Au FN, combat politique ou guerre des Atrides ? (1/2)

Jusqu’où Marine Le Pen peut-elle aller dans la « dédiabolisation » ?

MLP_Philippot

    C’est entendu, Marine Le Pen et ses amis ont, pour conquérir le pouvoir, fait le choix de la « dédiabolisation » du Front national. Remarquons au passage que le recours à cette formule indique à lui seul que la patronne du FN s’incline devant la doxa dominante qui s’érige en juge de paix du politiquement correct politique. De la part de dirigeants d’un parti bâti sur la contestation d’un système jugé malsain, c’est étonnant… sauf si leur projet est d’intégrer ce système. Mais, passons ! Du reste, on peut le comprendre s’il s’agit de débarrasser le FN des scories qui rendaient son contact rugueux à un électorat constamment prévenu contre lui. En quelque sorte, le rendre plus présentable. Faire d’un parti de contestation un parti de gouvernement nécessitait au minimum un nettoyage. Deux questions se posaient alors ; la première : jusqu’où fallait-il gratter ? La seconde, dé-diaboliser, oui, mais pour plaire à qui ?

    Depuis quatre ans, c’est-à-dire depuis l’accès de Marine Le Pen à sa présidence, nous assistons à une véritable  mutation du Front national. De fait, le FN n’est plus un parti politique au sens premier du terme, c’est-à-dire un organe identifié par une idéologie, une doctrine, une philosophie sociale et politique, voire un modèle de société et même de civilisation ; Marine Le Pen et ses amis en ont fait une machine électorale, c’est-à-dire un lieu ouvert à tous ceux qui veulent, pour des raisons diverses, variées et souvent contradictoires, mettre à bas et remplacer ceux qui sont en place. D’idéologie, de doctrine, point : le FN est devenu une sorte d’auberge espagnole servant un plat unique fait de tous les ingrédients apportés par les convives eux-mêmes. Le mot d’ordre est : « A moi les mécontents ! » Autrement dit, il n’est plus question de porter et de défendre des valeurs jugées vitales pour la survie de la France mais de ratisser large. Racoler plutôt que convaincre ! Et point de projet global censé remédier à un mal global ; chacun a droit à une réponse à la question qui l’intéresse, lui, quitte à ce que ça n’arrange en rien les affaires du reste de la Nation. Par exemple, promettre la retraite à soixante ans alors qu’elle est à soixante-sept en Allemagne, c’est juste irresponsable. Comme l’UMP, comme le PS et leurs satellites, le FN fonctionne sur le mode syndical, à la différence près que ces partis défendent des intérêts non pas corporatistes mais communautaires.

Racoler plutôt que convaincre !

    Une stratégie de ce type suppose de gommer tout ce qui peut dissuader les citoyens devenus, en réalité, des clients, de le rejoindre ou de voter pour lui. Les questions qui fâchent sont systématiquement éludées, évacuées, mises sous le tapis. C’est devenu une règle dès qu’il s’agit de ces affaires sensibles que sont les questions mémorielles ou relatives à l’interprétation de l’Histoire ; elles donnent l’occasion à MLP et à ses amis transfuges de la sphère droit-de l’hommiste d’opérer un véritable revirement doctrinal jugé propre à leur gagner l’estime des tenants de la doxa dominante. En l’occurrence, tandis que certains des nouveaux dirigeants du FN avides de respectabilité n’hésitent pas à se ranger dans le camp, dont ils sont issus, des ennemis du parti. MLP condamne en bloc sans commenter ; l’accent est mis sur la forme, rien sur le fond[1].

    Le problème est que quand on fait de ses anciens ennemis des amis, on risque de voir ses amis devenir des ennemis. Ceux qui, au Front national, n’ont pas du tout envie d’aller à Canossa dans le seul but de se rendre fréquentables, autrement dit ceux qui refusent de vendre leur âme pour gagner les dorures des palais officiels, ne sont pas disposés à laisser faire. Encore moins quand on sait que cette démarche sera vaine et que, quoiqu’ils fassent, ils n’atténueront en rien la haineuse vindicte dont ils sont l’objet de la part de leurs ennemis. Il se trouve que ceux qui, au FN et dans son électorat, pensent ainsi sont très nombreux et encore très puissants. On l’a vu avec les réactions des historiques du parti, les Gollnisch, Lang, Martinez, qui, tous, ont jugé pour le moins excessive la réaction de Marine Le Pen aux « déclarations » de Jean-Marie Le Pen. Plus : ils envisagent même sérieusement une scission au sein du parti. Ceci n’est pas anodin mais, au contraire, très sérieux et révélateur d’un rapport de forces politique eu sein du parti resté ignoré de la masse des Français. Avec l’assentiment des intéressés, d’ailleurs, car les gens du FN pratiquent la discipline de parti et ceux qui ont été mis en minorité au moment des élections internes n’ont jamais cherché à entraver l’action de Marine Le Pen et de ses amis, même quand elle les hérissait.

