L’homme de l’année 2014 : 2. Vladimir Poutine.

Le triomphe lent, discret, mais sûr, de Vladimir Poutine.

Poutine tsar

    C’est dans les moments difficiles qu’on voit le chef. De ce point de vue, personne ne pourra dénier à Vladimir Poutine la dimension du chef. D’aucuns, qui ne s’y résignent pas, préfèrent dire führer ou, pour les plus pondérés dans la critique, tsar, manière de  stigmatiser sa pratique selon eux despotique du pouvoir sans verser dans l’outrance. Ouh la ! se dit incontinent le lecteur attentif ; notre ami Kader verse à son tour dans l’idolâtrie et le suivisme aveugle. Je les rassure d’avance : je n’idolâtre que la France, ce qui ne m’empêche pas de garder les yeux grands ouverts et de la regarder avec une conscience aiguë de ses défauts, de ses travers et de ses manques. Des défauts, des travers et des manques que modestement j’espère contribuer à corriger. Mais si, par malheur la France devait se laisser entraîner dans une aventure guerrière menaçant son intégrité et son existence et nécessitant la levée en masse de son peuple, je me rangerais derrière ses chefs, petits ou grands, pour la défendre, y compris contre Poutine. C’est ainsi que je conçois le patriotisme. Péguy appelait cela le « nationalisme mystique » ; je me contenterai du néologisme « nationisme » inventé par  Emmanuel Todd, qui consiste à aimer et servir sa patrie en respectant celle des autres.

    Je suis d’ailleurs absolument convaincu que c’est aussi ainsi que le conçoit Vladimir Poutine. Et c’est avec cette conviction que j’observe ce qui se passe à l’Est depuis quelques années. Qu’y a-t-on vu, en réalité ? Un chef d’état amoureux de son pays (ou imbu de sa grandeur, selon ses détracteurs) qui, ayant pris son parti de l’explosion d’une structure politique dépassée, l’URSS, fait tout pour en préserver le cœur et l’âme : la Russie, ce qui rappelle Kemal Atatürk pour la Turquie (lire ou relire). Mais il le fait en restant toujours campé sur ses positions, sans jamais se montrer agressif, dans l’attente de l’erreur de l’adversaire et en s’appuyant sur elle. D’où ma comparaison avec le judoka (lire ou relire).

    Dans toutes les affaires internationales où la Russie a été impliquée, soit qu’il y fût question de ses intérêts stratégiques et de ses engagements diplomatiques (Iran, Syrie), soit qu’il s’agît de son intégrité territoriale et de sa sécurité immédiate (Géorgie, Ukraine), Vladimir Poutine a toujours procédé de la même façon : 1. fixer à « l’adversaire » les limites à ne pas dépasser ; 2. réagir immédiatement dès qu’elles le sont ; 3. ne pas prendre d’initiative agressive ; 4. laisser ouvertes les portes de la négociation. De ce point de vue, l’affaire ukrainienne est un modèle. Rappelez-vous !

    Dès le début de la crise, les lignes jaunes à ne pas dépasser par le « camp » occidental étaient énoncées : l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et le traitement réservé aux populations russophones de l’Est ukrainien. La question de la Crimée fut, comme celle du détonateur dans la chanson « La java des bombes atomiques » du regretté Boris Vian, réglée en un quart d’heure, sans que cela suscite la moindre réaction d’un Occident bravache mais prudent. Depuis, jamais Vladimir Poutine n’a pris la moindre initiative de nature à le placer en position d’être objectivement accusé de mettre le feu aux poudres. Cela n’empêche pas ses adversaires de lui attribuer toutes les responsabilités, selon le mode très stalinien, c’est un comble, du procès d’intention appliqué à Éric Zemmour. Je passe sur le déroulé de la crise, qui a été abordée plusieurs fois dans ce blog pour ne retenir que ce fait passé inaperçu par nos chers médias aux ordres : la Russie ne reconnaît pas les deux républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk.

