Rendez-vous de Béziers (2)

Rassemblement des droites ou opération exfiltration de Robert Ménard du FN ?

images    Le coucou Robert Ménard avait pris la Ville de Béziers grâce au soutien de Jean-Marie Le Pen, le fondateur historique du FN. Pour ceux qui ont raté un épisode et qui auront la flemme de lire les articles publiés ici-même à cette époque, voici un rappel instructif. Robert Ménard avait bénéficié de l’entregent de son ami et associé de Bd Voltaire, Dominique Jamet, pour obtenir de son frère Alain Jamet, co-fondateur du FN et patron de la Fédération de l’Hérault, la levée de l’oukase pesant sur Béziers selon lequel aucune tête susceptible de lui faire de l’ombre ne devait dépasser parmi les militants locaux. La Mairie était prenable depuis un bon moment car une chèvre avec l’étiquette FN y faisait 23 à 25% des voix dès le premier tour de sélections ; il aurait suffi pour cela que le parti y parachute une personnalité nationale. Mais, jusque là, Jamet veillait.

    Grâce à Alain Jamet, le couple Ménard put accéder à Jean-Marie Le Pen, chez lequel il se rendait chaque lundi après-midi pour écrire un livre à trois mains. Un livre achevé et imprimé mais jamais mis en vente pour ne pas nuire aux ambitions de l’ancien journaliste gauchiste de Radio France Hérault (1983-89). C’est ainsi qu’il obtint le soutien du Menhir et l’investiture du FN pour la Municipale de 2014. Remarquons au passage qu’à cette époque-là déjà Robert Ménard était tellement sûr de lui qu’il se permettait de critiquer Marine Le Pen par ses déclarations intempestives la veille même de l’annonce de son investiture.

    Depuis, il n’a jamais cessé d’alterner manifestations d’amitiés, critiques et leçons politiques à une direction FN qui, je le tiens directement de Louis Aliot, n’avait cure de Béziers. Quant à Jean-Marie Le Pen, on sait de quelle façon il le remercia quand il fut exclu des instances du FN : en hurlant avec les loups.

Béziers: manif de soutien aux forces de police.

Béziers: manif de soutien aux forces de police.

    Ce qui s’est passé ce midi à Béziers, le départ dûment mis en scène de Marion Maréchal le Pen, sonne comme la fin d’une palinodie qui n’aurait jamais dû commencer. Quelqu’un avec qui je discute souvent politique et qui me sert de baromètre de l’opinion (je n’ai pas besoin de dépenser des fortunes en sondages, il me suffit de papoter une demi-heure avec lui pour connaître l’état d’esprit des Français) m’a dit que c’en était fini de Robert Ménard. Voire ! En réalité, celui-ci gagne à tous les coups : le soutien du FN le sert électoralement ; ses bouderies le rapprochent de son milieu naturel, les médias de gauche, et… des Reps. Mais il se pourrait que, cette fois-ci, le vent tourne.

    De fait, Robert Ménard s’est montré malheureux de la décision de Marion MLP de quitter Béziers. Il s’est dépêché de lui trouver des excuses dans de supposées pressions de la part de « certains » (Philippot) membres de la direction du FN. Cela permet de garder la sympathie de ses électeurs car ils ne lui pardonneraient pas qu’il s’en prenne à leur nouvelle idole ; une bonne façon de ménager la chèvre et le chou. On reconnaît bien là l’habileté manœuvrière de l’ancien de la Ligue communiste révolutionnaire (de 1973 à 1979). Mais cet incident s’inscrit parfaitement dans le projet des Rendez-vous de Béziers car ceux-ci n’ont d’autre but que de permettre à Ménard de prendre du recul avec le FN.

    Car Robert Ménard a des ambitions. Oh, pas pour lui-même, jure-t-il urbi et orbi. Ce qi ne lui coûte rien car la règle du non-cumul lui interdit de postuler à la législative de juin 2017. Mais ceux qui le connaissent savent qu’il va tirer les ficelles, comme il l’a fait pour les Départementales et les Régionales alors qu’il avait dit qu’il ne s’en mêlerait pas. Il se murmure même à Béziers qu’il pousserait Madame Ménard. Or, il n’est pas assez naïf pour penser que l’UMP sera aussi peu réactive que naguère. Son candidat devra compter avec un adversaire UMP autrement plus combatif qu’en 2014. Et il est douteux que le FN refasse l’erreur des Municipales puisque, selon sa formule prétexte au départ de Marion Maréchal, Oz ta droite (le « mouvement », car on ne dit plus « parti », c’est trop ringard, de Ménard) ne serait pas « le marchepied du FN ». En théorie, il y aura donc en juin 2017 deux adversaires de droite face au candidat de Ménard.

