Cinq cents victimes en trois heures ; et maintenant ?

Ismaël Mostefaï : 8 condamnations sous Sarko et fiché « S » ; 0 jour de prison !

000_Par8330737_0    Dans mon article de samedi Alger 57 – Paris 2015, je préconisais l’adoption d’un dispositif de prévention des attentats calqué sur celui mis en place lors de la bataille d’Alger de 1957. J’en précisais l’esprit en écartant d’emblée quelques aspects dudit dispositif : l’arbitraire et l’appel à l’Armée. Notre Armée n’est pas adaptée à une crise en temps de paix ; d’ailleurs, elle n’est pas capable de se déployer plus qu’elle ne le fait déjà compte tenu de ses multiples engagements extérieurs.

    Écarter l’arbitraire est une évidence de principe ; un modèle politique ne se remet pas en question à chaque fois qu’il est confronté à une crise. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de recourir à l’arbitraire pour affronter une menace aussi lourde soit-elle. Même pendant la bataille d’Alger, les pouvoirs civils n’ont pas abdiqué leur prérogatives ; toutes les opérations effectuées à Alger pour repérer et neutraliser les terroristes ont fait l’objet d’un suivi judiciaire. Mais le refus de l’arbitraire n’est pas celui de l’état d’exception. On, on est depuis vendredi soir dans l’exception. Et même, on y est depuis le 9 janvier. La seule différence est qu’elle n’est pas apparue à tous avec la même acuité. (…)

« De lois, on a tout ce qu’il faut ; il faut des moyens » Marc Trévidic, juge anti-terroriste

Des solutions déjà en vigueur
Depuis hier, nous sommes en régime d’état de siège. Franchement, avec l’apprenti caudillo et anti-musulman Valls, il y a de quoi se faire peur.
Et on assiste à une surenchère de propositions quand aux mesures d’exceptions qu’il faudrait prendre pour lutter contre le terrorisme. Expulser les imams radicaux ? Sans les punir ? Si nous savons qu’ils sont radicaux, c’est qu’ils ont poussé au djihad, oui ou non ? Dans ce cas, l’article 421-2-4 de la loi n°2012-1432 du 21/12/2012 stipule : « Le fait d’exercer des pressions sur [une personne] afin qu’elle participe à un groupement ou une entente ou qu’elle commette un acte de terrorisme est puni, même s’il n’a pas été suivi d’effet (c’est moi qui souligne), de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende ».
A combien d’imams cet article peut-il s’appliquer ? Sans doute des centaines.
Parmi eux, un que nous connaissons fort bien : l’imam Hassen Chalghoumi, qui, selon la police nationale, aurait prêché le djihad au foyer Sonacotra de Bobigny en 2004, disant, dans son Français approximatif :  « celui qui va mourir au Djihad ira en direction du paradis ». Pourquoi un type comme lui vient-il au journal de 20h et publie-t-il un livre avec Pujadas ? Pourquoi est-il érigé en interlocuteur des Institutions et des autres cultes de France ? Cela suffit à discréditer tout ce qui est dit, promis et annoncé depuis hier.
Voici les propositions disparates des uns et des autres, sans qu’on puisse y distinguer un fil conducteur et une logique d’ensemble. Parmi elles, beaucoup sont déjà en vigueur :
. la fermeture des mosquées salafistes et déchéance de nationalité pour les binationaux radicalisés (Marine Le Pen) ;. l’expulsion des imams radicaux non français, (10 l’ont été en 2014, 4 cette année) ;
. la déchéance de nationalité pour les binationaux (21 depuis 1990). Que fait-on des nationaux qui ne font pas allégeance à « leur » pays ? On les garde, donc double peine pour la France ?
. l’interdiction administrative d’entrée sur le territoire. Seuls cas connus, quatre prédicateurs radicaux ont été interdits d’entrée pour participer au congrès de l’UOIF en 2012 ; ils sont revenus les deux années suivantes sans problème !
. le gel des avoirs ;
. l’interdiction des réunions publiques (légale, jamais appliquée) ;
. la dissolution d’associations cultuelles. Un cas connu, le groupuscule islamiste Forsane Alizza, qui projetait des attentats en France, dissous le 1er mars 2012 ;
. la suppression des prestations sociales des djihadistes. Appliquée à 290 personnes parties en Syrie… Sans risque puisque les prestations sociales sont liées à la résidence en France ! En revanche, cette mesure n’a jamais été appliquée à un polygame. Au contraire : les CAF, comme les HLM, gèrent la polygamie grâce à la fiction des « manages monoparentaux ».Proposition(s) nouvelles(s) : UNE, la création de centres de rétention.

