La France en guerre

La guerre n’est pas la fin de la diplomatie mais sa continuation par d’autres moyens

bombardement_rafale_01    On nous dit que la France est en guerre. De fait, c’est vrai ; de jure, c’est faux. Que Hollande, sa bande, ses complices et ses porte-voix continuent de le proclamer à longueur de journée  en profitant de la servilité de médias patentés et aux ordres n’y changera rien. La guerre de Syrie n’est pas la guerre de la France ; c’est celle des dangereux atlantistes qui servent de bras armé à ce que l’Amérique a produit de plus dangereux pour la paix du Monde. Des maîtres qu’ils ont d’ailleurs dépassés en agressivité et en bellicisme puisque la France est la dernière grande puissance à poser des conditions irraisonnables aux négociations de paix.

    Faire la guerre à Daech, c’est jeter de l’eau sur le feu syrien et retarder la survenue de la paix. Accessoirement, et nous venons de l’éprouver tragiquement, c’est importer chez nous un conflit qui ne nous regarde pas. Ce qui n’empêche pas, maintenant que le feu a pris, de tout faire pour l’éteindre y compris par les moyens les plus radicaux. Ecrivant cela, je vois déjà la mine consternée de certains de mes lecteurs. Alors, puisqu’il le faut, je vais répéter ce que j’ai écrit dès le début de cette crise.

    Daech (que je ne nomme pas par la formule Etat islamique mais par son acronyme arabe dévalorisant et parlant, dahech voulant dire « bête sauvage ») est une entité terroriste mais c’est aussi un mouvement de résistance nationale à une agression étrangère suivie de la destruction d’un pays, l’Irak. Car, qu’on le veuille ou non, c’est cela, la réalité, non une atrocité apparue ex nihilo et qui se serait mise à égorger et à décapiter sans cause. Que ce mouvement de résistance à l’ennemi étranger se soit mis sous le parrainage d’une organisation terroriste islamiste internationale, Al Qaïda, ne change rien à l’affaire.

Daech n’a fait que remplir les vides causés par les Américains

    Quand il s’agit de chasser l’occupant, tous les nationalistes du Monde sont prêts à s’allier avec le diable lui-même. En vertu de quoi les officiers nationalistes du parti Baas vaincus et chassés de l’armée irakienne, ont rallié Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi alors qu’il n’était que Abou Du’a, le chef d’un groupuscule anti-américain, Jaysh Ahl al-Sunnah oua al-Jama’a, créé avec des tribus de sa région d’Al Anbar (à l’ouest de Baghdad, chef-lieu Falloujah) quelques mois seulement après l’invasion de l’Irak par l’armée américaine. Tout cela n’aurait pas été possible si les Américains, qui savent détruire, n’étaient absolument dépourvus de la moindre notion de ce que doit être un après-guerre. Al Qaïda étant l’entité la plus prestigieuse et la plus « performante », si j’ose dire, des organisations engagées contre eux, il était logique que les mouvements plus anonymes soient aspirés par lui. C’est donc tout naturellement que le groupuscule d’Al Baghdadi a rallié Al Qaïda, avec sa composante tribale et sa composante militaro-laïque baasiste.

    Le processus, que j’ai raconté dans mon article « L’Etat islamique : l’ennemi idéal« , a mené à la situation actuelle mais les fondamentaux de l’organisation sont restés les mêmes. La seule différence est que, à partir d’un groupuscule localisé, Al Baghdadi a créé, par le fait d’opportunités ouvertes par la bêtise des Occidentaux ou, plutôt, leurs calculs mesquins, une espèce d’hydre dont les têtes se multiplient à mesure qu’on les coupe. Un petit paysan irakien qui a fait des études coraniques faute de moyens pour faire du droit et n’ayant pour lui – mais cela s’avère un formidable atout – que d’appartenir à une tribu qui a vu naître le Prophète Mohamed, s’est hissé à la tête d’une organisation vue d’ici comme une machine à tuer mais qui est aussi, je le répète, et quoi qu’on dise de ses méthodes, un mouvement de résistance. Un mouvement qui a créé, qu’on le veuille ou non, un état[1]. Si ce n’était pas une réalité, les tribus se seraient coupées de lui et les anciens de l’armée de Saddam encore plus. Or, sans elles et sans eux, Daech ne serait rien.

