Pendant ce temps, la corruption institutionnalisée (1/4).

Dépassement de comptes de campagne : Huchon s’en sort mieux que Sarkozy.

images                                                                                                        J.-P. Huchon, président de la Région IDF avec deux autres combinards socialistes, Cahuzac et Cambadélis.

    Les polémiques ridicules comme celle en cours sur les crèches de Noël sont bien pratiques. Pendant ce temps, tout le monde détourne pudiquement les yeux de ce qui constitue la lèpre de notre vie publique : le gavage des « élus » en tous genres avec l’argent public. Cette semaine, en cherchant un peu, on pouvait avoir des nouvelles du président socialiste de la Région Île-de-France, un spécialiste du copinage. Lui, il est dans les embrouilles tous azimuts. Il y a quelques années, la Cour des Comptes avait épinglé le nombre exceptionnel d’élus, d’enfants d’élus, de permanents de partis et de « clients » politiques au Comité régional du tourisme d’Ile-de-France. L’affaire avait fait un peu de bruit mais qui en parle encore ?  

    Madame Tibéri s’était jadis fait prendre pour un rapport bidon de 36 pages bourrées de fautes d’orthographe sur « la coopération décentralisée » payé 41 000 €uros . Les socialistes (je ne mets plus de « S » majuscule à socialiste parce que les socialistes sont décidément minuscules) avaient poussé des cris d’orfraie. Mais ils ont retenu la leçon. Dans le genre, je trouve qu’ils font encore plus dans le foutage de gueule : entre autres rapports études confiées à des amis politiques, le gros Huchon a payé 7 500 € un rapport sur « la politique d’intégration du Conseil régional d’Ile-de-France » commandé à une certaine Pascale Boistard, l’actuelle et très discrète secrétaire d’Etat aux droits des femmes (ça existe !) qui a fait toute sa carrière comme apparatchik du PS ou membre de cabinet avant de devenir député en 2012. Problème : au moment où elle a été chargée de ce rapport bidon de 25 pages, en 2011, elle était adjoint au Maire de Paris chargée de… l’intégration et des étrangers non communautaires !!! Eh, oui, c’est comme ça : non seulement les maires ont toute latitude pour inventer des fonctions institutionnelles nouvelles mais, de plus, leurs titulaires sont payés, par le fait du prince (toujours sans majuscule) en plus de leur indemnité légale. A Paris, un adjoint, qui est en même temps conseiller général puisque Paris est à la fois commune et département, touche 4 589,25 € nets par mois.

    Mais la gauche  fait toujours mieux que les autres, à cause de son esprit de système. Naguère la droite au pouvoir se gavait de manière artisanale ; les socialistes et les communistes. D’où Urba Gracco[1] et Gifco. Jean-Paul Huchon fait beaucoup mieux puisque plus discret. Normal, avec la décentralisation les patrons d’exécutifs locaux sont devenus de véritables féodaux maîtres chez eux. En plus c’est pour eux-mêmes. Les Français l’ignorent pour la plupart mais Huchon aussi a vu ses comptes de campagne pour les Régionales de 2012 retoqués par la commission ad hoc.  Mais, dans son cas, contrairement à celui de Sarkozy, il est juste « condamné » à rembourser les 1 600 000 € (vous avez bien lu : 1,6 millions d’€uros !) indûment perçus au titre de ses frais de campagne. Que croyez-vous qu’il fît ? Comme Sarko, il négocia âprement avec le PS, alors présidé par le très compétent Harlem Désir le règlement de la moitié de cette somme, soit 800 000 €. L’autre moitié était prélevée sur les élus PS au Conseil régional d’IDF. Problème n°1 : l’argent des partis est celui du contribuable. Il est destiné à financer les activités du parti et non les campagnes personnelles de ses candidats, qui émargent à un autre budget public. Quand un candidat est pris en flagrant délit de viol de la loi (dépassement de frais non déclarés), il en est normalement de sa poche. Problème n°2 : figurez-vous que les sommes reversées par les élus d’IDF sont défiscalisées. Total, c’est encore avec de l’argent public que l’autre moitié de la somme litigieuse est remboursée. C’est donc à un véritable détournement de fonds publics que nous assistons là.

    Dans le cas qui nous intéresse, nous nous heurtons à deux anomalies absolument incompréhensibles mais qui sont en réalité l’expression de ce que j’appelle « la confiscation institutionnalisée de la France ». Les comptes de campagne de Sarkozy, qui n’a pas été élu, ayant été invalidés, il n’a rien reçu de l’Etat. Et il a pris une amende de 363 615 € qu’il a d’abord fait payer à l’UMP et qu’il vient finalement de prendre à son compte. Avec l’affaire Huchon, il y a deux anomalies : la première est qu’il n’a eu aucune amende alors que le code électoral en prévoit une d’un montant égal à celui du dépassement. En l’occurrence, 1,5 m€. Comment se fait-il que la Justice n’ait pas prononcé d’amende et que seule le remboursement des frais a été exigé ? La deuxième anomalie est d’ordre moral. Comment peut-on admettre que, dans une société civilisée comme la nôtre, quelqu’un puisse être investi de missions d’intérêt public alors qu’il a été pris en flagrant délit de triche et de viol de la loi ? Car, en définitive, même si, en fin de compte Jean-Paul Huchon et ses colistiers remboursent la totalité des sommes reçues sur leur cassette personnelle sans pouvoir les déduire de leurs impôts, ces remboursements auront été possibles parce qu’ils ont été élus non pas forcément grâce mais, au moins, à la suite de tricheries. De ce fait, et indépendamment du caractère foncièrement immoral de cette élection, les fonds ayant servi au remboursement proviennent d’une cassette alimentée par l’argent public. Il résulte de toute cette réflexion que la seule solution pour non seulement punir mais éviter ces dérives est de décréter l’inéligibilité immédiate, totale et définitive du coupable.

    Le problème est que, pour en arriver là, il nous faudrait élire des gens vertueux. Or, c’est justement ce que la démocratie – du temps de Tocqueville, on disait, sans préjugé aucun, démagogie, c’est-à-dire, littéralement, « pouvoir de la parole » que je traduis par « pouvoir des beaux-parleurs ». Si nous étions en République, c’est-à-dire, dans une régime politique fondé sur le service de la res publica, si nous étions en régime aristocratique et non dans un système démagogique, les deux termes étant compris selon la définition qu’en donnait Tocqueville,[2] alors, nous n’en serions pas à débattre de ces questions car ces questions n’auraient pas cours.

(Demain : les curieux liens de Rachida Dati avec EDF-GDF.)

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[1] Pour Urba, lire ; pour Gifco, lire. C’est volontairement que je renvoie à des articles écrits par un journal de gauche (Libé) pour parler de combines de gauche.

[2] En régime aristocratique on gouverne avec le désir de ne pas déchoir (moralement) ; en régime démagogique, on gouverne avec celui de s’élever (socialement).

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