    (Suite) Ceci étant dit, où commence l’exception ? L’exception commence quand la menace est continue. Un délinquant de droit commun isolé amené à tuer, s’il est lui-même tué, ne tuera plus. La menace qu’il constitue pour la société disparaît avec lui. L’élimination du même délinquant de droit commun amené à tuer, s’il fait partie d’une association de malfaiteur, ne fait pas disparaître la menace puisque ses complices sont toujours à même de prendre le relais. C’est pour cela que les actes commis dans le cadre d’une association de malfaiteurs sont plus gravement punis et c’est pour cela que l’appartenance à une entreprise criminelle ou appartenance à une association de malfaiteurs constitue à elle seule un crime (au sens juridique du terme) passible de la même peine que le passage à l’acte. Ceci est déjà une première exception, dans un système judiciaire où la responsabilité collective n’existe pas et où chaque individu n’est responsable de ses propres actes.

    Je ne pousserai pas la réflexion plus loin puisque nous avons là le cadre dans lequel nous pouvons agir : pas d’arbitraire mais l’exception. La question qui se pose est : est-ce applicable pour les actes terroristes ? Autrement formulé, précisé et actualisé, alors que les huit auteurs de la tuerie du 13 novembre 2015 sont morts et, par conséquent, définitivement neutralisés, est-ce que les mêmes tueries sont susceptibles de se répéter ? La réponse est oui. Donc, le régime d’exception qu’est la notion d’appartenance à une entreprise criminelle peut s’appliquer (pour en savoir plus, lire).

    Mais ce n’est, à ce stade, qu’une question de principe déjà tranchée par le droit. Vient alors une série de questions en apparence secondaires mais fondamentales en réalité, relatives aux modalités d’exploitation des possibilités données par le droit pour : 1° mettre hors d’état de nuire des personnes déjà signalées comme membres de la « mouvance djihadiste » ; 2° repérer et neutraliser celles susceptibles de passer à l’acte. Le cadre juridique étant en place[1], jusqu’à quel cercle de proximité des terroristes potentiels déjà signalés, c’est-à-dire faisant l’objet d’une fiche « S » pour “Sûreté de l’État”, nos service de sécurité peuvent-ils élargir leur vigilance et leurs recherches ?

    Viennent ensuite les questions relatives aux mesures à prendre, selon le degré d’implication des intéressés dans la mouvance djihadiste, pour empêcher les amateurs de tueries de passer à l’acte ou d’y aider. De ce point de vue, à l’évidence, la comparaison avec la bataille d’Alger que j’ai risquée dans mon article n’est pas tout-à-fait pertinente. Les deux situations diffèrent sur plusieurs points. Le premier est que, en arrivant à Alger en janvier 1957, Massu trouva un vaste réseau parfaitement constitué et « comme un poisson dans l’eau », selon la formule consacrée, dans la population musulmane, de la Casbah, notamment.

Aujourd’hui, nous avons affaire à des groupuscules épars qui bénéficient à l’évidence de complicités dans quelques îlots de  peuplement musulmans mais il n’est pas raisonnable de parler de (…)

(Suite) réseaux, ni de complicité générale. Un phénomène confirmé par l’information du jour selon laquelle les tueurs de vendredi sont venus de Molenbeek, en Belgique. C’était déjà le cas d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Cacher de Vincennes, de Mehdi Nemmouche, l’auteur de la tuerie du Musée juif de Belgique, et d’Ayoub El-Khazzani, pris avant d’avoir pu passer à l’acte dans un train Thalys reliant Amsterdam à Paris en août dernier.