    Certes, aux yeux des Français trompés par les médias, la minorité que j’appellerais nationaliste radicale est presque devenue invisible. Et elle est à peine audible. Outre Jean-Marie Le Pen, que les radios et télés invitent bien souvent dans l’espoir d’un buzz médiatique, on y voit encore de temps en temps Bruno Gollnisch car l’ancien concurrent de Marine Le Pen à la présidence du FN ne pouvait pas décemment être maintenu dans l’anonymat. Pour le reste, l’espace médiatique est monopolisé par le quatuor MLP, Philippot, Collard, Aliot, rejoint plus récemment par Marion Maréchal-Le Pen. Ignorés, les historiques du FN n’en sont pas moins là, à l’affût d’une erreur de la jeune garde exogène, attendant leur heure.

Marine Le Pen maraboutée ?

    L’affaire en cours est-elle la démonstration que le vieux chef du FN a décrété cette heure venue ? Il est difficile de trancher cette question. Une chose est sûre : Marine Le Pen et les siens ont de toute évidence sur-réagi, sans doute parce qu’ils ont vu dans le nième « dérapage » de Jean-Marie Le Pen l’occasion d’une nuit des longs couteaux politique au sein du FN. Enfin, n’exagérons rien ! Les médias ont beau se gargariser de formules dignes de la psychanalyse de comptoir comme « tuer le père », il ne s’agit ici que de profiter d’une occasion pour se débarrasser, non seulement du chef historique et quasi mythique du Front national mais aussi de tous ceux qui, tout aussi légitimes et dans son ombre, attendent leur heure pour normaliser leur parti.

    Le plus fort est que Marine Le Pen, par sa condamnation radicale et en bloc de son père, fait tout pour accréditer ses accusations de prise de contrôle du parti par ses ennemis et, donc, légitimer sa réaction. Du coup, la vraie et seule leçon qu’on puisse tirer à chaud de cet épisode de la vie du FN est que Marine Le Pen, que je croyais devenue le gourou d’une secte d’adeptes ayant abdiqué tout recours à la raison, a elle-même été maraboutée. Maraboutée par les ennemis historiques du parti, au premier rang desquels les chevènementistes alliés aux transfuges du RPR indignés par la dérive umpiste de leur parti.

    Plus sérieusement, le Front national version MLP-Philippot, joue à front renversé. Ce n’est pas à une querelle de famille que nous assistons mais à un combat politique au sens respectable du terme.

(A suivre)

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[1] Que j’analyserai en détail dans un prochain article.

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12 réponses à Au FN, combat politique ou guerre des Atrides ? (1/2)

  1. Ruby nathalie dit :

    Kader, cela fait déjà quelques jours que je cherche à comprendre ce qui se passe au sein du Front. Ce soir en lisant tes réflexions du 30 mars, j’ai pensé à ceci : La stratégie du Front, n’est-elle pas d’opérer une scission au sein du groupe afin d’en dégager deux portes de sortie (ou d’entrée), soit deux partis politiques dotés de leur personnalité propre. D’une part : le rassemblement bleu marine, plus hétéroclite, plus jeune et empathique envers le politiquement correct et d’autre part le front de JMLP, qui conserverait ses fondamentaux, son caractère contestataire du pouvoir en place et sa liberté d’expression si chère à JM. Forts de ces personnalités différentes, lors des prochaines élections, ces 2 partis rassembleront de part et d’autre, un électorat plus varié, ralliant les plus extrémistes au plus modérés, rendant ainsi possible, l’accession au pouvoir de la nouvelle droite nationiste.?!

