Mon blog-notes du mardi 1er avril 2014.

    Manuel Valls à Matignon : le remaniement, premier pas vers un quinquennat au Centre ; le Canard enchaîné ou comment l’impertinence officielle sert le système ; et l’Ukraine, dans tout ça ?

Valls à Matignon : une promotion, un piège ou un deal ?

Doc2                                                                                       Demain, la France centriste, européenne et cosmopolite.

    Les médias sont contents ; ils l’ont enfin, leur remaniement ! Ils vont pouvoir gloser sur du concret. Et, le concret, c’est Valls à Matignon. La dégelée de la Gauche aux Municipales est déjà reléguée aux oubliettes. De là à dire comme Jean-Marie Le Pen que la nomination de Valls ne sert qu’à ça…  

    Nommer Valls à Matignon, c’est, pour François Hollande, faire d’une pierre deux coups : faire parler les bavards et se débarrasser d’un rival. Le premier coup est parti depuis un an déjà. il a juste été interrompu par l’affaire ukrainienne et, depuis quelques jours, par les élections municipales. Les résultats de celles-ci à peine connus, le Landerneau médiatico-politique ne bruisse plus que du remaniement.

    Le deuxième coup a été porté à 18 heures, ce lundi. A partir de cet instant, Manuel Valls a abdiqué toutes ses ambitions pour 2017. Remarque liminaire : historiquement, le Premier ministre en exercice au moment d’une présidentielle ne l’a jamais emporté, mais ceci n’a pas plus de valeur que les statistiques dont nous gavent les commentateurs de matches de football sur les bilans respectifs des deux équipes en lice. Plus sérieusement, depuis l’instauration du quinquennat, le Premier Ministre n’a plus aucun pouvoir et Manuels Valls, à partir de demain, ne sera plus que l’exécutant en chef des décisions de François Hollande. Et il sera un exécutant d’autant plus captif qu’il n’aura aucune autorité sur ses ministres.

    En effet, si le nouveau ministère est restreint (« un gouvernement de combat », vient de dire le Président), ce sont les nouveaux éléphants du PS qui seront nommés : les Sapin, Fabius, Le Drian, Cazeneuve et autres Le Foll ont toutes chances d’en être encore. Et on attend Ségolène Royal à la tête d’un grand ministère de l’éducation et de la culture. Tous ont un accès direct au Président : imagine-t-on l’un d’entre eux prendre ses ordres d’un homme en qui il voit au mieux un égal ? Et François Hollande n’a-t-il pas intérêt à une telle situation ?

Hollande remanie pour que rien ne change.

    Ceci étant, Manuel Valls n’est évidemment pas dupe. Il sait tout cela. Et il sait aussi qu’il lui sera de toute façon difficile de disputer l’investiture de la Gauche à la présidentielle de 2017 au Président sortant. Et Matignon, quelles que soient les arrière-pensées de celui qui vous nomme, ne se refuse pas, ne serait-ce que pour des raisons matérielles : le Premier ministre est toujours, après le Président, le principal bénéficiaire des fameux et prétendument supprimés « fonds secrets » de Matignon.

    Sur le fond, la nomination de Manuel Valls est, j’en suis convaincu, le premier acte d’un virage politique radical (sans jeu de mots) qui, s’il se confirme, révolutionnera le paysage politique français : une alliance entre le PS et le Centre pour sauver le système. Les Bayrou, Juppé et autres Borloo s’en lèchent déjà les babines. (Lire Hollande : le grand tournant !) Autrement dit, changer pour que rien ne change et pour que le projet européiste, mondialiste et antinational de l’UMPS puisse aller à son terme. En tout cas, la « gauche de la gauche », comme disent les journaleux, ne s’y est pas trompée, comme en témoignent les réactions de Mélenchon et consorts.

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Le Canard enchaîné ou l’impertinence politiquement correcte.

1ce8f3c9972b3fd0eb29b9b0e98b0c9c_h                                                                                                    Il arrive que le Canard soit pertinent.

    Beaucoup de Français voient dans le Canard enchaîné le symbole de l’irrespect du système politique français. Il en est, au contraire, l’un des piliers. En réalité, le Canard joue, quand les abus sont trop criants ou quand ils menacent d’enrayer la machine, un rôle de soupape ; par exemple, en matière de délinquance politique ou de corruption, comme on l’a vu avec l’affaire Cahuzac. D’ailleurs, tout le monde sait que le Canard tient l’essentiel de ses informations du monde politique lui-même.

    Mais, jamais, depuis quarante-deux ans que je le lis, je n’ai trouvé dans l’hebdomadaire gentiment satirique du mercredi un article risquant me mettre vraiment en danger un système correct auquel il adhère parfaitement et sans états d’âme et dont il reproduit sans même en avoir conscience les… stéréotypes (mot à la mode). Un système,; d’ailleurs, qui le nourrit grassement. L’an dernier, le Canard, dont la rentabilité dépasse chaque année 20% de son chiffre d’affaire, a encore engrangé près de 5 millions d’€uros de bénéfice net.

    L’occasion de vous en parler m’est donnée cette semaine par un portrait de Patrick Drahi paru en page 7 du « volatile » daté du 26 mars comme les rédacteurs du Canard désignent souvent leur journal. Par principe, l’homme, dont ils finissent par admettre en fin d’article qu’il est un prédateur économique pour qui « la dimension humaine est secondaires ; seul compte le cash », y est présenté comme une sorte de Robin des Bois aux prises avec les requins du CAC 40. Evidemment, quand on a lu dans ce blog Bolloré et Cie préfèrent Patrick à Martin, on a de la peine à reconnaître le combat de « David contre Goliath » mis en scène par le Canard et d’où suinte un évident procès en racisme larvé.