    Finalement, l’Euramérique – beaucoup disant, peu faisant ! – se contente de décréter des sanctions économiques qui font mal aux Russes… et aux Européens ! A commencer par les agriculteurs français et allemands qui voient refluer sur le marché intérieur à la fois leurs productions et celles à bas prix venues d’Espagne. Quant aux industries et aux banques, elles pâtissent des sanctions antirusses. A l’image de Renault qui subit une baisse de 20% de ses ventes et de celles de sa filiale Lada, ou de la Société Générale, engagée pour 13 mds€ dans la débâcle du système financier russe. Ce qui n’empêche pas nos « spécialistes » télévisuels de continuer de se gausser de la crise russe et de de la fin prochaine de son président. Non, d’ailleurs, sans se livrer à un amalgame artificiel qui consiste à mettre dans le même sac les sanctions économiques et la baisse du prix du pétrole, celle-ci étant, en réalité, une offensive des producteurs comme l’Arabie Saoudite pour casser la production de pétroles de schistes.

    Sauf que, ce matin, un certain François Hollande, Président de la République française, mais qu’on pourrait croire le porte-parole de la chancellerie russe, a dit tout ce qui aurait dû l’être il y a un an, évitant ainsi à l’Ukraine les affres de la guerre et de la misère, et épargnant 4 800 morts. À savourer !

    « M. Poutine ne veut pas annexer l’Est de l’Ukraine. Il me l’a dit. » « Je pourrais ne pas le croire. Mais ce n’est pas la Crimée. Il veut que l’Ukraine ne bascule pas dans le camp de l’OTAN. L’idée étant pour M. Poutine de ne pas avoir de présence militaire à ses frontières. » « Ce qu’il veut, c’est rester influent. » « Nous, nous voulons qu’il respecte l’intégrité territoriale de l’Ukraine et qu’il ne soutienne plus les séparatistes, qu’il y ait des relations économiques avec l’Ukraine. » « En fin d’année 2014, l’Ukraine a fait un pas vers l’OTAN, en renonçant au statut de pays non aligné,  une classification donnée aux pays, telle la Suisse, qui refusent de se joindre à une quelconque alliance militaire ou de s’impliquer activement dans un conflit armé. » (Que ne l’a-t-on dit tout de suite !) « Il y a eu près de 5 000 morts à 2 ou 3 heures de Paris. Il y a encore des morts, encore des déplacés. On pourrait se dire : « Que va-t-on faire en Ukraine ? » (On se le demande, en effet !) Nous avons cherché des solutions. » « Il faut parler à Poutine -je l’ai fait – mais lui parler clairement en disant ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Il le paye cher, les sanctions pèsent sur l’économie russe. La baisse du prix du pétrole le pénalise. Mais une crise n’est pas bonne pour l’Europe non plus. » « Je pense que les sanctions doivent s’arrêter. »

    CQFD !

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Post-scriptum  (à 18h).

J’ai parcouru les réactions de la presse à l’émission de ce matin. Les déclarations de Hollande sur Poutine y sont à peine abordées. De fait, elles vont trop contre la pensée dominante en la matière.  Quand le Président  de la République renonce à la propagande pour dire enfin des vérités, il n’intéresse plus personne.

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14 réponses à L’homme de l’année 2014 : 2. Vladimir Poutine.

  1. Robert dit :

    Une fois de plus, Kader, j’ adhère à votre analyse. Hollande a manifestement adressé ce message « conciliant »sur ordre, probablement venu d’outre-Atlantique avec un relais à Berlin. Mieux vaut tard que jamais, même réduit à un rôle de télégraphiste…

    • Vincent dit :

      A mon humble avis la Russie dans l’Europe serait le meilleur rempart contre les E.U la Chine et bientôt l’Inde dans la guerre commerciale que vont se livrer tous ces pays.

  2. Sylva dit :

    je souscris totalement à une europe caucasienne, othodoxe, judeo-chretienne, uniculturelle ! cela me suffit largement pour vivre sans le secours de personne ni la protection de personne !!

  3. massadin dit :

    Bonjour Kader,
    en accord avec vous! Et une Europe des Nations, pas l’infâme salmigondis actuel, s’étendant comme il se devrait de l’Atlantique à l’Oural, attachée à ses racines (comme la Russie par exemple..) ferait pièce à TOUS ceux qui veulent la soumettre.
    Cordialement

  4. ADLER dit :

    De Vladimir Poutine, on en pense ce qu’on veut. Mais entre lui et notre « pilote de mobylette » qui ce dernier, de sa vie n’a fait que de la politique depuis son plus jeune âge (car il avait bien réalisé que ça rapporte sans aucun risque), il n’y a pas photo. Il y en a un des deux qui est un vrai chef dans des moments et décisions difficiles. Quant à l’autre, à part commémorer, visiter, inaugurer, remettre des médailles, couper des rubans, persévérer dans les mensonges, et se remplir la panse dans les foires agricoles, j’entrevoie une molasse, un monarque profitant de bien vivre avec sa cour, sur le dos des contribuables, en distribuant aux vermines et parasites, le fruit de ceux qui travaillent.

