En Marche ! Mais vers quoi ?
Cette saillie n’est pas de moi mais de Sonia Mabrouk, la pertinente présentatrice du journal de 22h de Public Sénat dans son émission On va plus loin qui suit le journal avec, mercredi dernier, Jean Peyrelevalde, l’ancien Président du Crédit Lyonnais. La question a arraché un sourire à un invité qui en est avare mais elle est restée sans réponse.
Des réponses, les médias n’en sont pas avares, eux. Depuis deux jours, la politico-médiasphère se repaît de ce nouveau thème de masturbation intellectuelle à sens unique : l’association entre « les deux hommes politiques préférés des Français » (sic) va tout casser, selon elle. Dans le genre panégyrique, on a évidemment eu droit jeudi après-midi au festival C dans l’air. On m’excusera si j’ai raté quelque chose de l’émission (ce qui ne m’étonnerait pas car, en ce moment, j’ai d’autres chats à fouetter que d’écouter des cireurs de pompes payés par les contribuables dire du bien de ceux qui envoient la France dans le mur), mais je ne me souviens pas y avoir entendu quoi que ce soit qui puisse faire la moindre peine à la nouvelle coqueluche des médias.
Pour faire bon poids, on lui a associé celui sur lequel les mêmes médias, quand ils étaient encore « progressistes » (ce qui veut dire « cocos » en Français), crachaient à qui mieux mieux : Alain Juppé. Le plus amusant fut d’entendre, en boucle et sur toutes les chaînes de télé, Raffarin se réjouir de ce que, selon lui, ce sont les socialistes qui se droitisent alors que c’est en réalité toute la pseudo-droite (ne parlons même pas du « centre », qui est toujours là où se trouve la gamelle) qui est rougie jusqu’à l’os.
Plus sérieusement, et parce que ce n’est évidemment pas pour faire mon Canard enchaîné conservateur que j’écris cet article, nous assistons – mais cela ne sera dit nulle part ailleurs – à deux phénomènes qui vont très bien ensemble : la reconstruction du paysage politique autour de la question de la construction contre le gré des Peuples d’une Europe-préfecture des États-Unis et la main-mise officielle des Atlantistes sur le pouvoir en France. Pour dire les choses à la manière de Chirac version « appel de Cochin », le « parti de l’étranger » se sent assez solidement établi sur ses bases pour sortir du bois.
En effet, qu’est-ce qui relie Macron à Juppé ? Le programme Young Leaders de la French American Foundation. De simple association créée il y a trente ans par les Présidents Giscard et Ford pour rapprocher la France et l’Amérique (sans mettre la première sous la coupe de la seconde), la French American Foundation est devenu un lobby pro-américain assumé et surpuissant. De dénicheuse, à ses débuts, de talents déjà affirmés, elle est devenue, au fil du temps, d’abord une pépinière de ministres et d’agents d’influence puis, carrément, un passage obligé pour qui veut avoir une chance d’accéder au pouvoir. Juppé, qui avait déjà 36 ans au moment de son passage aux Young Leaders, relève de la première version ; Macron est un pur produit de la dernière.
Mais Emmanuel Macron semble, de plus, appartenir à une nouvelle espèce de Young leaders : celle des créatures du lobby atlantiste. Le prodige, qui a tout de même (ce qui rassurera les cancres) échoué une fois, au concours d’entrée à l’École normale supérieure, a fait Sciences-Po et l’ENA, comme tout le monde. Inspecteur des Finances en 2004, il entra chez Rothschild quatre ans plus tard sur recommandation de Jacques Attali, ce qui lui permit de faire fortune et de se voir propulsé Rapporteur général adjoint de la Commission du même nom. Macron fait partie de la promotion 2012 des Young leaders après un an de « stage » seulement, la plupart des récipiendaires en faisant deux. Il faut croire que son passage par la maison Rothschild constitue un passe-droit particulièrement efficace.
Évidemment, on voit mal le petit Macron se présenter à la Présidentielle de 2017 ; il est évident, en revanche, qu’il se prépare pour 2022. En attendant, en bon jeune homme bien élevé, il cède le pas à l’aîné Juppé avec sans doute, en échange, Matignon pour lui-même. Mais, ça, c’est l’écume de la politique, la cuisine, comme on dit, celle qui fait les délices des télés et de C dans l’air. Il y a là derrière quelque chose de bien plus important sur lequel aucun médias officiel ne s’attardera.
