Avec la mort de Georges Lautner, les Harkis perdent un ami discret.
Georges Lautner est mort. Pour beaucoup de Français, c’est un grand cinéaste, à la fois adulé et pas pris au sérieux, comme c’est souvent le cas dans notre pays où les artistes populaires ne sont pas reconnus jusqu’à ce que, vers la soixantaine, on les dise « cultes » (une formule qui m’énerve !) par snobisme. Lautner, c’est , pour tout le monde, « Les tontons flingueurs » et la série des « Monocles », c’est Jean Gabin et Paul Meurisse ; c’est, plus encore, Bernard Blier, Mireille Darc, Michel Audiard et Lino Ventura. Pour quelques-uns dont je suis, c’est aussi et au moins autant La route de Salina, l’un des derniers films de Rita Hayworth, avec la sublissime Mimsy Farmer et la très belle musique de Christophe (The girl from Salina).
Georges Lautner, ce fut pour moi un instant d’émotion absolue lorsque, dans l’émission « Qu’avez-vous fait de vos vingt ans ? » de Christine Ockrent, il dit de 1962 que c’était pour lui l’année honteuse de l’abandon des Harkis et de la perte de l’Algérie française. Après la mort d’Alain Mimoun et celle d’Hélie Denoix de Saint-Marc cet été, et pour des raisons identiques, c’est seulement la troisième fois que j’ai de la peine à voir partir un être qui ne connaît même pas mon existence.
Pour moi, le deuil des célébrités qui ont servi de repères à ma vie a commencé avec la mort de Léo Ferré en juillet 1993, très vite suivie de celle de Frank Zappa en décembre de la même année. Depuis lors, j’ai eu l’impression que « ça » tombait comme à Gravelotte, tant le rythme des disparitions me paraissait effréné. Ces derniers mois, j’ai été touché par la mort[1] de Kevin Ayers à Montolieu, un petit village de l’Aude où il résidait et de J.J. Cale. Mais je trouvais cela normal ; j’étais touché mais je n’avais pas de peine. Pour Georges Lautner, si.