La surprise annoncée se confirme
Le premier tour de la primaire de la « Belle alliance populaire » a donné son verdict. Benoît Hamon arrive en tête avec plus de 36% de voix, suivi de Manuel Valls avec 31% et Arnaud Montebourg 18%. Aussitôt le chœur des faux experts médiatiques a quasiment enterré Manuel Valls pour le second tour. Quant aux rares qui le donnent gagnant dimanche prochain, ils le voient se noyer à la Présidentielle avec un score lilliputien (j’exagère !) de 10% et une cinquième honteuse place. Et tous de considérer la participation à la primaie comme une échec. Mes lecteurs ne seront pas étonnés de lire sous ma plume (si j’ose dire) tout le contraire.
Tout d’abord, la participation. Comparée en chiffres bruts à celle de la droite, elle fait évidemment piètre figure : 1 700 000 votants contre 4 millions et demi, c’est en effet rachitique. Sauf qu’on compare des choses incomparables. Si on tient compte de tous les éléments, si on contextualise – ce qui est le minimum quand on veut analyser les faits – les conclusions sont tout autres.
Tout d’abord, rendons justice aux experts qui ont tous rappelé que la primaire du PS et de ses alliés était organisée pour entériner la candidature du Président sortant. D’où sa date tardive et le peu de temps laissé aux autres candidats pour se préparer. Or, il est évident qu’au moins deux d’entre eux ne se seraient pas présentés si Hollande en avait été : Manuel Valls et Vincent Peillon. Cela s’est vu pendant la campagne qui a notamment vu un Valls à contre emploi.
Le deuxième élément qui devrait relativiser l’échec de cette primaire, surtout par comparaison avec celle “de la droite et du centre” mais aussi par rapport à la primaire socialiste de 2011, est qu’elle était, pour beaucoup, destinée à désigner non pas le prochain Président de la République mais, en quelque sorte, son sparring partner. Qu’en aurait-il été si le candidat qui sortira vainqueur du deuxième tour dimanche prochain avait de réelles chances de l’emporter en mai prochain… ce qui, d’ailleurs, aurait rebattu les cartes puisque cela aurait requalifié François Hollande ?
Enfin, et personne, à ma connaissance, n’en a parlé (mais, contrairement à Mélenchon, je n‘ai pas le don d’ubiquité qui m’eût permis d’assister à tous les débats), la « primaire citoyenne » de 2011 fut concurrencée par deux candidats de gauche dissidents : Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly ; la « primaire de la BAP » l’est par trois candidats dissidents : Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche et le Parti Communiste, Yannick Jadot pour EELV et le phénoménal, au premier sens du terme, Emmanuel Macron pour un parti dit “En marche” mais qu’on pourrait appeler le « Parti de la haute finance et de la liquidation des Nations » (Je blague ! Quoique !…). Or, plus encore que Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, porté par des médias aux mains de onze milliardaires français et parrainé par les Banques Rothschild et Goldman Sachs, est présenté comme devant tondre la laine électorale sur le dos des Socialistes.
Si on tient compte de tous ces éléments, on comprend que les électeurs de gauche ne se soient pas rués en masse dans les bureaux de vote, en tout cas pas autant qu’en 2011 (2 600 000 au premier tour). Du coup le score estimé d’1 700 000 votants à l’heure où je rédige cet article est, objectivement, loin du ridicule.
Très tôt dans la soirée, j’ai compris, à l’annonce des 36,2% de Benoît Hamon, que cette consultation était bien (ce que j’ai écrit plusieurs fois) une sorte de congrès du PS. Chacun sait en effet que les congrès socialistes se gagnent à gauche et que les propositions les moins réalistes y bénéficient d’une cote d’amour privilégiée. C’est ainsi que l’hallucinante idée de permettre à 1% des Français de bloquer par un « référendum citoyen » une loi votée par les représentants des plus de 50% restants (???) n’a pas handicapé Benoît Hamon. Surtout, il a fait un tabac avec son « revenu universel » dont le coût estimé de 400 mds€ revient à « doubler le budget de l’État » selon son ami Arnaud Montebourg. Ce qui n’a pas empêché celui-ci d’appeler à voter pour l’irresponsable. Il s’est donc trouvé 52% des votants pour donner leur voix à d’anciens ministres de François Hollande qui n’ont eu de cesse de lui savonner la planche.