    Si Daech est entré en Syrie alors qu’il n’était pas encore Daech mais nous utilisons ce terme par facilité, c’est que la chaos qui y a été fomenté par l’Occident lui en a ouvert la possibilité. Cela a permis aux tribus distribuées de part et d’autre d’une frontière syro-irakienne restée fictive pour elles, de renouer avec leur unité formelle. C’est donc tout naturellement que, l’ambition venant et l’occasion faisant le larron, Al Baghdadi y a vu l’opportunité de ressusciter le mythique califat. Doté d’un territoire, d’une administration, de ressources (qu’il gère selon les règles de l’art – Voir l’article déjà cité) et, surtout, d’une armée, Daech a tout d’un état. Alors, les observateurs peuvent faire la fine bouche et le dénigrer avec mépris et force sarcasmes, les politiques eux-mêmes peuvent lui dénier cette qualité et, même, lui faire la guerre ; le gouvernement français, qui, lui, a en charge non seulement les intérêts de la France mais, surtout, la sécurité de son peuple, n’a pas le droit d’en faire de même.

Même si on dénie à Daech le statut d’état, on doit faire comme s’il l’était

    « La guerre est la continuation de la diplomatie par d’autres moyens » (Clausewitz) mais elle n’est pas la fin de la diplomatie. C’est pour cela que toutes les sociétés du monde pratiquent l’immunité diplomatique. Même en temps de guerre, les diplomates sont intouchables. Car les peuples, qui sont sages, ne veulent pas se priver d’autres solutions que la guerre pour faire valoir leurs droits. « La guerre est la solution quand il n’y a pas d’autres moyens » ; je ne sais si cela a déjà été dit mais, si cela ne l’a pas été, cela aurait dû l’être. Surtout, la guerre n’est pas la seule solution. Autrement dit, Hollande ordonne des bombardements ; c’est peut-être bien, c’est peut-être mal, mais c’est à coup sûr insuffisant. Et c’est irresponsable, car les bombardements à Raqqa n’empêcheront pas les attentats. En tout cas, pas à eux seuls.

    Alors, je ne suis pas stratège mais il me semble que la configuration de Daech, que je viens de décrire, se prête à une offensive diplomatique discrète. La France n’a pas encore perdu l’immense crédit acquis par son refus de participer à la guerre d’Irak de 2003 et, bien avant, grâce à la « politique arabe » qu’elle pratique depuis… François 1er. Elle peut donc mener une véritable « guerre diplomatique » aux radicaux de Daech en essayant de planter un coin entre eux d’une part et, d’autre part, les combattants laïcs et les tribus. Pour que cela réussisse, il faut proposer un après-guerre, une paix, dans lesquels ils auraient leur place. Cela s’appelle faire de la politique. Je crains que ce soit loin non pas des capacités mais des buts et des préoccupations de nos dirigeants politiques, et hors d’atteinte de l’esprit de nos élites décérébrées. Mais sait-on jamais ?

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[1] Un certain Napoleone Buonaparte, qui ne parlait pas Français quand il est entré à l’école et qui n’était encore que sous-lieutenant d’artillerie quand sa carrière a commencé, a fondé un empire. Et quel empire !

Colonel M. Goya

Colonel M. Goya

Dernière minute : je viens juste, alors que je m’apprêtais à publier cet article, d’entendre au journal de 12h30 de France Culture, que j’écoute en podcast (« en pot de caste », dit l’excellent Philippe Meyer), une interview saisissante du Colonel Michel Goya, qui sait de quoi il parle. On se sent moins seul. La voici in extenso.