    Des deux, lequel est le plus facile à éviter d’entrée ? Réponse : le candidat UMP. Pourquoi ? Parce qu’il sera plus facile à Ménard de négocier avec Sarkozy et consorts qu’avec une direction FN qu’il a baladée pendant deux ans. D’ailleurs, la personnalité d’Elie Aboud s’y prête aisément. Il n’aura aucun mal à se plier aux desirata de ses chefs, …pour le service de la cause, il va sans dire. Mais il ne refusera pas un lot de consolation, genre une responsabilité grassement rémunérée à LR. Mais, même s’il parvient à ses fins, 2017 ne sera pas 2014 : il y aura obligatoirement contre lui un autre adversaire de droite que l’officiel, si je puis dire.

    Vu comme ça, on comprend mieux pourquoi Valeurs actuelles est associé de si près à l’organisation des Rendez-vous de Béziers. Car Valeurs actuelles est le quasi porte-parole du sarkozysme. Indépendamment de la sortie de Marion maréchal, la journée que je viens de vivre me conforte dans cette certitude. Cela a commencé par la petite marche de soutien aux forces de l’ordre organisée par Elie Aboud. Il y avait pas mal de monde… dont le Maire de Béziers. Cette précision n’est pas anodine car il m’a été dit qu’il avait tenté de l’interdire avant de s’y rallier. Quoi qu’il en soit, sa présence a dissuadé le Député de Béziers de la conclure par un discours.

   Les tables rondes à thèmes étaient destinées à faire des propositions qui seraient ensuite présentées aux candidats de la primaire LR-UDI comme des conditions sine qua non pour obtenir le soutien d’Oz ta droite ! J’ai trouvé cela très curieux. Il me semble en effet qu’un mouvement citoyen ayant la prétention de rassembler « les Droites » a vocation à faire de la politique active sur la base d’un programme conçu, discuté et adopté en vue de la participation DIRECTE du mouvement aux élections via un candidat investi par lui. Au lieu de quoi, on nous soumet à un exercice de rédaction d’un cahier de doléances à destination des hommes politiques DONT NOUS NE VOULONS PLUS. Cela signifie que Robert Ménard ne propose pas une alternative et qu’il se contentera d’une alternance, pourvu que le candidat élu ait auparavant signé pour ses propositions. Autrement dit, ce qui l’intéresse, c’est d’entrer dans le système, pas de le changer pour le plus grand bien de la France.

    Si deux, trois ou plus encore de candidats à la primaire LR-UDI signent ces « propositions », serons-nous appelés à voter pour lui ? Et si Macron les signe, si Hollande les signe, serons-nous appelés à voter pour eux ? « Bah, non, semble dire Ménard, on ne donne pas de consigne de vote ! » C’est en tout cas ainsi que j‘interprète sa pensée puisque, en réponse à Marion Maréchal, il a dit cet après-midi qu’il n’avait pas vocation à appeler à voter FN. S’il n’appelle pas à voter FN, qui l’a soutenu et qui l’a porté là où il est, pour qui a-t-il l’intention d’appeler à voter ? Faudrait savoir ! Cela ne vous rappelle-t-il rien ? C’est Hulot et son Pacte écologique de 2007. Et ça porte un nom : le degré zéro de la politique !

    Je n’avais pas besoin de ça mais le déroulement et le contenu des « tables rondes » a achèvé de me convaincre du bien fondé de cette analyse. Tout en effet se passe comme si les 1 500 personnes inscrites à ces RDV de Béziers (2 000 revendiquées par l’organisateur), dont certaines venues de très loin, n’étaient là que pour la claque et pour donner une apparence de réalité au « rassemblement » tant vanté. Conçues pour permettre aux participants de faire des propositions en vue de la rédaction du projet d’Oz ta droite !, ces tables-rondes n’étaient que prétexte à donner la parole à des fans acquis d’avance. C’est tellement vrai que les vedettes des débats arrivaient sur scène avec leurs fiches qu’il lisaient en guise de réponse aux intervenants de la salle. De fait, les conclusions des débats et les propositions censées en découler, étaient écrites d’avance.

    Du coup, les questions qui me sont venues à l’esprit tendaient à mettre en porte-à-faux certains des invités. Ce matin, au débat sur la famille et les lois Taubira, où j’ai tenu à me rendre pour entendre Ludovine de la Rochère, je n’ai pas pu en poser car les micros de salle n’ont pas dépassé les premiers rangs. Mais, cet après-midi, je me suis rattrapé avec le débat sur l’Europe. Un débat rendu particulièrement passionnant par un formidable Oskar Freysinger, enseignant et Conseiller d’Etat (Ministre de l’Education et de la Sécurité) du Valais Suisse. Le débat en soi était intéressant mais il était hors du temps. Les propositions pleuvaient comme s’il était encore temps de sauver la France de l’Europe et surtout, comme si ceux qui gouvernent notre pays n’étaient pas ceux-là mêmes qui en provoquaient la ruine.