    Extraits décryptés : « [Drahi] ne fréquente pas les cercles de réflexion patronaux, on ne sait s’il est social ou libéral, européen ou non, s’il est passé voir Sarko ru de Miromesnil, pas de rond de serviette à BFM, aucune résidence secondaire dans un fief familial. Pas d’attaches familiales bretonnes ou girondines, la terre natale à la semelle des souliers. »  Le Canard fait-il allusion à Pinault et Bouygues, tous deux bretons et opposants à Drahi ? Mais Bolloré aussi, son principal soutien, est breton ! « Drahi, c’est le Maroc, la France, Israël, la Suisse. Pas très catholique, tout ça, petit ! » Aïe ! Dérapage ! Ces gens ne seraient pas opposés à Drahi parce que son projet est bancal mais parce que c’est un Métèque cosmopolite. Plus loin : « Son raid contre SFR, il l’a longuement mûri. Il ne s’attendait pas à ce qu’une telle armée se lève contre lui, Montebourg, Niel, Pinault, Decaux, la Caisse des Dépôts,[…]Bouygues. » Curieux, le Canard oublie que Drahi a avec lui des acteurs du CAC 40 comme Vincent Bolloré, Henri Lachmann ou Claude Bébéar, excusez du peu ! Plus loin encore : « Voir Niel prendre la défense des oligopoles est assez savoureux », rigole un ministre. »

    Et de commenter : « Très habilement, Drahi se joue de ce conflit asymétrique, se fait David contre Goliath. » Ils ont écrit « conflit asymétrique », comme si les Bolloré, Lachmann et Bébéar qui soutiennent Drahi étaient moins puissants que les Bouygues, Pinault, Niel et Decaux ! Mais le Canard tempère, et se réjouit de ce que Drahi soit « épaulé par un pool bancaire franco-américain solide, conseillé par Stéphane Fouks et Raymond Soubie« , trois soutiens, donc, jugés vertueux par un Canard enchaîné qui, apparemment, a oublié toutes les embrouilles, dont il a lui-même traité, dans lesquelles Fouks et Soubie ont trempé.

    Comme à son habitude, le Canard dit ce qu’il veut et trie entre ce qui arrange son propos et ce qui le dessert. Ainsi, il présente la Caisse des Dépôts comme un établissement public complice des adversaires du « petit » Drahi, comme il désigne affectueusement le prédateur milliardaire, sans dire qu’elle en est dans le même temps la complice (lire). Et elle parle des « papys magouilleurs » à propos du clan Bouygues (62 ans), Pinault (78 ans), Niel (47 ans) et Decaux (77 ans), en omettant de rappeler que Bolloré (62 ans), Lachmann (74 ans) et Bébéar (79 ans) ne leur cèdent en rien en nombre d’années passées sous le soleil. Ainsi, le Canard, mais c’est assez dans ses habitudes, prend beaucoup de libertés avec la vérité. Par exemple, il persiste à parler de qualifier Patrick Drahi de français alors qu’il a très officiellement renoncé à cette nationalité au profit de l’israélienne. Et il l’a fait avec suffisamment d’ostentation pour qu’un « journal » en tienne compte. Pas grave, le rédacteur de l’article sera, selon la tradition bien établie du Canard, condamné à payer un pot au bistrot du coin. Quant à présenter des excuses pour la complaisance, le conformisme, le parti-pris et la nullité de son article, ce n’est pas demain la veille.

Post-scriptum : On remarquera que le Canard n’a rien dit de l’envolée du cours de Vivendi le jour de l’annonce de la négociation exclusive du propriétaire de SFR avec Altice, la société de Drahi. J’ai écrit (lire) que les 15,25% d’augmentation du cours en un jour justifiaient pleinement une enquête pour vérifier qu’il n’y a pas là-derrière un délit d’initiés. Apparemment, ça n’intéresse pas beaucoup le Canard. Ou, plutôt, il attend que le travail soit fait par d’autres, Médiapart, par exemple, pour, ensuite, venir enfoncer le clou.

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Et, pendant ce temps, l’Ukraine.

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    Cette semaine, les Présidents américain et russe se sont parlé au téléphone. Après avoir bien monté la sauce pour satisfaire son Congrès très belliciste, Barak Obama a fini par proposer à Vladimir Poutine de l’appeler pour régler l’affaire ukrainienne entre grands. Ce qui fut fait et bien fait. François Hollande a été informé après. pas grave : il était occupé ailleurs. Quant à Angela Merkel, nul ne doute qu’elle l’a été avant car l’Allemagne, sans divisions mais avec beaucoup d’entregent, est au cœur de toute relation Est-Ouest.

    Ainsi, les Occidentaux ont fini par comprendre que leurs désirs et leurs moyens  d’intervention ne sont pas proportionnés à leurs prétentions et à leurs gesticulations. Total : l’Ukraine s’achemine doucement vers le fédéralisme. Et la Transnistrie moldave a toutes chances de suivre l’exemple de la Crimée et de se retrouver sans crier gare rattachée à la Russie. Et on n’entend pas Bernard-Henri Lévy !

    « Ne jamais réveiller l’ours qui dort ! »

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