Et si on nommait vraiment les choses ?

Les tueurs de Paris portent un nom : hooligans.

Holligan    Le terme “hooligan” a, de nos jours, une connotation plus faible que ce qu’il signifie en réalité. C’est à cause du phénomène de violence dans les stades anglais qui s’est répandu dans toute l’Europe avant d’être quasi éradiqué grâce à des mesures de répression et de prévention exceptionnelles et dérogatoires au droit commun. Pourtant, je prétends que c’est le terme le plus approprié pour définir le processus psycho-social qu’on a vu à l’œuvre dans les attentats de Paris.

    Le mot est apparu pour la première fois en Angleterre à la fin du XXe siècle. Il fut forgé, ainsi que son extension “hooliganisme”, à partir du nom d’un immigré irlandais de Londres, Patrick Hooligan, souvent impliqué dans des affaires de violence. Toute l’Europe s’est emparé de ces néologismes mais ce sont les Russes qui les ont le plus et le mieux exploités pour désigner les fauteurs de troubles et les comportements asociaux et subversifs, qu’ils mettent sur le compte d’un caractère à la fois rebelle et violent. Cela rejoint la thèse que j’ai avancée ailleurs selon laquelle il y a, à l’origine du comportement des terroristes de vendredi, une absence de surmoi et un trop-plein  de testostérone. C’est un phénomène qu’on retrouve souvent chez les jeunes adultes peu éduqués mais pas seulement. La violence dans les stades concerne aussi bien des jeunes de tous les milieux. Mais, dans les couches moyennes favorisées, le besoin de violence lié au trop-plein d’énergie s’exprime souvent dans la pratique de sports extrêmes.

    Appliqué à la violence organisée et concertée dans les stades, le phénomène du hooliganisme a été quasi (ce mot est important, comme on le verra) éradiqué. Mais il persiste à l’état résiduel. Par exemple, les “supporters ” du club de football de l’OGC Nice, qui joue ce soir contre Lyon, persistent à entretenir dans les stades un climat d’affrontement alors qu’il a presque totalement disparu des autres stades de France.

    Si les Occidentaux s’intéressent le plus souvent aux hooligans, les Russes, eux, sont attentifs au phénomène du hooliganisme qu’ils prennent très au sérieux. C’est d’ailleurs à partir de la Russie que le mot est entré dans le langage courant. Les Anglais ont résolu leur problème de hooliganisme sportif par des mesures de répression accompagnés de prévention. La répression, c’est l’interdiction, de stade, souvent définitive, pour les fauteurs de troubles. Devant l’ampleur du phénomène, les Anglais n’ont pas hésité, après le drame du Heysel qui a fait  39 morts en 1985, à rompre avec leur sacro-saint culte de la liberté individuelle qui interdit l’emprisonnement sans jugement (habeas corpus, un principe inscrit dans la constitution anglaise). Depuis, les personnes jugées susceptibles de provoquer des troubles lors des matches sont assignés à résidence et, exceptionnellement, tenus de se présenter au commissariat de Police de leur quartier pendant les matches eux-mêmes.

    Les Russes, eux, ont réglé leur problème de hooliganisme sportif par une répression judiciaire féroce non sans que leurs forces de sécurité aient livré de véritables batailles rangées contre leurs auteurs, batailles souvent sanctionnées par la mort de combattants des deux camps. Mais ils ont dépassé la simple connotation sportive et théorisé le phénomène ; ainsi que je l’ai écrit plus haut, le concept de hooliganisme n’est pas réservé aux supporters de football ; ils est appliqué à toute sédition sociale accompagnée de violence. En Russie, une manif de syndicalistes (Eh, oui ! Il y a des syndicats, dans la Russie de Poutine !) tournant à l’affrontement est assimilée au hooliganisme.

    Il me semble que, pour comprendre le phénomène de “terrorisme” tel que nous le vivons en France depuis Merah, c’est ce concept qu’il faut explorer. L’état d’esprit, le caractère des auteurs sont le nœud de cette affaire ; l’islam est un terreau et un alibi. Les deux données sont exploités par des commanditaires, Daech (peut-être) et Al Qaïda, pour servir leurs propres objectifs, qui dépassent très largement les tueurs. Pour lutter contre ce type de terrorisme, des mesures coercitives d’exception – on revient à l’enfermement préventif des suspects fichés[1] – sont absolument indispensables. Mais même cela n’est pas l’assurance de l’éradiquer entièrement car le vivier des recruteurs est vaste et il est difficile d’en détecter les auteurs tant qu’ils se sont pas approchés du moment de passer à l’acte.

    Pour ceux qui portent un culte quasi superstitieux aux droits-de l’homme, qu’ils songent que la société peut, elle aussi, s’autoriser des révisions déchirantes quand il s’agit de préserver des vies humaines. Cent-trente morts et trois-cent-cinquante-deux blessés n’en valaient-ils pas la peine ?

Post scriptum : Hooligan vient du russe ” joulika” qui veut dire voyou. (Merci au lecteur russe qui m’a adressé cette précision).

