La cuisine politique à un an de la présidentielle (suite)

Présidentielle 2017 : la bouteille à l’encre !

20152015    L’hypothèse considérée comme la plus plausible à ce stade du processus est la victoire d’Alain Juppé à la primaire. Dans ce cas, il fera sans doute une campagne de premier tour très à droite, ce qu’il a déjà commencé à faire. Cette droitisation n’aura aucun effet sur les groupies de Sarkozy orphelins de leur idole. Ceux-là se porteront sur Marine Le Pen ou s’abstiendront. En revanche, elle en aura une sur l’électorat de gauche déçu du hollandisme. Il y réfléchira à deux fois avant de se porter sur Alain Juppé au premier tour. D’ailleurs, et c’est cette donnée qui n’est pas prise en compte par les pronostiqueurs, la campagne permettra aux Socialistes de rappeler à son électorat que Juppé est un adversaire historique de la gauche.

    Une autre donnée, qui vient de faire irruption dans le débat, est la perspective d’un regroupement, sur le thème « ni droite, ni gauche » vite rectifié en « droite Et gauche », des Euro-Atlantistes allant de Valls à Juppé en passant par Bayrou et Raffarin au sein d’un mouvement central sinon centriste qui rejetterait les oppositions aux extrêmes. Ces deux ailes étant incompatibles, elles ne pourraient pas, selon le calcul des promoteurs de ce projet, les empêcher de se saisir pour très longtemps du pouvoir. Or, malgré les efforts des zélés médias macrono-juppéistes (ou juppéo-macronistes.. ou niens), les réactions n’ont pas été à la hauteur de leurs attentes. D’où le recours à Hulot pour fixer l’attention des Français sur un autre leurre. Mais la question n’est pas évacuée. Les candidats à la primaire LR-UDI se chargeront de rappeler à leurs électeurs cette tentation centriste de Juppé. Et les hollandistes re-gauchisés comme il est de tradition au moment des grandes échéances ne se gêneront pas pour enfoncer le clou en prenant bien soin de faire oublier que leur champion n’est pas tout-à-fait étranger à l’opération Macron.

    Total : qui peut dire aujourd’hui que, face à Juppé, Hollande perdrait à coup sûr la Présidentielle ? Personne, en réalité, ce qui n’empêche pas les professionnels de la profession de le crier sur tous les tons. Mais on sait ce qu’il en est des sondages et des pronostics électoraux à un an d’une échéance.[1]

    D’ailleurs, ledit Juppé est depuis six mois déjà annoncé vainqueur de la primaire LR-UDI de l’automne. Pourquoi ? Parce que ! C’est comme ça ! Monsieur Juppé « bénéficie » d’une cote de popularité très largement alimentée par l’indigence de sa participation à la vie politique, donc, il sera élu. CQFD ! Plus sérieusement, une campagne, fût-elle pour une primaire, mettra en évidence les atouts mais aussi les failles de chacun des candidats. Or, si le créneau « à droite toutes » est occupé par deux candidats sérieux, Sarkozy et Fillon, celui des mous de l’idéologie, de la thèse du « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », du « ni droite, ni gauche » ou du « compatible avec la gauche » est très encombré. Et, même s’ils n’ont en réalité aucune chance d’être suivis, des NKM ou des MLM (Bruno Le Maire) joindront leurs voix à celles de Fillon et, surtout, Sarkozy, taperont fort sur Juppé pour lui piquer un peu de son électorat. Bref, là comme pour la Présidentielle elle-même, c’est la bouteille à l’encre.

    Mais on ne saurait se permettre de mettre son grain de sel dans le débat sans se mouiller. Aussi, me permets-je, comme tout le monde, de donner mon avis. Et mon avis est que… François Fillon a toutes les chances d’être in fine désigné candidat de la fausse droite à la Présidentielle de mai 2017. Ce sera d’ailleurs un paradoxe que ce soit le plus sincèrement droitier des candidats qui soit désigné pour représenter une coalition qui n’a plus de droite que le nom. En effet, Sarkozy est un opportuniste prêt, comme 2007 l’a démontré, à tout promettre et à ne rien tenir. Surtout, il commet une grave erreur en voulant dès maintenant disputer à Marine Le Pen son électorat. Ce faisant, il engage la campagne de premier tour de la Présidentielle alors qu’il ne sait pas encore s’il sera candidat. Pour gagner la primaire LR-UDI, il faut séduire, en plus de celui des Reps le plus droitier, l’électorat de droite qui s’abstient, c’est-à-dire l’électorat RPR patriote, nationiste et souverainiste, anti-européen et soucieux de la défense de la civilisation romaine-chrétienne dont la France est l’héritière et la dépositaire.