Arrivé deuxième avec 31% des voix, Manuel Valls est donné perdant par les experts médiatiques au second tour de cette primaire. C’est méconnaître deux constantes : 1°/ L’appel d’Arnaud Montebourg à voter pour Benoît Hamon ne signifie pas que 100% de ses électeurs vont obtempérer. Nombre d’électeurs de Montebourg pourraient se montrer plus cohérents que leur champion. 2°/ Il est tout à fait probable que la participation au second tour sera plus importante qu’au premier. En 2011, la participation à la « primaire citoyenne » s’était enrichie de 205 000 votants entre les deux tours ; celle « de la droite et du centre » en a gagné 106 000. Au vu du premier tour qui n’a pas été (voir plus haut) l’échec annoncé[1], les électeurs de gauche à la “primaire de la BAP” seront plus nombreux à se déplacer dimanche prochain. Or, très classiquement, les candidats contestataires (ou frondeurs) font le plus souvent le plein de leurs voix au premier tour. Parallèlement, de nouveaux électeurs pourraient se déplacer pour corriger le score de Benoît Hamon. J’en conclus que, dans une confrontation claire entre une gauche utopique et une gauche réaliste, Manuel Valls a toutes ses chances d’être désigné. Pour être clair, je pense qu’il le sera.
Et quid de Macron, me direz-vous ? Mes lecteurs savent ce que j’en pense mais je fais semblant de me poser la question car j’ai entendu des journalistes dits « responsables » envisager sérieusement, au vu de seuls sondages dont on sait ce qu’ils valent, l’idée que le candidat socialiste issu de la primaire se désiste en faveur d’Emmanuel Macron[2]. C’est évidemment une bêtise d’une insondable profondeur, une insulte au suffrage universel et à l’intelligence des Français, et une marque de mépris pour l’idée même de citoyenneté. En ce qui me concerne, j’ai une assez haute idée de la politique et de ceux qui la font (pas tous), y compris de gauche, pour ne pas l’envisager une seconde.[3]
Et je confirme évidemment ce que j’ai écrit dès le 16 novembre 2016 dans L’imposture Macron ainsi que tous les articles écrits sur la Présidentielle d’avril-mai prochain.
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Oui Kader, les électeurs de gauche ont voté pour le candidat le plus… à gauche ! Quelle surprise ! Quant à Macron, je refuse à envisager le pire, gardant espoir qu’une majorité d’électeurs aura la lucidité de le renvoyer chez ses amis de la haute finance…
Cordialement.
Le soldat Hamon sauvera-t-il le PS d’une déroute annoncé ?. Si l’on en croit les appels des éléphants du PS il y a de fortes chances que le PS sauve son aile gauche en votant Hamon , le rêve pour Mélenchon de former un groupe à l’assemblée nationale s’amenuisant laissant l’aile droite du PS acquise à Macron, celui-ci pourrait bien voler la vedette à Fillon, Marine le Pen caracolant en tête des sondages, à moins que Mélenchon et Macron s’invitent à la primaire socialiste en soutenant le premier Valls à contre coeur et le second Hamon pour des raisons purement électoralistes. La participation dimanche risque d’être importante si le duel Hamon -valls était arbitré par Mélenchon-Macron. Qui sifflera la victoire ? Réponse dimanche prochain.
Ce serait bien si Valls gagnait (mais je n’y crois pas trop ) car cela diminuerait l’ascension de Macron .Beaucoup de rats ont déjà quitté le navire ,mais le réintégreront-ils ?Là est la question !
Cordialement
Je suis entièrement d’accord avec Robert!
Comme je l’ai déjà écrit nous avons un phénomène lancé par la publicité des riches et des conformistes: Hillary Macron, tout aussi déconnecté du peuple français que Hillary Clinton l’était du peuple américain. Le parallèle n’est pas terminé.