    Surtout, Yves de Kerdrel, directeur de Valeurs actuelles est un ex-Young Leader de la French American Foundation. Or, pas une fois ce super-lobby atlantiste qui dirige la France (et dont la plupart de ceux qui peuvent la présider en 2017 font partie) n’a été nommé. Et pas une fois, le nom de la Goldman-Sachs, qui a mis ses pions à tous les postes stratégiques européens (BCE, Commission, Banque d’Angleterre, Transatlantique Policy Network, l’organe censé « négocier » le TAFTA), ls organes internationaux et certains gouvernements n’a été prononcé en deux heures et demie de débats. J’ai donc interpellé Yves de Kerdrel sur le thème « on est en train de discuter de la couleur des murs d’une maison, la France, qui tombe en ruines par la faute de vos amis ». Il a essayé de m’empêcher d’aller plus loin en disant que ça ennuyait les gens. « Les gens » se sont récriés, ce qui m’a encouragé. Inutile de préciser que je n’ai pas eu de réponse. Mais j’étais content de mon effet.

    La morale de tout cela est que, quand quelqu’un parle, il faut toujours essayer de savoir D’OÙ il parle. Cela vaut pour Kerdrel, évidemment, mais ça vaut aussi pour Robert Ménard.

 

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3 Responses to Rendez-vous de Béziers (2)

  1. ADLER Georges says:

    Bravo Monsieur HAMICHE. Vous ne dérivez jamais. Dans ce pays qu’est la FRANCE on assiste en permanence à la guerre des clans, de droite comme de gauche. Sitôt élus, nos politicards organisent déjà leur réélection. Pendant ce temps, la FRANCE sombre : emplois, flux migratoire incessant, gaspillage, distribution de l’argent public, etc….. L’extrême gauche qui monte en puissance (les rouges sont de retour : partage des biens de la classe moyenne, acquis avec de la sueur, à la vermine qui arrive et aux assistés permanents). Notre HORRIBLE CREATURE ELYSEENNE, qui se pavane, inaugure, commémore, qui ne fout rien sauf gaspiller avec ses sbires.
    Pour éliminer tout cela, les droites minoritaires ne sont même pas foutues de se mettre autour d’une table, et de s’allier. J’entends, je vois le désarroi des français qui se posent la question : pour qui voter en 2017 ?????
    Si aucune solution porteuse d’espoir ne se dessine, en 2017 nous allons soit repartir pour 5 ans en HOLLANDIE, soit dans le communisme pur.

  2. Jany says:

    Et oui, quand un vrai sursaut constructif ? Je suis d’accord avec le commentaire de Georges et votre analyse, Kader, est juste. Maintenant que le FN a aidé Menard à être là où il est, Monsieur fait le “cacou” et veut être le grand rassembleur. Pauvre France ! Mais vive la France !

    • J’étais aux débats et je peux vous dire que beaucoup de gens n’étaient pas dupes. La plupart des participants (je ne parle pas des invités) étaient des électeurs du FN et ils ont bien compris l’embrouille.
      Tout le monde sait que Valeurs Actuelles, qui est dirigé par Yves de Kerdrel, un ancien de la French American Foundation, est un hebdo entièrement au service de N. Sarkozy.
      Quant aux invités, parmi lesquels aucune pointure politique, beaucoup d’entre eux feront des offres de service en 2017 à l’UMP ou même à Hollande si, sur un malentendu, il parvenait à conserver l’Elysée. Pour ceux qui en doutent, M. Bilger, par exemple, a un temps espéré être nommé Ministre de la Justice par Hollande, pour lequel il a voté en 2012 (il l’a lui-même annoncé avant l’élection en guise d’offre de services).
      Ce “colloque” aux conclusions écrites d’avance était destiné à ouvrir une porte de sortie à Ménard car, comme ça a toujours été le cas dans son histoire d’ancien gauchiste passé à Mitterrand puis pistonné par Villepin pour aller faire de l’argent au Qatar, et soutenu par le FN pour prendre Béziers, ses bienfaiteurs ont toujours regretté leur générosité. A Béziers, il a mangé son pain blanc et il sait qu’il aura du mal à conserver la Mairie en 2020 car le FN ne s’y laissera pas prendre deux fois. Or, il est très ambitieux; outre conserver Béziers, il veut (comme Bompard dans le Vaucluse) se tailler un fief dans l’Hérault. Je pense même qu’il se voit un destin ministériel. Pour cela, il a besoin de s’allier avec ses anciens amis “humanistes”.
      On n’est pas près d’en finir avec le feuilleton Ménard, croyez-moi !

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