Tout indique en effet que le grand ripolinage de la politique française a commencé. Pour rester au pouvoir, la mouvance mondialiste, atlantiste, antinationale, communautariste, immigrationniste, libertarienne pour les mœurs et liberticide pour la citoyenneté, cette mouvance qui gouverne en réalité depuis 1993 avec pour seul cap la destruction de la France et la déconstruction de sa civilisation au profit d’une Europe apatride inféodée à l’Amérique, pour rester au pouvoir, cette mouvance qui va de Hollande à Sarkozy, juge que le temps est venu de baisser les masques. Le lobby atlantiste se sent assez fort pour agir dorénavant à visage découvert. C’est cela qui est en marche.
De fait, Juppé, Macron et les autres ont de bonnes raisons de se croire intouchables ; cela fait maintenant trois législatures que les enfants de la French american foundation sont aux manettes. L’année 1981 fut celle du passage de Juppé aux Young leaders où il eut pour condisciples Michel Bon (Crédit national, Crédit agricole, Carrefour, Agence nationale pour l’emploi, France Télécom où il fut nommé par… Juppé), Sylvie Dreyfus (Lagardère), Bernard Guetta (qui prêche chaque matin sur France Inter contre Poutine), Jean-Claude Guillebaud (le Monde, le Nouvel Obs et Reporters sans frontières, qu’il a cofondée avec Rony Brauman), François Henrot (France Télécom, Paribas, Rothschild), qui a recommandé Macron à Rothschild, Francois Léotard (Ministre de la Défense), Alain Minc (expert multi-cartes omniscient et ubiquiste), Christine Morin-Postel (retenez votre souffle : Lyonnaise des Eaux, Société Générale de Belgique, Compagnie de Suez, Veolia Energy North America, ALCAN, Rio Tinto France, Groupe Bruxelles Lambert, British American Tobacco, Royal Dutch Shell, entre autres), Pierre Richard (fondateur et responsable de la déconfiture de Dexia qui coûte 6,6 mds€ aux contribuables français et le double aux Belges).
A partir de 1985 on voit se multiplier les agents du lobby américain au plus haut niveau de l’État, des stars du CAC40 et, surtout, des entreprises publiques françaises. Les premières années, les Young leaders sont noyés dans la marée d’atlantistes qui squattent les gouvernements Chirac de 1986 (2 : Juppé et Léotard) et, surtout, ceux de Balladur 1993 (3 : les mêmes + Toubon) et de Juppé 1995/1997 (3 : Juppé, Toubon, Raoult). Mais leur nombre augmente chaque année, y compris, dorénavant, dans les gouvernements dits « de gauche » (il y en avait déjà eu deux dans les gouvernements Cresson (1991) et Bérégovoy (1992) : Frédérique Bredin et Jean-Noël Jeanneney. Avec Jospin, on a droit à Alain Richard à la Défense et Pierre Moscovici aux Affaires européennes. Curieusement, il n’y en a aucun dans les Gouvernements Raffarin de 2002 à 2005 et Villepin 2005-2007. Mais ils reviennent avec ceux du sourcilleux patriote et séguiniste François Fillon de 2007 à 2012 (Juppé, Pécresse, Kosciusko-Morizet, Wauquiez, Bougrab) ; on peut imaginer que Sarkozy, qui s’était précipité (comme Hollande) chez Bush pour se désolidariser du discours de Villepin à l’ONU en 2003, n’ait pas laissé à son « collaborateur » de Matignon la moindre chance de s’y opposer. Puis c’est la présidence Hollande et les ministères Ayrault (le Président lui-même + 5 ministres : Montebourg, Pellerin, Touraine, Vallaud-Belkacem, Moscovici) et, surtout, le Gouvernement Valls (les mêmes moins Moscovici + E. Macron et M. Fekl). Y ajouter Aquilino Morelle, qui fut conseiller de Jospin à Matignon puis de Hollande à l’Élysée.
Au vu de ces parcours, je suis curieux de voir ce que serait un gouvernement Macron sous la présidence de Juppé. Combien y aura-t-il de Young leaders[1], en plus du Président et du Premier Ministre ? Vingt, vingt-cinq ? Et combien pour PDGérer les grandes entreprises contrôlées par l’État ou les anciens membres de cabinets ministériels UMPSistes[2] ? Jusqu’à présent, on n’en compte « que » seize : Air France-KLM, AIRBUS Areva, AXA, Banque publique d’investissement, DEXIA, EADS, Banque de France, KERING (ex-Groupe Pinault), Orange, La Poste, Laboratoires Mérieux, Lazard, Rothschild & Cie, SACEM. Combien à la tête des médias, comme c’est déjà le cas pour Le Monde, le Huffington Post, Le Parisien, Libération, les Inrockuptibles, ARTE, Lagardère Active, Euro RSCG, Rue89, Valeurs Actuelles ? Etc.