    Mais comment voulez-vous que Sarkozy comprenne cela, lui qui a déjà renié certains de ses engagements concernant, par exemple, le mariage gay ? Pour gagner la primaire LR-UDI, il faut combattre la dérive euro-atlantiste de nos élites qui veulent faire de la France une sous-préfecture de l’Amérique. Comment voulez-vous que Sarkozy fasse cela alors qu’il est atlantiste ET européiste et qu’il s’est, au lendemain du discours de Villepin à l’ONU contre l’invasion d’Irak, précipité à Washington pour en demander pardon – comme Hollande – à George Bush ? De tout cela, on ne parle pas encore parce que la campagne n’est pas commencée, mais ce n’est qu’une partie de remise (comme on dit à la campagne). Le déchaînement commencera en septembre ; d’ici là, la place est laissée aux chauffeurs de salle, aux amuse-gueule, les Macron, les Hulot, les NKM, les Nuits debout, les Nous citoyens, les Génération citoyens, les Bleu-blanc-zèbre et autres Transition.

    Tout cela, François Fillon, lui, l’a compris. Mais il n’avait pas besoin de se faire violence ; il est l’héritier de Pasqua et Séguin. Son positionnement est clair depuis qu’il a annoncé sa participation à la primaire LR-UDI. Il n’a pas besoin de se forcer pour s’opposer à l’Europe des grandes Régions transnationales au détriment des nations puisqu’il EST contre ; il n’a pas besoin de se faire violence pour s’opposer au TAFTA car il EST contre ; il n’a pas besoin d’en faire des tonnes sur les lois sociétales puisqu’il EST contre. La différence avec les autres est que ses prises de position, qui heurtent le politiquement correct dominant, ne sont pas relayés par les médias. Mais il s’en fiche puisqu’il sait (et il le dit) que tout se jouera à l’automne. D’ailleurs, depuis hier, même les médias commencent à se dire qu’il est temps de rectifier. Pour la première fois, un sondage met Fillon devant Le Maire et, surtout, nombre d’analystes de deuxième partie de soirée télévisée (là où les choses sérieuses sont dites) se remettent à envisager Fillon.

    On l’aura compris, je pense que François Fillon a toutes les chances de battre Sarkozy à la primaire LR-UDI de cet automne… si Sarkozy a le loisir de s’y présenter, ce qui n’est pas écrit. Et si Fillon est au deuxième tour, comme je le pense, il battra Juppé. La raison est que l’électorat des Reps est beaucoup plus de droite que ceux qui la dirigent et la forcent à collaborer avec les  partis de l’étranger. Surtout, il est beaucoup plus patriote qu’eux et beaucoup plus attaché aux valeurs de la civilisation romaine-chrétienne dont la France est, je ne le dirai jamais assez, l’héritière ET la dépositaire. Donc, l’électorat LR authentiquement de droite fera tout ce qu’il est encore possible de faire pour s’opposer aux menées de l’anti-France.

    Mais alors, me direz-vous, vous avez renoncé à l’émergence d’une force authentiquement patriote, nationiste et souverainiste ? Evidemment, non ! Faire échec à l’anti-France n’est possible que si une telle force voit le jour. La raison est que la vraie droite patriote, nationiste, souverainiste et conservatrice, c’est-à-dire préservatrice du modèle de société français héritier de la civilisation romaine-chrétienne, est majoritaire dans l’électorat LR mais minoritaire dans ses instances. Elle ne peut exercer le pouvoir qu’avec une formation alliée répondant à la demande d’une offre politique conservatrice différente à la fois de LR et du FN. Le choses peuvent changer après les scrutins de 2017 si François Fillon est élu Président de la République mais, en tout état de cause, elles ne changeraient qu’à la condition que les Reps renoncent à gouverner avec les euro-atlantistes et constituent une majorité avec une formation politique authentiquement de droite. Autrement dit, l’émergence d’une formation politique de type Peuple & Nation est plus que jamais nécessaire, pertinente et possible.

    Mais alors, me direz-vous encore, quid du Front National ? A quoi je serais tenté de répondre : rien ! Rien parce que j’ai maintes et maintes fois expliqué et démontré chiffres à l’appui que le FN ne constituait pas une alternative crédible. Si c’était le cas, ça se serait vu depuis longtemps ; le FN a tout de même 44 ans et il est devenu un vieux parti aussi ankylosé que les autres. Surtout, Marine Le Pen a depuis 2012 engagé son parti sur une ligne absolument incompréhensible. Sous prétexte de dédiabolisation, elle a renoncé aux fondamentaux politiques du FN qui sont théoriquement d’offrir une alternative patriote, nationiste, souverainiste et conservatrice aux dérives pseudo-progressistes des élites politico-médiatiques françaises. Sous l’influence d’anciens mercenaires gauchistes recrutés au prix fort, MLP a préféré banaliser son image en faisant des concessions ridicules au politiquement correct en vigueur. En conséquence de quoi, le FN a perdu sa raison d’être et ne constitue plus un recours pour les déçus de l’UMPS et en général les Français inquiets de la perte des valeurs traditionnelles. Désolé, encore une fois, pour mes lecteurs fans de Marine mais ce n’est pas encore l’an prochain qu’elle sera Présidente de la République.

