisme sur ses affiches, fleurit la tombe de son idole, et que dit sa présidente ? Elle dit : « Nous sommes pour le rassemblement des patriotes et chacun est libre d’honorer sa mémoire propre. » Vous avez bien lu : « chacun est libre d’honorer sa mémoire propre. » Ainsi, la référence, que dis-je, la révérence, l’allégeance à de Gaulle, le bradeur de l’Algérie française, qui a laissé assassiner cent cinquante mille Harkis, laissé croupir, torturer et mourir vingt-trois mille d’entre eux dans les geôles algériennes, celui qui a parqué quarante-cinq mille autres dans des camps de concentration et de travail forcé et provoqué l’exode de huit-cent mille Piénoirs, ainsi, la référence à un responsable de crime contre l’humanité relèverait, pour un dirigeant politique tel que Florian Philippot, de la sphère privée ? Ainsi, les opinions politiques d’un dirigeant de parti ne regarderaient pas ce parti, ni ses adhérents, ni ses électeurs ? Ces jours-ci, on a entendu beaucoup d’âneries sur la vie privée des hommes politiques, mais celle-ci dépasse tout.

    De deux choses l’une : ou Marine Le Pen a perdu tout sens politique ou elle se fout de ses électeurs, à commencer par les Piénoirs. Réponse : les deux, mon capitaine ! Sans écarter la deuxième option, j’ai tendance à privilégier la première, tant la présidente du FN nous a habitués, depuis 2012, à des choix politiques curieux. Des choix que lui a soufflés son conseiller favori, comme chacun sait. Pour mémoire, ça a commencé par une campagne présidentielle de premier tour tellement « recentrée » qu’elle en devenait digne d’une candidate communiste. Entièrement axée sur le social, elle en oubliait, comme on dit en football, « les fondamentaux ». En l’occurrence, en mettant le paquet sur les thèmes qui préoccupent prioritairement les Français : la Nation, la sécurité, l’Immigration, assurer la consolidation de son électorat naturel. Au lieu de quoi, elle est allée draguer l’électorat socialiste et, (mal) conseillée par son technocrate, elle a joué les spécialistes de la monnaie et de l’Europe. Autrement dit, elle a fait une campagne de deuxième tour. Total, en faisant la campagne qu’elle aurait dû faire, Sarkozy a pu garder une partie de l’électorat qu’il avait piqué au FN en 2007 et a privé Marine du second tour.

    Peu après, ce fut l’affaire du mouvement contre le mariage gay. Comment peut-on négliger un mouvement qui a mis près d’un million de Français dans la rue ? En écoutant le communautariste Philippot. Ont suivi bien d’autres erreurs moins importantes qu’il est inutiles de rappeler ici mais qui ont contribuer à désenchanter l’électorat patriote.

    De cette litanie de fautes politiques, celle de la complaisance de Marine Le Pen envers les frasques du gaullo-chevénementiste Philippot n’est pas la moins grave et ne sera peut-être pas la moins lourde de conséquences. Les deux années 2014 et 2015 sont riches de promesses pour le Rassemblement Bleu Marine. Or, les Mairies et les Régions gagnables sont situées en majorité en Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et PACA, car c’est là que vit la majorité des Piénoirs. Des PN qui constituent au moins un tiers de l’électorat nécessaire au FN pour gagner ces Régions et des villes de plus de vingt-mille habitants. Je serais étonné que cette perspective enchante les autres dirigeants du FN. Que Marine continue de traiter cette affaire par-dessus la jambe et elle pourrait le payer cher.

    Dans sa réponse à Manuel Gomez, la présidente du FN, parle de « réconciliation nationale » et, surtout, de « sauver la France et la démocratie ». Rien que ça ! Mais alors, puisque les enjeux sont si énormes, pourquoi ne se résigne-t-elle pas à sacrifier le fautif au lieu de demander à des millions de Français insultés de se montrer indulgents ?

    Des militants PN du FN s’alarment de ce que les Piénoirs cèdent à la déception et tournent le dos au FN (voir les commentaires de Richard Portier et de Robert in mon article de mardi). Pour ma part, je ne considère pas que le sort du FN et celui de la France soient liés à ceux de Florian Philippot et de Marine Le Pen. Si ce duo continue de faire preuve d’incompétence (et, dans certains cas, d’incohérence, comme c’est le cas avec le soutien à la liste du franc-maçon droit-de-l’hommiste Robert Ménard à Béziers), il n’y a aucune raison que je les suive dans leurs délires comme une groupie. Et je suis sûr qu’il y a des millions d’électeurs patriotes, y compris au sein même de la direction du FN, qui partagent cette ligne.

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