Il va sans dire que la plupart des gens qui œuvrent pour un monde mondialisé sous la férule de l’Amérique sont passés par les autres pépinières de la « République »: l’ENA et Sciences Po. Enfin, beaucoup sont membres d’autres groupes de pression ou « d’influence », comme on dit pudiquement au Siècle.
Le dispositif Young leaders est tellement efficace que la FAF a créé un programme Jeunes espoirs. Le site de la fondation le présente ainsi : « Créé en 2012, le programme d’échange « Jeunes Espoirs » répond à un triple objectif : permettre à de jeunes lycéens à haut potentiel de réussite et issus de milieux défavorisés d’acquérir une ouverture internationale à travers la découverte des États-Unis et de la France, de son histoire et de sa culture. » On remarquera la faute de syntaxe de la fin (« la découverte des États-Unis et de la France, de SON histoire et de SA culture » au lieu de LEUR histoire et LEUR culture). A moins que les auteurs soient conscients que les mots « histoire » et « culture » s’appliquent à la seule France ? Bientôt, elle ira recruter en maternelle, comme la franc-maçonnerie à l’Éducation nationale qui veut, dès deux ans, « extirper de l’esprit des enfants la mauvaise influence des parents » (Vincent Peillon).
La sortie à découvert des Young leaders a pour but de conserver et conforter le pouvoir des promoteurs du projet antinational de remplacement des Nations par une Europe apparemment souveraine mais en réalité inféodée à l’Amérique. Pour cela, il s’agit de regrouper les deux pôles – celui « de droite » et celui « de gauche » – qui jusqu’ici gouvernaient en alternance pour occuper le centre de gravité de la vie politique française en marginalisant la vraie gauche et la vraie droite. Face à eux, on trouve le FN, une formation apparemment puissante mais en réalité paralysée par les institutions et par sa propre incapacité à répondre vraiment aux défis du présent. Ce, nonobstant les embrouilles dans lesquelles il se complaît tout comme les partis concurrents qu’il dénonce.
Hormis le FN, il n’y a que des groupuscules de droite ou de gauche dont le rôle est, en réalité, d’occuper l’espace pour empêcher l’émergence d’un mouvement citoyen authentiquement de droite capable de ramener aux urnes les 20 millions d’électeurs écœurés par la confiscation de la politique et des richesses du pays par une coalition de lobbies prédateurs. Les plus significatifs – ou, plutôt, les moins insignifiants – sont le Front de gauche de Mélenchon et son pendant à droite Debout la France. Je ne dis rien du premier parce qu’il n’y a rien à en dire. En revanche, sur le second, je remarque que son chef, Nicolas Dupont-Aignan, a exactement le même parcours que les nombreux personnages dont il vient d’être question : Sciences Po, ENA, cabinets ministériels et… programme Young leaders de la French american foundation !
Va comprendre, Charles ! Ou, plutôt, tout s’explique !
Alors, il n’y a pas d’issue ? Si, un mouvement citoyen authentiquement de droite dont l’objet est la conservation des acquis d’une civilisation vieille de 2 500 ans dont la France est l’héritière et la dépositaire. Ce mouvement, ce ne sont évidemment pas les rassemblement festifs au cours desquels des bobos et des intermittents du spectacle lancent des slogans aussi creux que leurs cervelles mais complaisamment relayés par les médias aux ordres. Là aussi, il s’agit d’amuser la galerie pendant que les vautours continuent de dépecer la France.
Le mouvement citoyen dont il est question, c’est Peuple & Nation.
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[1] Pour obtenir la liste exhaustive des Young leaders sur le site de la FAF.
[2] Voir ici la liste longue comme le bras des entreprises publiques qui financent la FAF (cliquez sur chacune des rubriques du menu).
Vous avez mille fois raison, Kader, d’attirer l’attention sur la FAF, instrument de pouvoir discret mais (surtout !) de plus en plus efficace. Oui, l’inféodation de la France et de l’ Europe aux US a encore de beaux jours devant elle !
Attendez de voir qui sera le Président des US…Parce que si c’est Trump, il fermera son pays à triple tours…Si, si……