    Et puisqu’il faut le redire, les chiffres sont là pour en attester. La présidentielle a ceci de particulier qu’elle déplace les électeurs. Encore une fois, l’électorat est doté d’une intelligence propre des enjeux nationaux. La participation au premier tour de la présidentielle de 2012 était de 79,48% après 83,77% en 2007, soit au moins 25 points de plus qu’aux autres scrutins. Pour bien comprendre la stagnation du FN, il faut comparer ses résultats en termes de % des inscrits : 11,66% pour Jean-Marie Le Pen au premier tour de 2002, 13,95% pour MLP en 2012, soit un gain, rapporté aux inscrits de 2002 de 943 000 voix. En dix ans !

    Autre donnée inquiétante pour le FN est le résultat des Régionales de décembre dernier. Au premier tour, 6 019 000 Français (13,29% des inscrits) ont voté pour les listes FN. On pourra toujours invoquer « l’équation personnelle » de Marine Le Pen qui a joué en sa faveur en 2012 mais, de là à perdre 402 000 voix en 3 ans et demi a quelque chose d’inquiétant pour l’avenir. On dira encore que les élections locales attirent moins d’électeurs ; c’est une évidence mais un parti d’opposition réceptacle traditionnel du mécontentement des citoyens est censé mobiliser. Rien de ça ici. Cela signifie que le FN n’échappe pas au désamour des Français pour le système politique. On peut dire que, à son grand dam, MLP a réussi au-delà de ses espérances en matière de banalisation.

    Mais la donnée la plus désespérante pour MLP et ses amis est que, au deuxième tour des Régionales, leurs listes n’ont gagné que 801 573 voix par rapport au premier alors qu’il y a eu 3 459 373 votants de plus. Autrement dit, le FN, qui ne récupère que très peu d’électeurs optant au premier tour pour ses concurrents classés d’extrême-droite, a moins de réserves que ses concurrents. Je déduis de tout cela que le FN stagne. Or, compte tenu de l’analyse développée plus haut, et même si Hollande ne parvient pas à « désintéresser » Mélenchon, même si Bayrou se présente, il faudra, pour être au second tour de la présidentielle de 2012, au moins 9 millions de voix à MLP soit 2,2 millions de plus que le total des listes FN en décembre dernier et 2,6 millions de plus que son propre score en 2012. L’espoir fait vivre mais tout de même !

    Mais alors, pourquoi la politico-médiasphère en fait-elle autant sur le FN, Réponse : parce que ça occupe et ça entretient la peur du grand méchant loup fasciste. Pendant ce temps, les Français ne s’occupent pas de trouver une alternative viable. Echec après échec, ils sont de plus en plus nombreux à s’abstenir. Or, et quoiqu’ils versent des torrents de larmes de crocodiles en l’invoquant, l’abstention ne dérange pas les profiteurs du système en place. Peu leur chaut d’être élus par 20 ou 80% de la population pourvu que l’UMPS et ses satellites conservent le pouvoir.

    De fait, et tant pis si ça ressemble à une outrance, le FN est bel est bien, avec Mélenchon, l’assurance-vie du système. La seule chose dont on soit sûr est que ni celui-ci ni la candidate de celui-là ne sera président en 2017. Quant à savoir qui le sera !… Hollande a bien raison d’y croire encore.

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[1] « Giscard n’a pas été réélu, Balladur a été battu, quant à Jospin et Royal, ils n’ont pas remporté l’élection présidentielle. Et pourtant, les sondages donnaient ces quatre là vainqueur à un an de l’élection, c’est ce que rappelle opportunément Le Figaro de ce matin, dans une analyse comparative des sondages douze mois avant le vote. »

« Oui, les sondages sont peut-être une photographie, mais une photographie qui agit sur le photographié, et c’est cela qui est problématique. Pis encore, elle crée le personnage photographié, en figeant à un instant donné des opinions hétérogènes, des intentions de vote, des gens qui découvrent les candidats potentiels, en somme les sondages informent au sens où ils font prendre forme. » Edito de Guillaume Erner, ce matin sur France-Culture. » A quelques minutes de publier cet article, je viens d’entendre en différé la revue de presse de France-Cul de ce matin. Je vous la recommande pour la partie concernant le sujet de cet article.

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One Response to La cuisine politique à un an de la présidentielle (suite)

  1. Jany says:

    Merci Kader pour cette analyse très pertinente comme toujours ! La vraie droite est surement plus proche de F.Fillon que de N.Sarkozy (opportuniste) ou de A.Juppé qui disait 2 mois avant les attentats que l’immigration était une chance pour la France,qu’il en fallait plus et qui, bien sur, a révisé son discours depuis.
    Amicalement
    ps: Merci pour le morceau de cornemuse, ça “rebooste” par les temps qui courent

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