Il faut s’attaquer à ce qui a rendu Daech possible

Colonel Michel Goya : « Les frappes n’ont pas d’impact stratégique. Cela fait déjà 200 frappes françaises sur l’Etat islamique – l’ensemble de la coalition en a fait plus de 8 000 -, ce n’est donc pas cette frappe, même si elle est plus puissante que les autres, qui a un effet stratégique plus significatif. Mais elle a un effet symbolique. Il fallait réagir, montrer notre détermination ; c’était de toute façon la seule option dont nous disposions pour réagir très vite. C’est symboliquement fort mais stratégiquement insuffisant ! »

Question : Que faudrait-il selon vous pour que cette guerre contre Daech ait une efficacité plus manifeste que celle actuellement constatée ?

Michel Goya : Tout en restant dans le cadre de cette stratégie de frappe sur l’EI, de soutien aux forces locales, on peut être plus efficace en engageant plus de moyens, et pas seulement des moyens aériens – on imite les Américains, en réalité, qui ne veulent pas engager autre chose que des avions.

Si on agissait comme on le fait au Sahel, où on emploie des hélicoptères, des forces légères, des forces spéciales où on mène des raids de

multiples façons, on serait déjà beaucoup plus efficace militairement. Pour détruire Daech, il n’y a pas d’autre solution que d’aller sur l’Euphrate, d’aller à Mossoul, d’y planter des drapeaux. Pour l’instant, on attend (« on s’en remet aux » NDR) les forces locales.

Q. : Et qui va faire ça ?

Michel Goya : L’armée irakienne et les kurdes le font.

Q. : Et l’armée américaine ?

Michel Goya : Dans l’absolu, elles en sont tout à fait capables. Mais il n’est pas dit que les Américains en aient envie. Et, même, en termes d’effectifs, cela supposerait dix à vingt fois ce que nous avons fait au Mali » (27 000 hommes dont 22 000 Maliens – NDR).

Mais après, il faut s’attaquer à ce qui a rendu Daech possible ; à ce qui a fait que l’Etat islamique a pu prospérer sur le ressentiment, le désarroi de cette population arabe sunnite qui se sent encerclée et frappée de tous les côtés. Donc, il y a un volet militaire direct contre l’Etats islamique mais, après, et c’est peut-être le plus important, [il faut] un projet politique dans cette région. »

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3 réponses à La France en guerre

  1. Robert dit :

    Kader, vos articles devraient être repris par les médias nationaux… s’ils avaient réellement pour but d’informer et non pas de faire de la propagande ! Je suis accablé par le degré de méconnaissance de nos concitoyens en ce qui concerne les origines de la crise syrienne…

  2. domichel dit :

    c’est trop tard, le mal est fait ; nous ( les nains qui nous ont servi de responsables politiques) avons fauté par notre complexe de supériorité à vouloir nous ingérer dans ces pays du Moyen Orient pour donner des leçons de démocratie. etc etc… ces guerres (cultuelles, philosophiques, spirituelles, ethniques) qui ne devaient pas être les nôtres , nous les avons transposées maintenant sur notre territoire et en Europe comme chocs de civilisations et les flux migratoires qui en découlent en sont les justes conséquences Il va falloir serrer les f… et il arrivera un moment où même sur le territoire nous devrons prendre les armes. Hélas!
    A qui devons-nous adresser des prières pour éviter cela! je suis pessimiste mais sûrement encore dans l’émotion de voir notre jeunesse se faire tirer comme des lapins et entendre nos édiles ne parler que d’inconstitutionalité de futures réformes alors que nous n’attendons tous que des actes en vue de protéger nos enfants et le territoire français.

  3. ODIN dit :

    Exposé parfait. Mais question annexe : Le bombardement des rafales dans un pays souverain doté d’un Président légitimement élu qui à ma connaissance n’a pas donné l’autorisation de survol en dehors des russes. L’armée syrienne devrait donc abattre les rafales et même bientôt couler le Charles de Gaulle qui va leur servir de base d’attaque. Vous pouvez donc comprendre les imbrications consécutives aux décisions irresponsables de la bande des quatre. (Hollande, Valls, Cazeneuve, Taubira)
    La France invoque la légitime défense, celle-çi est-elle refusée à l’armée arabe syrienne ?

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