    • Kader Hamiche dit :

      C’est une version, rêvée par les Patriotes, qui rappelle le thème du « glaive et du bouclier » à propos des rôles respectifs prêtés à De Gaulle et Pétain en 40. Le problème est que, là, nous avons affaire à une véritable OPA des chevênementistes sur le FN. Re-visionnez les vidéos de Philippot ces derniers jours : il s’y montre sûr de lui et dominateur au point de faire apparaître Marine Le Pen comme sa marionnette (Ce qui me fait écrire que le gourou est marabouté). Or, et je l’ai dit à qui voulait l’entendre, il y a un véritable conflit interne au FN autour de cette question : les historiques du FN ne l’ont jamais accepté et ne l’accepteront jamais. Ils ont joué le jeu démocratique et sont restés discrets et solidaires mais n’ont pas pour autant renié leurs idées et abdiqué toute ambition de reprendre les rênes du parti.

      Ceci étant, et vous le verrez demain en lisant l’interview que je vais publier in extenso avec l’autorisation de Rivarol, Jean-Marie Le Pen ne s’est livré à aucune provocation. Et tout ce qu’il y dit est juste, argumenté, parfaitement vu et d’une très haute tenue intellectuelle, politique et morale. Et vous verrez en la lisant combien le landerneau politico-médiatique a exploité le véritable diktat moral qu’elle fait peser sur les jeunes dirigeants du FN pour les pousser à DÉCLENCHER LE CLASH, ce qu’ils ont moult fois essayé de faire. Ce qui est nouveau, c’est que Marine Le Pen, cette fois, A CÉDÉ à l’injonction, sans doute sous la pression de ses amis Philippot et consorts.

      En réalité, une interview de très haut vol patriotique et portée par une analyse politique sans faille des menaces qui pèsent sur la France, une interview qui ne contient strictement rien de scandaleux (je le prouverai) a servi de prétexte à cette fine équipe pour franchir le Rubicon. Et ce n’est pas seulement parce qu’elle était émue comme fille de son père mais parce qu’elle avait pleine conscience de l’importance politique de ce qu’elle faisait que, jeudi soir au 20h de TF1, Marine Le Pen était si émue. Je suis sûr que, au fond d’elle, elle n’était pas fière. Je me demande si, au fond, elle ne pressentait pas qu’elle était en train de tirer les marrons du feu pour des aventuriers très prompts à changer de chapelle pour faire assouvir leurs ambitions SANS JAMAIS RENIER ce qu’ils ont été.

    • ODIN dit :

      @ Ruby nathalie
      Votre théorie est séduisante : à deux on ratisse plus large. Ceci dit j’ai quitté le RPR du franc maçon Chirac et de son âme damnée Juppé en 1985 pour rejoindre JMLP à qui je suis resté fidèle jusqu’à ce jour., et fidèle je resterai jusqu’à la fin. Par ailleurs , je ne comprends pas qu’un Collard qui ne fait pas partie du FN, puisse faire ses déclarations délirantes envers le fondateur du FN. A jouer avec le feu, on se brûle.

      • ODIN dit :

        Dans le FN, il y a quelque chose de bizarre depuis longtemps : Souvenez vous, il y a sans arrêt des guerres de chefs. Il semblerai que ce soit dans les gênes de ce parti. Aujourd’hui, le petit clan s’en prend au fondateur, je crains que demain cela devienne une bataille Marine contre Philippot, lui-même contre Collard etc. Pour l’instant, le parti n’est pas à la porte du pouvoir, mais qu’en serait-il si cela était le cas demain? Hier soir j’ai eu envie de relire le testament politique du Chancelier Hitler, rien que pour voir le climat de 1945 pour le comparer à celui d’aujourd’hui. Eloquent !

  2. Joe Hodgson dit :

    Mais si pas Marine alors qui ? Sarkozy ? Plutôt crever que de voter pour lui.

  3. nigette dit :

    on ne peut avoir à la tête d’un parti un homme qui tient des propos racistes, négationnistes et fait scandale à tout propos. Même si les électeurs déçus veulent du changement, ce n’est pas à celui-ci qu’ils adhèrent!
    « malheur à celui par qui le scandale arrive! ».

  4. Chrif dit :

    il semble bien que ceux qu’on appelle les jeunes loups n’ont que faire des valeurs patriotiques. Bcp de ces raliés du FN pensent avoir des chances aujourdhui soit d’arriver au pouvoir grace aux voies du parti de JMLP soit de rejoindre au moins les « boulitiques » pour qu’ils puissent fréquenter eux aussi les salons dorées des instances locales et nationales.
    En tout cas dans leur démarche pour se donner une image de respectabilité conforme aux politiciens et aux médias ils n’ont qu’un objectif c’est d’ecarter ceux qui défendent la mémoire de Pétain ou pire de l’Algérie française.
    Pauvre de nous!