    La deuxième différence tient aux modalités d’action des tueurs du FLN : à Alger, assassinats individuels et pose de bombes artisanales. De ce point de vue, les terroristes actuels sont autrement armés, c’est le cas de le dire. Ils disposent non seulement d’un arsenal de guerre impressionnant dont ils usent sans discernement mais aussi d’explosifs d’autant plus efficaces qu’ils les contrôlent du plus près puisqu’ils se font exploser avec. D’où les monstrueux bilans : 132 morts et 349 blessés dont 96 dans un état critiques. A comparer à celui du l’attentat le plus meurtrier de la bataille d’Alger, au Stade d’El Biar avait fait 10 morts et 34 blessés ; celui du casino de la Corniche, 10 morts et 92 blessés.

    Enfin, les moyens technologiques à la disposition des enquêteurs étaient, à Alger, quasi rudimentaires en comparaison de ceux d’aujourd’hui. Pour surveiller quelqu’un, par exemple, il fallait le suivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Aujourd’hui, les écoutes téléphoniques permettent de « loger » (situer) en temps réel non seulement les gens soupçonnés de préparer une action mais aussi leurs contacts, ce, en suivant leurs conversations. Par ailleurs, les fichiers ADN permettent d’exploiter beaucoup plus rapidement les indices collectés lors des actions terroristes. Dès lors, l’engagement physique des forces publiques peut être mieux ciblé et concentré sur les suspects les plus dangereux d’entre eux.

Pour agir, nul besoin d’état d’urgence ni de lois d’exception

    On peut tirer de ces éléments une conclusion générale : compte tenu de la facilité avec laquelle les terroristes peuvent agir et des formidables dégâts humains qu’ils provoquent, il faut engager beaucoup d’effectifs et les concentrer sur le décryptage des informations déjà collectées. En effet, la plus grosse partie du travail est déjà fait. Il a donné lieu au fichage de plus d’onze mille personnes « proches de la mouvance djihadiste » (affecté d’une fiche « S »). C’est sur ces onze mille personnes, toute suspectes car elles constituent le vivier dans lequel ont été puisés tous les terroristes passés à l’acte depuis Mohamed Merah, qu’il faut concentrer les moyens. Or, puisque la Justice française ouvre systématiquement une procédure judiciaire avec détention provisoire sur les apprentis djihadistes ayant fait le voyage de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan de retour des zones sensibles, et puisqu’on en renvoie certains là d’où ils viennent, on peut parfaitement en faire de même pour les plus dangereux des 11 000 individus signalés. Ce, dès maintenant car le cadre juridique existe ; nul besoin d’état d’urgence ni de lois d’exception.

    Des camps d’internement , que nous appellerons « centre de rétention » pour ne pas effaroucher les âmes sensibles[2], s’imposent à l’évidence. Là, la Justice pourrait travailler en espace clos et déconnecté des influences extérieures, à déterminer qui peut être libéré, qui doit aller en prison et qui doit être privé de ses droits nationaux et expulsé vers un pays plus conforme au modèle de société de ses rêves. Ce sont d’abord des enquêteurs et des hommes de loi qu’il faut recruter.

Des mesures concrètes et discrètes au lieu de grands moulinets

    Quid de ceux qui seraient restés dehors car non signalés ? Le milieu social, les fréquentations des 11 000 signalés sont évidemment à surveiller. Pour cela, le mieux est d’avoir des gens à soi au sein même de ce milieu. On aura en effet remarqué que la plupart des tueurs sont des délinquants islamisés en prison. C’est d’ailleurs un trait que le terrorisme d’aujourd’hui a en commun avec celui de la bataille d’Alger[3]. Yacef Saâdi et Ali la Pointe étaient des petits truands et des proxénètes. Cela tient à ce que l’extrême danger mobilise des gens jeunes dénués de surmoi et dotés d’un fort taux de testostérone. Rien de mieux, donc, pour combattre l’ennemi que de procéder comme lui : recourir au milieu délinquant, soit pour y entretenir des informateurs, soit pour former des unités chargées de l’immersion et de l’entrisme, comme ce fut le cas pendant la bataille d’Alger avec les « Bleus » du Groupe de renseignements et d’exploitation (GRE), puis dans la lutte contre le FLN en Métropole avec la Force de police auxiliaire (FPA), autrement dit les « Harkis de Paris ».

