Après SFR, Alstom : quand Montebourg s’occupe d’un dossier industriel, gare aux dégâts. Aujourd’hui, les aspects politique et économique. Demain, le point de vue polémique.
Affaire Alstom : Bouygues a du fil à retordre avec Montebourg.
Cette fois, le trublion risque de tomber sur un os.
Nicolas Sarkozy avait deux amis : Martin Bouygues et Vincent Bolloré. Ces deux-là, qui ne se font pas de cadeaux, se sont opposés sur l’affaire SFR, que le second, principal actionnaire de la maison-mère Vivendi, est en train de vendre à un tiers alors que le premier lorgnait dessus (lire). Une fois son forfait accompli (il n’était pas seul mais c’était lui le meneur), Vincent Bolloré s’est défaussé et s’est mis au vert pour savourer la perspective d’une formidable plus-value pour lui-même et ses complices. Le ministre Montebourg s’était, pour amuser la galerie et prendre date pour le cas où l’affaire tournerait au vinaigre, ce qui est probable (lire), beaucoup agité contre cette opération.
Cette fois, c’est contre l’autre ami de Sarkozy que le ministre-trublion se déchaîne. A croire que sa mission au gouvernement est de marquer l’ancien président de la République à la culotte par amis interposés. Le problème est que Martin Bouygues a, compte tenu du lâchage évoqué plus haut, assez de munitions pour servir sa rancune et renvoyer l’agresseur dans les cordes. Montebourg s’en prend donc au président d’Alstom. C’est ainsi qu’on a assisté mercredi après-midi, au cours des questions au gouvernement de l’Assemblée nationale, à une hallucinante charge du Ministre de l’économie contre Patrick Kron. Traitant l’ancien major de Polytechnique de menteur, Montebourg lui a reproché de n’avoir pas obtempéré à ses demandes réitérées (à vérifier) d’information alors que les négociations avec General Electric étaient déjà engagées. A croire qu’il suffit de se comporter en petit marquis arrogant pour que chacun plie. Scandaleuse sur la forme, la charge est de plus parfaitement inappropriée sur le fond.
De quoi je me mêle ?
L’Etat a moins de 1% des actions (flottantes) d’Alstom. Il n’y a donc pas voix au chapitre. Invoquer, comme le fait le ministre, les intérêts stratégique de la France, est une pure fumisterie. Si les intérêts stratégiques de notre pays sont en jeu, alors, nos gouvernements successifs sont fautifs, depuis des années, de ne pas s’être donné les moyens de les défendre. Cette possibilité avait été prise en 2004 avec l’acquisition de plus de 21% du capital de la société mais c’était pour l’empêcher de couler. Que n’a-t-on gardé le contrôle de la société ? Au lieu de quoi, tout était revendu moins de deux ans plus tard, avec une très belle plus-value pour l’Etat, d’ailleurs (on parle d’1,26 md€). A qui ? A l’ami Martin Bouygues, qu’on fut alors bien content de trouver pour devenir le plus gros actionnaire d’une société empêtrée dans une série d’affaires de corruption, peu rentable et hyper endettée, à laquelle les spécialistes ne prédisaient pas – déjà ! – de survivre bien longtemps. Songez que l’action Alstom a chuté de 600 € (six-cents) en 1 998 à 27 avant les rumeurs de vente puis 29,52 € mercredi après une suspension de cotation de quatre jours.
L’ État a moins de 1% des actions (flottantes) d’Alstom. Il n’y a donc pas voix au chapitre. Invoquer, comme le fait le ministre, les intérêts stratégique de la France, est une pure fumisterie. Si les intérêts stratégiques de notre pays sont en jeu, alors, nos gouvernements successifs sont fautifs, depuis des années, de ne pas s’être donné les moyens de les défendre. Cette possibilité avait été prise en 2004 avec l’acquisition de plus de 21% du capital de la société mais c’était pour l’empêcher de couler. Tout était revendu moins de deux ans plus tard avec une très belle plus-value pour l’État (on parle d’1,26 md€). A qui ? A l’ami Martin Bouygues, qu’on fut alors bien content de trouver pour devenir le plus gros actionnaire d’une société empêtrée dans une série d’affaires de corruption, peu rentable et hyper endettée, à laquelle les spécialistes ne prédisaient pas – déjà ! – de survivre bien longtemps. Songez que l’action Alstom a chuté de 600 € (six-cents) en 1 998 à 27 avant les rumeurs de vente puis 29,52 € mercredi après une suspension de cotation de quatre jours.
Un projet industriel pertinent.
Tous les spécialistes conviennent de la pertinence de l’opération. 1°/ Le « sauvetage » de 2004 n’était qu’un sursis. Alstom, plombée par son endettement et par la raréfaction de ses marchés, devait se redéployer d’une manière ou d’une autre. 2°/ Avec ses 20 mds€ de chiffre d’affaire, Alstom était condamné, même s’il avait été rentable, à s’adosser à un groupe plus puissant pour affronter un marché mondial difficile. Le leader mondial du secteur, General Electric, avec lequel il travaille depuis 2004 et emploie 12 000 personnes en France, était tout indiqué pour ce rapprochement. 3°/ Alstom, spécialiste des centrales à charbon, hydrauliques et électriques, est parfaitement complémentaire avec General Electric, plutôt spécialiste des centrales à gaz et à pétrole dont il détient 48% du marché. 4°/ Contrairement à Siemens, qui n’avait pas de projet de ce genre, General Electric VEUT acheter les activités d’Alstom qui intéressent ses métiers. Dernier argument : les investisseurs doutent tellement de la pertinence d’une implication de Siemens dans cette affaire que, depuis que l’entreprise allemande est apparue dans le débat, son action a perdu plus de 5% en quelques jours.
Accessoirement, Martin Bouygues, l’actionnaire de référence d’une société dont les activités ne correspondent pas à ses propres métiers, VEUT vendre. Le plus formidable, dans l’histoire, est qu’il ne dit rien, et pour cause : en fin de compte, il fera ce qu’il voudra car c’est lui qui détient les clefs de dossier. Certes, Patrick Kron occupe l’espace et promet de différer la décision malgré le vote unanime, mercredi soir, du conseil d’administration d’Alstom en faveur de General Electric. Mais, le moment venu, c’est Bouygues qui décidera. Je ne crois pas que, instruit par l’affaire de l’achat raté de SFR, il se laisse de nouveau berner. A moins que Montebourg ait et sorte « des dossiers » ? Mais, dans ce cas, c’est tout le monde qui pourrait trinquer. (A suivre)