  5. Roger dit :

    Votre analyse est fine, très fine. Trop fine et compliquée pour les pauvres gens qui voient leur salaires et retraites se réduire à peau d’chagrin alors qu’ils savent les aides généreuses données à ceux qui viennent profiter de la France (tout en la haïssant). Ils voient ces mêmes assistés, arrogants, détruite leur culture et leur propre sécurité avec l’appui du gouvernement et des médias. Ils voient la France et les français mourir étouffés. Alors ils laissent les stratégies politiques aux intellectuels comme vous, à qui je rends hommage, et votent pour le seul parti qui parle leur langage. Le FN !

    • nigette dit :

      OK Roger pour cette analyse à laquelle j’adhère. Toutefois il faut avoir conscience que le langage et les provocations de JMLP dissuadent beaucoup d’électeurs qui, bien qu’attirés par le FN hésitent à donner leur voix lors d’élections, rebutés par les propos excessifs de leur Président. Marine, plus modérée leur convient mieux.

      • Kader Hamiche dit :

        Cher « nigette », je comprends qu’on s’exprime en tant qu’admirateur de MLP mais, de là à occulter les VERITES qui sortent de la bouche de Jean-Marie Le Pen sous prétexte de ses dérapages ou de ses provocations, il y a un pas qu’un Patriote doué de raison ne doit pas s’autoriser. Beaucoup de lecteurs de ce blog n’ayant pas lu l’interview de JMLP à Rivarol, je la publierai aujourd’hui-même avec l’autorisation de son auteur, accompagnée d’un décryptage (n’engageant que moi) qui, je l’espère, pourra aider chacun à se faire une idée de son contenu.
        Surtout, il ne faut pas perdre de vue le contexte et les enjeux de l’événement auquel il nous est donné d’assister en direct ; un événement présenté par tous les médias comme un psychodrame familial pour en mieux cacher la portée politique.
        Aucun Patriote ne peut se réjouir de ce que le parti sur lequel il porte ses espérances se déchire pour faire plaisir à ses ennemis dans l’espoir de s’attirer les votes d’électeurs qui, par définition, ne PEUVENT PAS voter pour lui. Il y a encore dans ce beau pays de France des Nationaux qui ne comprennent pas qu’un parti qui se dit national se laisse noyauter et, maintenant, guider par l’anti-Nation, c’est-à-dire l’anti-France.
        Personnellement, je me bats pour que le mouvement patriotique s’enrichisse de nouvelles forces, pas pour qu’il se vautre dans la fange sociale-démocrate où les aventuriers et les charlatans de la politique trouvent un terrain idéal pour exercer leurs funestes talents. A nos dépens et, surtout, aux dépens de la France.

  6. Démétrius dit :

    A commencer par la vie, Marine le Pen, doit tout à son père, son éducation, ses études qu’il finança, sa formation y compris dans la politique, pour faire d’elle une gosse de riche ingrate et amnésique. Le parti fut le dernier cadeau offert à une jeune femme qui a tout obtenu dans la facilité lui faisant croire, grace à un extraordinaire concours de circonstances, qu’elle ne le devait qu’à elle même et à ses seuls talents, d’ou orgueil et vanité pour couronner un parcours sans réalisation qui lui soit propre sur laquelle s’appuyer, digne de figurer sur son CV, vide pour le moment de toute expérience. Alors peut-être lui devra-t-on l’élimination du fondateur du FN que je ne défends pas ici en tant que tel, mais bien en sa qualité de père, car il me déplait de voir une « parvenue » se hisser aux pouvoirs en se servant du cadavre de son papa pour marchepied puisqu’elle avait à ce moment de sa vie politique, l’occasion de prouver sa valeur en quittant le FN de son père, pour fonder son propre parti, elle y aurait gagné l’estime de ceux qui la pense comme une intrigante qui désire un héritage qui lui semblait destiné dans les faits, alors que désormais elle ne l’obtiendra que par un parricide politique qui lui sera, tôt ou tard, reproché par ses propres amis qui par opportunisme marchent dans son sillage, avant de passer devant, quitte à lui passer sur le corps.

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