    Quant à l’entourage familial des islamistes radicaux, l’expérience montre qu’il est souvent, sinon complice de leurs agissements, du moins impliqué dans leurs engagements. De ce point de vue, les femmes (mères et sœurs) sont particulièrement présentes. Comme celles des jeunes délinquants, elles couvrent le plus souvent leur progéniture ou leur fratrie. On l’a vu dans les dernières affaires, les proches des tueurs font quasi systématiquement mine de tomber des nues lorsqu’ils « apprennent » leur radicalisation. Mais le masque finit toujours par tomber.

    Ce sont des mesures concrètes qui répondent aux exigences du terrain. Tout cela coûte cher, paraît-il. J’ai entendu le Ministre Cazeneuve parler de plusieurs centaines de millions d’€uros. Il se trouve que je me suis livré à une petite estimation du coût du terrorisme à partir d’études des Assureurs français. En voici le résultat en deux données. Au bas mot, l’attentat de vendredi a coûté (hors lutte contre de terrorisme) 215 millions d’€uros… en quelques heures. C’est l’équivalent de la production en valeur de 2 100 agents de la force publique, tous grades et toutes fonctions considérés, en un an. Je laisse au lecteur le soin de conclure.

_______________
[1] Le seul fait d’être en relation avec des personnes visées par la loi anti-terroriste est passible de la loi.
[2] Le camp d’internement n’est pas un camp de concentration destiné à des gens qu’on maltraite pour ce qu’ils sont. Ce n’est pas non plus un camp hors-la-loi où un pays parque des gens dont on il a honte qu’ils ont combattue fidèlement pour lui, comme la France le fit des Harkis. Ce n’est pas non plus un endroit – là aussi soustrait à la loi – où des sadiques peuvent satisfaire leurs pulsions racistes en humiliant et torturant des gens entravés, comme les Américains le firent à Abou Ghraïb et comme ils le font encore à Guantanamo.
[3] L’occupation aussi a vu des truands recrutés dans les deux camps, celui de la Milice et celui de la Résistance.

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3 réponses à Cinq cents victimes en trois heures ; et maintenant ?

  1. Robert dit :

    En résumé, Kader, il faut maintenant une forte volonté politique d’agir contre le terrorisme, après avoir suscité ce dernier, et sans se contenter d ‘ effets d’annonces ! Je ne suis pas optimiste…

  2. domichel dit :

    des actes des actes des actes ………….Stop à l’indécence, aux parlottes et palabres de tout poil……………….. la population Française est en danger de mort dans tout l’hexagone………………………..les politiques au TAFF derrière leur bureaux et pas derrière les micros .

    les urnes parleront en décembre ……….

  3. Merci encore Kader, tu vois clair et ce que tu découvres tu te donnes les moyens de le faire connaitre au plus grand nombre. Voilà des années que je pense, que je dis et écris, que la 3me guerre mondiale est commencée. Le Pape lui même l’aurai déclaré il y a peu de temps ce qui donne à sa parole plus d’audience et de crédit que la mienne. Or non seulement dans cette montée du terrorisme et de la barbarie de DAESCH les voix des politiques, d’une grande partie de la presse, ne se sont pas faites entendre, mais bien pire , pour des gouvernants ou politiques lâches, pire qualifiables de complicité passive, il fallait faire silence sur tout ce qui ne pouvait qu’inquiéter le bon peuple … Aujourd’hui, ces lâches ou autistes découvrent ce qui n’était qu’évidence… Les mesures décidées ou acceptées aujourd’hui auraient dû l’être depuis bien longtemps. Il y a quelques semaines, quelque mois que Nicolas Dupont Aignan reçu par le chef de l’état dans le cadre d’une grande consultation des partis, avait préconisé, demandé, que l’état d’urgence soit décrété. Il n’a pas été suivi, pire, d’aucuns se sont plu d’en sourire et d’accabler l’auteur d’une proposition aussi sensée. Aujourd’hui ils applaudissent à ce que le président qui commence seulement à comprendre, met en oeuvre : l’état d’urgence. Que de temps perdu ! Que de victimes auraient pu être épargnées.

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