Cette rubrique inaugurée il y a deux semaines consiste à revenir sur des dossiers précédemment traités pour y ajouter des précisions ou des éléments nouveaux récemment mis au jour. On ne s’étonnera pas d’y retrouver l’affaire Bygmalion qui est en passe de devenir le tube de l’été 2014.
Les chiffres mirobolants de Bigmillions.
Pour se gaver, tout leur est bon !
On vient d’apprendre que, dès le moment où il lui a cédé son poste de Président du Groupe parlementaire UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé a imposé à Christian Jacob, son successeur et dorénavant complice, l’emploi certainement fictif de six de ses collaborateurs à la Présidence de l’UMP, dont le désormais célèbre Lavrilleux. Celui-ci touchait jusqu’aux dernières élections européennes, 3 500 € mensuels pour un « emploi à mi-temps » dont ledit Jacob est bien en peine de dire en quoi il consistait.
Mais le plus hallucinant est le montant et le libellé des factures acquittées par le groupe UMP pour un total de sept millions d’€uros. Parmi elles, des factures d’hébergement de son site payées 3 588 € par mois (22 676 € en octobre 2011) à Bygmalion, lequel le sous-traitait à une société spécialisée pour… 4,99 € hors taxes, soit 719 fois moins cher. Quant à sa « lettre d’information », Bygmalion lui en facturait 172 415, 36 € une quarantaine de mises en ligne et d’envois à 314 députés du groupe, soit 4 310 € l’unité pour 2011.
Pour que chacun en juge, voici une sélection de ces factures : 680 000 € pour un site web basique conçu par Bygmalion ; 48 222,72 € pour la mise à jour du site personnel (oui, le site personnel) de Jean-François Copé ; 172 415,36 € pour l’envoi d’une lettre d’information hebdomadaire par mail ; 232 598,08 € pour un site sur « l’éthique du numérique » qui n’a jamais été réalisé ; 3 400 € par mois pour l’hébergement du site du groupe UMP, un service facturé entre 5 et 30 euros normalement ; 4 à 8 000 € l’unité pour des « services informatiques » sans plus de précision ; en septembre 2010, 478 400 € pour l’organisation des journées parlementaires de Biarritz, somme à laquelle s’joutent trois mois plus tard 233 422 € sous le libellé « organisation conseil » (?) ; 197 340 € en 2010 et 107 640 € en 2013 pour la « surveillance de l’e.réputation » du groupe UMP (un libellé qui a abondamment servi pour France Télévisions) ; 232 598 € pour des mini-sites thématiques très mini-mini composés d’une simple page d’accueil ; etc.
Au chapitre des dépenses de Bygmalion : 360 174 € de rémunération en 2013 de Bastien Millot, patron de l’agence, dont 115 292 euros de notes de frais et de loyers pour une sa propriété du Var… louée à la société Bygmalion, pour les vacances du personnel ; 85 000 € puis 38 200 € payés par Bygmalion à la société du maire UMP de Neung-sur-Beuvron, Guillaume Peltier, pour des prestations de « communication » ; 200 000€ à la ville de Levallois-Perret, dirigée par les Balkany, pour un « accompagnement » à la communication sur Internet ; des sommes allant de 6 000 à 22 150 € versées à des élus UMP pour des sessions de « formation des militants » UMP ; des « ménages » pour un montant de 80 500 € à un journaliste de France 3, 31 550 € pour un autre d’iTélé ; etc.
Pour mémoire, on ne s’étonne pas du prix démesuré des meetings de Sarkozy quand on apprend que l’UMP a déboursé 46 000 €, c’est la somme déboursée pour les frais de mobilier d’un seul meeting dont 1 250 euros pour des sanitaires réservés au candidat et 3 400 euros pour une loge.
(Pour une retour sur l’affaire, allez par exemple sur Nouvelles révélations sur Bygmalion)
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Intermittents du spectacle : le contribuable paiera !
La culture a bon dos.
La Cour des comptes chiffre le déficit du statut des intermittents du spectacle (108 000 personnes, soit 4% de la totalité des demandeurs d’emploi indemnisés à environ 1 milliard d’euros chaque année, soit les deux tiers du déficit global de l’Unedic en 2011. Pas étonnant quand on sait qu’avec un salaire brut de 1 500 euros par mois, un intérimaire pourra prétendre à une indemnité totale de 3 848 euros , contre 9 088 euros pour un intermittent. (Lire Un mouvement des intermittents précaires au service des cultureux subventionnés)
L’info du jour est que, pour éviter le clash avec la CGT, l’État socialiste va « financer » le manque à gagner pour l’Unedic du fait du report sine die du différé d’indemnisation. Coût pour le contribuable : 90 millions d’euros en année pleine.
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Bouygues à Montebourg : « Merci, Arnaud ! »
L’interventionnisme éléphantesque d’Arnaud Montebourg dans la vente du secteur énergie d’Alstom à General Electric (lire les articles consacrés à l’affaire dont L’éolienne Montebourg brasse du vent pour Alstom) permet finalement au Groupe Bouygues de réaliser une plus-value immédiate de 800 millions d’€uros sur la cession de 20% de ses participations au capital d’Alstom. En effet, le prétexte de l’intervention de Montebourg était d’assurer les intérêts de la France. Or, ceux-ci le sont déjà par le décret du 14 mai qui permet à l’État de bloquer toute opération qu’il jugerait inopportune. Mais, soit ! Alors, quitte à entrer au capital de la société, il lui suffisait d’acquérir une golden share, c’est-à-dire une action avec droit de veto.
Mais il fallait sauver la face du ministre de l’économie du gouvernement Valls (mais pas des économies de la France), lequel avait parlé trop vite de prendre 20% du capital d’Alstom. Or, primo, l’État n’a pas les moyens de sortir 2 mds ; secundo : Bouygues ne veut pas en entendre parler… avant que l’opération soit finalisée. Total, il est convenu que l’État a deux ans pour acheter ses actions. En attendant, on fera comme s’il était actionnaire d’Alstom grâce à une entourloupe inédite en bourse : Bouygues lui « prêtera » ces actions (!). L’État sera une sorte d’actionnaire fictif, ce qui lui permettra au moins de servir deux ou trois obligés qui iront le représenter au Conseil d’administration de la société et encaisseront les jetons de présence qui vont avec. A part ça, le seul résultat visible de l’intervention de Montebourg est la chute de 4,1% du cours d’Alstom pour la seule journée de lundi.[1]
Ainsi, Bouygues, propriétaire de 29,4% d’Alstom, pourra encaisser sa part (1,03 md€) des 3,5 mds€ (sur les 7,3 que General Electric paiera, et non 12, contrairement à ce que le Canard a écrit un peu vite) qui iront probablement aux actionnaires. Mais le meilleur est sans doute ailleurs. Il est peu probable, en effet, que Bouygues se soit montré si patient dans les deux affaires qu’il a eu à traiter récemment (vente d’SFR puis d’Alstom), et dans d’autres moins commentées, sans contreparties. Par exemple, en matière de télévision et de téléphonie. (A suivre)