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[1] Précision, sur les 11 000 (ou 10 500, ou 12 700 selon les sources) personnes fichées, moins de 4 000 le sont pour suspicion de radicalisation islamiste. C’est sur eux qu’il faut centrer l’action.

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6 Responses to Et si on nommait vraiment les choses ?

  1. Robert says:

    Votre thèse est séduisante, Kader. Je pense effectivement que l’islam n’est qu’un vecteur dans le mouvement terroriste actuel, mais avec des causes sociologiques incontournables: nous avons en France un problème d’assimilation et non pas d’intégration, car il s’agit dans le cas présent d’un déficit d’ acquisition de valeurs sociétales, et non d’une simple “intégration administrative”…

  2. lopez says:

    Bonjour Kader
    pour une fois, je ne suis pas d’accord avec vous. La terminologue hooligans ne peut en aucun cas désigner les auteurs de la tuerie du 15/11/15 pour la bonne raison que les Hooliganisme sportif n’avait pas pour but de tuer ni d’aller au sacrifice suprême de se “faire exploser”.
    je ne trouve pas d’adjectif assez fort pour désigner les auteurs de ce massacre mais en aucun cas des hooligans.

    • J’ai d’abord écrit que les Russes se servent du mot “hooligan” “pour désigner les fauteurs de troubles et les comportements asociaux et subversifs, qu’ils mettent sur le compte d’un caractère à la fois rebelle et violent”.

      J’ai ajouté plus loin : “Il me semble que, pour comprendre le phénomène de « terrorisme » tel que nous le vivons en France depuis Merah, c’est ce concept qu’il faut explorer. L’état d’esprit, le caractère des auteurs est le nœud de cette affaire”. Je parle donc bien d’un outil pour comprendre ce type de terrorisme, qui est différend de celui du FLN algérien, différend de celui du 11 septembre (si 11 septembre il y a), différend de celui des Palestiniens, différend de ce qu’on connaît en Irak depuis 2003.

      Vous dites que le mot hooligan ne s’applique pas aux tueurs parce que, précisément, ce sont des tueurs, ce que ne sont pas les hooligans du football. Vous vous trompez : les hooligans du foot peuvent tuer ; certains ONT tué. Seule la perspective de se faire prendre les empêche d’aller si loin systématiquement.

      La différence avec les terroristes de Paris est que, pour ceux-ci, tuer, Y COMPRIS EUX-MÊMES, est l’objet principal de leur acte !

  3. nigette says:

    A trop prêcher la clémence, la justice tombe dans un laxisme destructeur. Les terroristes et leurs complices (dispersés dans la masse de la population)profitent de notre faiblesse. Nous sommes des “mous”!

  4. Anne says:

    “Hooligan” vient-il du patronyme irlandais Hooligan comme indiqué au début du deuxième paragraphe, ou du mot russe “joulika” comme indiqué en Post Scriptum. La première fois que je l’ai vu employé c’était dans les années 70 employé dans un article du Point ou de l’Express qui tentait d’attirer sur le cas d’une jeune femme russe qui- ayant épousé un Français qui avait travaillé quelques mois dans ce qui était l’URSS à l’époque et voulant le rejoindre en France- était l’objet de persécutions toutes soviétiques entre autre l’accusation de “holliganisme” après une altercation dans laquelle on l’avait piégée. Il semble donc bien que les Russes aient une longue connaissance du sujet…

    Pour en revenir au sujet principal, ce n’est pas à vous qui avez fait des études en sociologie que j’apprendrais que sous l’Ancien Régime où l’habitude fut prise dès le début des Temps Moderne (XVIIe siècle) de marier les garçons plus tard afin de retarder la procréation (l’espérance de vie commençant à augmenter et avec elle le recul de l’âge ou les jeunes couples pouvaient reprendre la ferme ou la boutique familiale), ceux-ci étaient très “nerveux”…. Et que toutes sortes d’organisations de groupes tentaient dans les villages de canaliser leurs frustrations de jeunes mâles….
    Avec les jeunes des “cités” surnuméraires (à cause de notre politique d’encouragement à la natalité par le biais d’un système social favorable et même préférentiel envers leurs parents) ne nous retrouvons pas un peu dans le même registre….
    Trop d’enfants chez les défavorisées, l’école de la République, autrefois voie d’accès pour les plus doués à l’ascenseur social voire au “métissage” avec les Français de souche (servant de référent aux autres) devenue lieu d’entraînement aux petits voyous pour leur future “carrière”, le tout chapeauté par l’idéologie débile de gauche en matière de répression et pour finir la discrimination positive qui promeut les plus idiots (cf la Bécassine de l’EN) ?

  5. Sybarite says:

    Prendre la sémantique d’un mot pour la cause d’un phénomène n’est pas la bonne mesure, quand bien même elle en semblerait l’explication. Que la jeunesse en soit un élément commun (Ce sont les fils Hooligan qui ont distingué leur famille!) est une chose. Pour la manipulation que l’on en fait, cela en est une autre.

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