  5. Miane albert dit :

    Tout a fait d’accord : c’est de cette façon que les Français doivent concevoir le patriotisme et « ne se mêler des affaires des autres » que lorsque ses propres limites sont franchies. On sait avec la lamentable histoire lybienne ou peut mener ce « pseudo-droit d’ingérence » inventé par des Bisounours devenus des guerriers de pacotille capables de créer des pseudo-frontières explosives à terme, dans les Balkans.
    Pour endiguer les risques, l’europe en sa forme est disqualifiée !

  6. jany dit :

    Bravo Kader ! Mieux vaut tard que jamais mais que de temps perdu et que de morts !
    Un bon nombre de français, intellectuels et politiques compris, avaient fait cette analyse mais, comme toujours, étaient montrés du doigt par les tenants de la pensée unique.
    Cordialement

  7. Bouvier dit :

    L’OTAN en Ukraine c’est une provocation pour les russes. L’oncle Sam a fait un caca nerveux en 62 quand il a découvert des missiles à Cuba et il a bien failli foutre le feu nucléaire à la planète mais avec ses œillères il ne voit pas qu’il fait la même chose chez les russes avec l’OTAN et ne supporte pas que les Russes n’en veulent pas. De toute évidence il y a 2 poids 2 mesures. Le pacte de Varsovie a disparu, L’OTAN devrait en faire de même, la paix et la sécurité du monde ne s’en porterait que mieux.

  8. alain F. dit :

    « De l’Atlantique à l’Oural » et même au delà ,en Sibérie,car cet ensemble serait largement auto -suffisant pour que ses populations puissent bien vivre,du point de vue alimentaire et du confort apporté par ses ressources énergétiques.Marine Le Pen et son entourage l’a bien compris puisque des relations plutôt amicales existent avec la Russie.

  9. ODIN dit :

    M. HAMICHE, il n’est pas question de céder un mm aux aspiration belliqueuses de l’Otan et de la France. Si une guerre venait à se déclencher contre la Russie (ou la Chine) ce serait la désertion immédiate. Je ne suis pas un valet du camp occidental.

    • Bouvier dit :

      Je partage entièrement votre point de vue. Si on m’entrainait à faire la guerre pour des raisons contraires à mes convictions, essayerais au maximum de m’y opposer dans un premier temps et en cas d’échec, je me ferais porter pâle…

  10. BRIVOT Pierre dit :

    Monsieur,
    Je vous approuve assez souvent cependant aujourd’hui vous ne pouvez pas écrire :
    « Mais si, par malheur la France devait se laisser entraîner dans une aventure guerrière menaçant son intégrité et son existence et nécessitant la levée en masse de son peuple, je me rangerais derrière ses chefs, petits ou grands, pour la défendre, y compris contre Poutine. »
    Suivi de : « du regretté Boris Vian » sinistre gauchiste, anti-français, antimilitariste !
    Il faut être conséquent et ne pas tout mettre dans le même sac : les ordures et les belles idées !

    • REALE François dit :

      Bien d’accord PIERRE, notre amis Kader, que je lis toujours avec grand plaisir, m’a pris à contre-pied ce matin !!!

  11. REICHERT Daniel dit :

    Face à ces contributions, je résumerai ma pensée à: « J’ aimerai bien voir quelqu’un de même conviction nationale que Poutine à la tête de mon Pays alors que , malheureusrment depuis 30 à 40 ans,celui ci n’ a vu à son sommet que « chroniqueurs des évèmenents » plutôt que des véritables « décideurs »,et qui nous expliqueraient comment reduire notre dette publique, relancer la machine productive, diminuer la « pression administrative se contradisant parfois elle-même », assurer la sécurité publique , relever le niveau de connaissances de nos enfants etc…
    Ce n’est pas le travail qui manque, mais « les bons ouvriers » :

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